Le Contrat Social - anno VII - n. 4 - lug.-ago. 1963

• H. G. SHAFFER semble préférer que ces objectifs essentiels euxmêmes soient déterminés à partir de plans dressés par les entreprises pour répondre à la demande du consommateur, et seulement alors approuvés par les instances supérieures pour les besoins de la logique interne.) Ce qui est de la première importance, les profits de l'entreptise constitueront la référence exclusive pour les primes accordées au directeuL Des normes seront élaborées pour chaque branche d'industrie et Liberman propose un « étalon unique de profit pour les entreprises placées, en gros, dans les mêmes conditions naturelles et techniques ». Pour inciter les directeurs à révéler le véritable potentiel de production de leur usine et pour que celle-ci tourne à sa capacité maximale, Liberman fait une triple proposition. Primo, les primes d'encouragement par rouble de capital investi doivent augmenter en même temps que s'accroît le taux des profits (quoique à un rythme plus lent que ces derniers), suivant une échelle différente pour telle ou telle branche d'industrie. Secundo, les normes de rentabilité doivent être clairement fixées pour chaque branche d'industrie ; en outre, ces normes doivent demeurer en vigueur « pendant une longue période », afin que les directeurs puissent compter sur des primes récompensant des opérations étalées sur plusieurs années, sans avoir à craindre d'être pénalisés pour leur efficacité et leur honnêteté par des exigences accrues. Ter- · tio, chaque entreprise soumettra son propre plan de profits et recevra alors intégralement la prime d'encouragement si elle a exécuté le plan, mais seulement une gratification calculée sur un montant égal à la moitié de celle-ci pour tous les profits excédant ceux prévus par le plan. Il y a lieu de croire que les entreprises seraient ainsi dissuadées d'accumuler des réserves injustifiées d'équipement, étant donné que les primes des directeurs dépendraient d'un taux de profit calculé comme un pourcentage du capital global fixe et du fonds de roulement (et non comme un pourcentage de la production ou du volume des ventes). Un investissement inutile ferait par conséquent baisser le taux de profit, baisse qui se traduirait à son tour par une diminution du pourcentage des investissements totaux à être versés au fonds d'encouragement. Tant que les chefs d'entreprise sont récompensés sur la base de la production brute, ils n'ont pas à se soucier de satisfaire le consommateur ; mais ici les profits ne sont acquis que lorsque les biens· ont effectivement été vendus, et Liberman propose que les marchandises qui ne font que s'entasser dans les entrepôts ne vaillent aucun boni au directeur. De la sorte, prétend-il, les entreprises ne produiraient plus de biens pour lesquels n'existe aucun marché. Elles auraient également toutes les raisons de ne pas fabriquer des objets de qualité inférieure et de ne pas se concentrer' .sur la production des marchandises les plus lucratives. Somme toute, l'assortiment des biens à produire serait l'un des trois objectifs Bibhoteca Gino· Bianco 223 relevant de la compétence des autorités supérieures, et pour obtenir une prime de rendement il serait indispensable d'atteindre ces trois objectifs. D'autre part, les marchandises de piètre qualité pourraient être refusées et les articles défectueux retournés, entraînant une incidence évidente sur les profits, donc sur les primes. En tout cas, en révisant comme il convient le mécanisme de fixation des prix, la demande du public se répercuterait ultérieurement sur la rentabilité. Pour encourager le développement technologique, Liberman propose de rendre la fabrication de nouveaux équipements profitable aux industries de biens de production, et de faire en sorte que les articles deviennent plus attrayants. Les planificateurs qui fixent les prix devraient donc tenir compte à la fois du coût de production du nouvel outillage investi (y compris une récompense normale au producteur) et des répercussions de l'emploi de ce nouvel outillage sur le rendement. De même qu'il faut se garder de décourager les innovations en révisant prématurément les objectifs, ce qui annulerait, pour l'entreprise, les bienfaits d'un accroissement de la productivité. Continuer à produire des biens surannés deviendrait moins profitable du fait des réductions de prix sur les articles démodés, alors que, d'un autre côté, l'implantation de la nouvelle production serait stimulée par des récompenses et par la crainte de pénalités pour refus d'obéissance. En l'occurrence, le rôle de la carotte de l'âne serait tenu par des prix adéquats ou des ajustements de prix appliqués aux produits nouveaux ou améliorés ; le bâton serait une révision de l'échelle d'encouragement, menace aux entreprises qui n'auraient pas fabriqué une proportion suffisante d'articles nouveaux. LES THÉORIESde Liberman ·soulevèrent une vive controverse qui, de l'Académie des sciences, s'étendit à la Pravda et à Questionsd'économique 1 2 • Les critiques allaient d'une opposition « modérée » (mettant en cause le bien-fondé d'un fonds d'encouragement unique, ou proposant de substituer à l'indice de profit un critère de réduction du prix de revient) 13 à des condamnations« orthodoxes » ( suivant lesquelles le schéma de Liberman équivalait à un abandon de la planification nationale et signifiait un retour à l' «anarchie de la production » propre au capitalisme) 14 • Les partisans de Liberman, de leur côté, approuvèrent les grandes lignes de son projet, répé12. Cf. n°8 8, 10 et 11 de 1962 de cette revue économique, la plus importante de !'U.R.S.S. 13. Cf. Fédorovitch : « L'indice fondamental n'est pas le profit, mais la réduction des prix de revient », in Pravda, 20 sept. 1962 et B. Smékhov : « Stimuler la réduction des prix de revient », in Pravda, 12 oct. 1962. 14. Cf. les déclarations de K. Plotnikov et A. Zvérev in Bkonomitcheskafa Gazéta, 3 nov. 1962, n° 45, pp. 37-39.

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