Le Contrat Social - anno VII - n. 5 - set.-ott. 1963

292 sont dans un état de complet délabrement. Les seuls bâtiments encore occupés sont les maisons habitées par les ex-propriétaires qui voient leur ancien bien tomber en ruine autour d'eux. La ville dans laquelle nous avons passé quelques jours avec de vieux amis montrait encore ses cicatrices de la deuxième guerre mondiale. En plein centre, des bâtiments partiellement réparés, . des terrains vagues déblayés de leurs ruines. Les nouveaux bâtiments, la plupart dans le style « pièce montée» cher à l'époque stalinienne, semblaient en piètre état, que ce soit à cause de la qualité inférieure des matériaux ou de l'e~écution défectueuse, ou encore pour ces deux raisons à la fois. Comme nous constations le retard de la reconstruction par rapport à l'Allemagne ~e l'Ouest, nos amis observèrent sèchement qu'ils se félicitaient que l'on n'ait pas construit davantage ces dernières années : « Imaginez un peu que toute la ville ait été reconstruite avec ces horreurs... Au moins, nous pouvons toujours espérer quelque chose de mieux. » Dans un immeuble d'habitation flambant neuf, nous nous sommes arrêtés chez un ménage de jeunes mariés, fi.ersde nous montrer leur appartement. Au premier coup d'œil, celui-ci paraissait plaisant et assez moderne, mais un examen plus attentif révéla que, par comparaison avec les normes de l'Ouest, la qualité du travail et de la matière première laissait beaucoup à désirer. Les appartements n'avaient que des fourneaux à charbon d'un modèle ancien, le charbon étant, bien entendu, rationné. Les démarches entreprises par -les jeunes mariés avaient commencé trois ans plus tôt. La très grande pénurie de logements fait que l'espace vital est affecté strictement en fonction du nombre des membres de la famille. Les personnes occupant naguère à elles seules de grands appartements à l'ancienne mode ont été obligées d'en sous-louer une partie ou même de les quitter. Notre jeune ménage avait dû s'engager à travailler plusieurs centaines d'heures dans les « équipes de construction » ( Aufbauschichten), déblayant des gravats, transportant des briques et faisant les terrassements pour les. fondations de nouveaux immeubles. Tâche non rémunérée qu'ils devaient effectuer pendant leurs heures de loisir - les dimanches et après leur travail les jours ouvrables. Travaillant tous deux six jours par semaine, ce qui est la règle en Allemagne orientale, il leur avait fallu près de deux ·ans et demi pour s'acquitter de leurs obligations. Après une attente supplémentaire de quelques mois et le versement d'une somme importante, ils avaient enfin pu se _marier et emménager. Il leur avait fallu presque aussi longtemps pour se procurer des meubles d'une qualité acceptable et obtenir la livraison d'un téléviseur et d'une machine à laver fort_ rudimentaire (le délai de livraison est de deux ans et demi à-trois ans pour ces deux articles). Le linoléum et les clous d'acier pour accrocher quelques tableaux avait dû leur être envoyés par des amis d'Allemagne fédérale. Biblioteca Gino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE Possesseur, en outre, d'une voiture d'occasion, ce jeune couple jouissait d'~ niveau de vi~ auquel beaucoup de leurs compatnotes ne pouvaient prétendre. Dans un pays qui importe quelques véhicules de Tchécoslovaquie et d'U nion soviétique, · en plus de sa propre production limitée à deux voitures particulières - la .moyenne W~burg (correspondant plus ou moms à la Cadillac en tant que symbole de :prestige social, et tarifée. en conséquence) et la petite Trabant, - la possession d'une voiture privée est une rareté surtout réservée aux fonctionnaires et aux médecins. Le délai d'attente pour une nouvelle_voiture _est,en génér~, d'au moins cinq ans. Inutile de dire que le prix de l'essence pour les voitures privées est démesurément élevé. En parlant vacances ave~ no~ nouv~lles co~aissances, nous avons constate qu orgaruser un seJour dans une station estivale en Allemagne orientale posait également bien des problèmes. Il est pratiquement_impossibl~ de fa_iresoi-même au~un des préparatifs. Les reservattons pour les lieux ~e villégiature (Ferienplatze) ne peuvent s'obtemr que par l'intermédiaire de l'entreprise d'Etat ou du bureau gouvernemental pour lequel on travaille, d'organisations comme la Jeunesse communiste ou les syndicats, ou encore l'agence de voyages D.E.R. ( Deutsçhes Reisebüro). On attribue à chacune de ces entités un nombre restreint de «places », le nombre des demandes dépassant de beaucoup celui des «places» disponibles. Si l'on a la chance d'obtenir une réservation par l'entreprise ou l'organisation où l'on travaille, le prix des chambres est assez bas, outre des réductions sur le prix du voyage. Les chambres se trouvent dans des « foyers de vacances », en général anciens hôtels de villégiature, maisons de rapport ou appartements privés sous le contrôle des autorités. Autrement dit, impossible de partir de sa propre initiative, à moins de camper sous la tente. Les vacances sont purement et simplement un monopole d'Etat. Il en coûte plus cher et il est plus difficil~·d'organiser un séjour par l'intermédiaire d'une agence de voyages de l'Etat qu'en passant par une entreprise ou une organisation. On fait parfois la queue devant ces agences vingt-quatre heures avant la répartition des places disponibles. Les voyages à l'étranger sont très recherchés, mais ils coûtent cher et sont plutôt l'exception. Depuis l'érection du «mur », ils sont exclusivement limités aux« pays démocratiques» (c'est-à-dire situés derrière le rideau de fer) ; ils se font uniquement en groupes, chaperonnés par un guide officiel qui est seul à posséder un passeport. Avant le départ, tous les autres touristes doivent échanger leur carte d'identité contre une carte provisoire, afin que nul ne s'écarte de l'itinéraire prévu. Les soucis de la ménagère EN ALLEMAGNE ORIENTALE, la vie de tous les jours ·est pleine de vicissitudes pour la ménagère, qui passe le plus clair de son temps à faire la 9ueue pour acheter ses provisions ou en courses mter-. minables. Se procurer une simple vis pour une

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