236 de Kamenev et de Staline face aux « thèses d'avril» de Lénine se termina par la mise à pied de Bourdjalov et le remaniement du comité de rédaction de la revue. La version officielle du rôle des personnalités non réhabilitées dans les événements qui conduisirent à la prise du pouvoir par les bolchéviks s'est modifiée depuis 1956, mais très peu seulement. La première et la deuxième édition de la nouvelle Histoi.re du Parti soulignent que Kamenev adopta une « position semi-menchévique »; que Rykov le soutint et affirma « qu'il n'y avait pas en Russie de conditions objectives pour une révolution socialiste»; et que la politique de Trotski fut « aventureuse et désastreuse pour la Révolution » 23 • Il existe certaines différences entre ces deux éditions, mais elles portent notamment sur le rôle de Staline et non sur celui des chefs déchus. La ·deuxième édition est indubitablement plus rigoureuse dans sa critique à l'égard de Staline et ne laisse échapper aucune occasion de le prendre en faute. D'autre part, bien que les deux éditions parlent des bolchéviks non réhabilités en termes moins sataniques que ceux employés dans le Précis stalinien, elles conservent toutes deux - en dépit de modifications mineures dans la deuxième édition - toüs les éléments essentiels des falsifications précédentes concernant l' opposition. Ainsi, bien que la deuxième édition abandonne à tel endroit de la première édition une phrase concernant la position de Kamenev· en 1917, qui « était le prolongement de son attitude opportuniste d'autrefois », elle répète ailleurs que sa « trahison » ( comme celle de Zinoviev) « était la conséquence directe de leurs oscillations opportunistes ». De même, le rôle de Trotski dans la révolution et la guerre civile est encore systématiquement passé sous silence ou grossièrement déformé : l'insurrection d'Octobre ne fut pas dirigée par lui ; l'Armée rouge fut créée sans lui ; en toutes circonstances, il mena une politique pernicieuse. Comme par une sorte de justice compensatrice, le dénigrement de Trotski s'accompagne, dans la deuxième édition de l' Histoi.re, d'un effort semblable, certes moins étudié, visant à noircir Staline. Ce dernier est maintenant présenté comme ayant partagé la position de Kamenev avant avril 1917, et s'étant opposé à Lénine sur la question de l'exclusion de Kamenev et de Zinoviev avant la prise du pouvoir par les bolchéviks, et « oscillant » durant les pourparlers de Brest-Litovsk. Même à propos de la lutte contre l'opposition, pour laquelle Staline avait été porté aux nues dans la première édition, son ·nom est maintenant discrètement supprimé presque partout (de même que ceux de Molotov et de Kaganovitch) et remplacé par la fo11Duleanonyme de « militants du Parti». 23. Histoire du parti communiste de l'Union sooiétique, Moscou 1959, 28 éd. 1962. Biblioteca Gino Bianco L'EXPÉRIENCE ·coMMUNISTB L'attitude présente en matière de réhabilitation des membres de l'opposition est définie dans une résolution du Comité central diffusée par l'agence Tass le 1er février 1963, critiquant les travaux de la revue Questionsde l'histoire du parti commu-· niste de l'Union soviétique. Cette résolution rappelle celle émise par le Comité central il y a cinq_ ans au sujet de la revue Questionsd'histoi.re après l'affaire Bourdjalov, et poursuit : La revue devrait lutter pour liquider les conséquences néfastes du culte de Staline dans l'histoire du Parti et pour surmonter totalement le subjectivisme, le dogmatisme et les méthodes historiques erronées qui s'y rattachent. La revue a également le devoir de s'opposer résolument et implacablement à toute tentative visant à miner les fondements de la théorie marxiste-léniniste sous le couvert de la lutte contre le culte de la personnalité, à toute tentative visant à réhabiliter les opinions et les tendances antimarxistes mises en déroute par le Parti. Il n'est donc guère surprenant que ni la première ni la deuxième édition de la nouvelle Histoire du Parti ne soufflent mot des procès de Moscou, en dépit des conséquences logiques des révélations faites au xxe et au XXIIe Congrès et des réhabilitations opérées jusqu'ici. Dans la deuxième édition, le prélude à ces procès, le meurtre de Kirov, n'est plus rattaché aux activités de l'opposition, comme il l'était dans la première édition 24 , mais la nouvelle édition ne tente pas de faire la lumière sur la question : elle cite simplement la remarque faite par Khrouchtchev dans son discours secret d'il y a sept ans, selon lequel les circonstances du meurtre « font encore l'objet d'une enquête » 25 • DANSL'INTERVALLuEn,e réhabilitation a, plus que toute autre, implicitement mis en doute le fondement juridique des procès de Moscou : celle de l'ancien premier secrétaire du P.C. ouzbek, Akmal ·Ikramov, l'un des accusés du procès Boukharine-Rykov. La Petite Encyclopédie date sa mort du 13 mars 1938, dernier jour du procès. Comme tous les accusés, Ikramov confessa tous les crimes dont on le chargeait. Dans son réquisitoire, Vychinski accusa Boukharine d'avoir établi des contacts avec l'intelligence Service par le truchement d'Ikramov, qui en témoigna pendant le procès 26 • . . La réhabilitation d'Ikramov fut annoncée par Moukhitdinov, alors membre du présidium du Comité central du P.C., dans une allocution prononcée à Tachkent en septembre 1957 27 • Cela infirmait le procès tout entier ; cependant, aucune réhabilitation des autres accusés n'a suivi. Seul 24. Histoire•.., p. 463. 25. Histoire..•, (28 éd.), p. 486. 26. Cf. Le Procès du « bloc des droitiers et des trotskistu • antisoviétique, Moscou 1938. 27. Pravda de l'Orient, 28 déc. 1957. ..
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