Le Contrat Social - anno VII - n. 5 - set.-ott. 1963

. , rev11ehistorique et critique Jes faits et Jes iJées Sept.-Oct. 1963 Vol. VII, N° 5 AU-DESSUS DE LA MÊLÉE par B. Souvarine TOUT au long de l'année 1963, les dirigeants communistes ont échangé des flots de polémiques empoisonnées dont nous avons dû reproduire ici quelques échantillons propres à faciliter l'intelligence de la discorde. A ce déluge de littérature saturée de haine et de mauvaise foi réciproques s'ajoute dans les pays libres un torrent de commentaires que personne n'a les moyens de suivre. Il devient inutile de serrer de trop près les péripéties et rebondissements de cette mêlée soviéto-chinoise à laquelle participent les tenants ou suiveurs des deux parties puisque les arguments et arguties de la compétition s'étalent à grand bruit sur la place publique. L'essentiel est d'enregistrer l'accusation majeure qui culmine de part et d'autre, à savoir que d'après les gens de Moscou, ceux de Pékin ont trahi le marxisme-léninisme, et qu'à en croire les gens de Pékin, le marxisme-léninisme est trahi par ceux de Moscou. Les deux accusations ne s'excluent pas, elles s'additionnent. Il en découle que rien d'authentique ne subsiste du ci-devant marxismeléninisme. Or, c'est ce qu'on a démontré icimême, en tout désintéressement et en connaissance de cause. Avant 9ue de disparaître, Marx et Engels avaient déJà désavoué le marxisme de leurs épigones. Mais quant au marxisme des épigones des épigones, il se ramenait bientôt à un résumé de résumés ayant perdu le meilleur de la substance • initiale. En cumulant ce résumé de résumés avec le léninisme, autre schéma dépourvu de pensée vivante, réduit à un. compendium de formules, les épigones de Lénine et leurs épigones actuels ont stérilisé les esprits qui prétendaient détenir le sens de l'histoire et ambitionnaient de transformer la face du monde. Corrompus par le pouvoir, et Biblioteca Gino Bianco même corrompus absolument par le pouvoir absolu, ils sont devenus la négation invétérée des principes qui avaient inspiré leurs ancêtres doctrinaires dont ils avilissent la terminologie tout en déshonorant l'étiquette marxiste-léniniste dans la pratique quotidienne. Qu'ils soient russes ou chinois, ils se rendent à présent témoignage mérité en se déniant mutuellement, encore que stimulés de mobiles vulgaires, le droit de se réclamer du marxisme-léninisme. Cependant des allusions à un arrangement éventuel entre les frères ennemis se sont multipliés en octobre. Le 1er de ce mois, Phen Chen, maire de Pékin, célébrant le quatorzième anniversaire du régime, affirmetranquillement : « La paix mondiale peut être préservée, l'avenir de l'humanité peut être extrêmement brillant.» Le même jour, Kossyguine porte des toasts cordiaux à l'ambassade de Chine à Moscou. Tchou En-lai, le 10 octobre, à un visiteur japonais de marque, dit qu'il ne saurait être question de rupture entre Moscou et Pékin, que le traité d'alliance et d'amitié soviéto-chinois est en pleine vigueur. Le même personnage tient au directeur de Reuter, le 14 octobre, des propos dont la modération et la prudence contrastent avec la vinilence du style habituel. Dans une conférence de presse, le 25 octobre, Khrouchtchev ramène l'antagonisme à de simples « différences d'interprétation de certains passages (sic) des déclarations adoptées à Moscou en 1957 et 1960 » et, débonnaire, il prêche le retour au calme. Le 29 octobre, le Chinois délégué au congrès syndical de Moscou préconise la coexistence pacifique et exalte. « l'amitié éternelle entre nos deux pays». Le 31 octobre, on mande de Varsovie que le P.C. polonais s'emploie activement, par ses ambas-

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