250 vis-à-vis de l'extérieur et d'intérêts opposés à l'intérieur», écrit-il. Toute réforme de l'entreprise doit donc respecter les oppositions qui expriment le droit et la volonté des syndicats de contester les actes de la direction. M. BlochLainé rejette comme sommaire la contradiction entre cette contestation et la participation à la gestion qui sont pour lw les deux pôles de la fonction syndicale. De même, il rejette comme dogmatique l'opposition entre la « libre entreprise » et la planification ; la liberté et la planification étant relatives à des domaines différents, leur présence simultanée est la meilleure garantie que la société ne sera ni écrasée par un Etat totalitaire ni livrée à la jungle d'une concurrence effrénée et destructrice. En fait, mais non en droit, l'entreprise est un carrefour de trois forces indépendantes : le capital, le personnel et l'Etat (ou ·le Plan). Toute entreprise doit rendre des comptes aux salariés qu'elle rémunère et à la société à qui elle offre des biens utiles; elle est même redevable à celle-ci de l'usage plus ou moins efficacequ'elle fait de la capacité de travail de ses membres. La propriété est un abus quand elle apparaît exclusive de toute conséquence sociale. Le personnel aspire-t-il à la gestion des entreprises ? M. Bloch-Lainé pense avec raison que la classe ouvrière, actuellement, n'est guère tentée par ce qu'on appellerait une co-direction et, qu'elle lui préfère la liberté de contrer une direction étrangère. En revanche, il trouve que les cadres désirent, sans diminuer l'autorité directoriale, lui être associés; généralement, les cadres n'apprécient pas les tutelles financières du capitalisme privé, ni les tutelles mip.istérielles du capitalisme d'Etat. L'auteur rejette tout gouvernement de l'entreprise qui émanerait simplement des actionnaires par le moyen du conseil d'administration. Rejoignant là-dessus l'analyse faite par Alexandre Dubois et ses disciples, il décompose l'entreprise en deux parties : une société de capitaux et une société de travail, chacune devant participer à la gestion. Le chef d'entreprise et son comité de direction doivent donc être contrôlés, au besoin contestés, par un conseil de surveillance qui émanerait en partie du capital, en partié du perso'nnel, avec peutêtre la participation de commissaires d'Etat. M. Bloch-Lainé reprend là une idée développée il y a dix ans par les leaders travaillistes de la Fabian Society, à la recherche d'un nouveau · programme pour le Labour Party. Dans ce sens, il· est amené à distinguer là grande entreprise collective de l'entreprise familiale restreinte où la propriété et le .pouvoir ne sont pas suffisamment séparés. et où régnerait alors un « despotisme éclairé ». La force syndicale doit rester ce que les Américains nomment un pouvoir compensateur. Avec raison, pensons-nous, M. Bloch-Lainé écrit que « les organisations syndicales ne sont pas faites pour devenir ·employeurs ». Il préconise la reconBibliotecaGino Bianco LE CôNTRAT SOCIAL naissance légale de la section syndicale, revendication à la mode qui n'est pas sans danger, mais à la condition que « le nombre de ses_adhérents soit au moins égal à 10 °/4 du personnel jntéressé », .· ce qui est inadmissible et même absurde dans la conjoncture syndicale actuelle. Il désire une commission paritaire et permanente des conflits,. formée des syndicats ayant signé les conventions collectives. En fait, de telles commissions existent souvent dans les clauses de ces conventions, puisqu'elles doivent les interpréter. On ne voit pas très bien ce qui distingue le collège salarial, appartenant au conseil de surveillance, des comités actuels d'entreprise. Mais il faudrait que l'ordonnance de 1945, devenue loi en 1946, soit réellement appliquée, en particulier son article 3 qui .. ouvre le droit à enquête pour les comités et qui, il faut le reconnaître, est largement tombé en désuétude. Information, cons~tation, appardennent déjà à la loi 3 • M. Bloch-Lainé leur ajoute le contrôle des comptes obtenu grâce à des commissaires aux comptes extérieurs à l'entreprise et formant un « ordre » qui dirait « le vrai». La répartition des bénéfices devrait être approuvée par les salariés, puisque ceux-ci en auraient une part. Cependant, la décision leur échappant, il y aurait là sans doute une source de conflits avec la direction. Alors faudrait-il avoir recours à cette magistrature sociale dont l'auteur souhaite la création ? Cette magistrature, ayant un rôle uniquement conciliateur, arriverait-elle à dire la loi ? Il nous a semblé que ce point restait obscur, et cela est compréhensible car le problème de la gestion ouvrière n'est tout entier ni dans l'information ni dans la consultation du personnel, mais dans le rôle qu'il jouerait dans la décision. Même si l'on réalise un partage équitable (?) entre les délégués des actionnaires et ceux du personnel, une démocratie industrielle suppose, pleinement instituée, la responsabilité de la direction vis-à-visdu conseil de surveillance, lequel doit être en mesure de la révoquer. M. BlochLainé ne va pas si loin quand il écrit, parlant de la gestion de l'entreprise : « Ce serait une cooptation contrôlée, le contrôle se bornant à la possibilité d'une opposition fondée sur une informa- -don» (souligné par nous). Qu'en résulterait-il donc? Parallèlement au collège salarial, il y aurait un collège capitaliste. Les actionnaires, qui généralement n' pnt ni le goût ni les moyens de partjciper à l'assemblée générale, ne voteraient pas : ils seraient simplement informés. Seuls voteraient les commanditaires qui engageraient leurs capitaux, mais ces commanditaires seraient sans doute · des banques, des holdings ou sociétés d'investissements, sinon des caisses de retraites ou des compagnies d'assurances; critiques compétents 3. L'ordonnance est très vague sur cette fonction du comité d'entreprise : celui-ci doit « coopérer avec la direction », sans plus de précision.
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