Le Contrat Social - anno VII - n. 4 - lug.-ago. 1963

222 de demande à un prix raisonnable. De fréquentes doléances (et jusqu'à une requête pressante du directeur de l'administration principale du commerce qui demanda l'été dernier que l'on « cesse de produire des biens invendables » 6 ) témoignent que des articles superflus sont parfois fabriqués pour réaliser le plan. · Nous avons vu que, sous la pression de l'~bjectif de production, les directeurs d'entreprise répugnent à utiliser travail et outillage pour au~e chose que la réalisation du plan, quand bien même cela revient à sacrifier la variété ou la qualité. Il n'en demeure pas moins que la direction est fréquemment incitée à faire usage de m3:tièr~s premières, de pièces et de produits se~-~s dont la qualité dépasse de loin les prescnpttons ou la nécessité. Cela parce que Je plan de prod~ction brute s'exprime souvent en valeur monétaire. Suivant le calcul de la « méthode d'usine », le produit brut comprend toutes les matière~ pre: mières, les pièces et les produits semi-finis qw entrent dans le produit fini, « sans tenir compte des va-et-vient à l'intérieur de l'usine entre les aceliers et les divers services » 7 • Autrement dit, le tissu de coton produit par une usine comptera pour une part de l'objectif de production de cette usine, et sa valeur entrera de nouveau comme partie de l'objectif de production d'une autre usine, laquelle utilise le tissu pour fabriquer, disons, des chemises. Mais si le tissu et les chemises sont produits dans différents services de la même firme, seule entrera en ligne de compte la valeur des chemises. Lorsqu'en juin 1958 le Gosplan mena une enquête dans soixante-trois usines qui avaient dépassé leur quote-part de production brute, on découvrit que mainte entreprise avait réalisé cet exploit en produisant des biens qui n'étaient même pas prévus dans le plan et dont l'usinage avait exigé beaucoup de matières premières mais peu de main-d'œuvre 8 • Certains sovnarkhozes (conseils économiques régionaux) avaient même recours au fractionnement entre deux ou trois usines pour la fabrication de certains articles, auparavant manufacturés en un seul endroit, doublant ou triplant ainsi la valeur brute globale (Izvestia, 25 mai 1962). Pour pallier les défauts de l'indice de production brute, un nouveau système pour estimer le rendement de l'industrie du vêtement a été inauguré en 1957 : depuis lors, l'objectif d~roduction est calculé sur le seul coût de la trarisformation • des tissus, sans tenir compte du prix de ceux-ci. Une méthode analogue a été adoptée dans l'industrie de l'imprimerie 9 • Mais si le système de la production brute encourageait un carrousel oiseux, celui de la production nette aura un effet contraire, tout aussi indésirable. Etant donné qu'il encourage à réaliser le maximum de travail 6. Pravda, 12 juin 1962. ·. 7. lévenko : op. cit., p. 121. 8. Ibid., pp. 222-223. 9. Ibid., pp; 122-123. Biblioteca Gino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE à l'intérieur d'une entreprise, il incitera fatalement à se détourner d'une spécialisation des· entreprises et du sous-t~ai~ement des prod~ts, · quand bien même celu1-c1 et celle-là seraient • rationnels. * ,,. ,,. ON se rend donc maintenant bien compte en U.R.S.S. que la structure des « coefficients de réussite » et du système des stimulants aux directeurs dans son ensemble a grandement besoin d'être revisée. Mais les spécialistes sont perplexes sur la manière de la modifier ou de la rafistoler. Un gros effort pour analyser les imperfections et . proposer des améliorations a été entrepris en mars 1962 par une conférence tenue sous les auspices du Gosekonomsoviet 10 • Parmi les principaux points débattus figurait la mise en pratique d'indices de réalisation industrielle plus conséquents, mais les propositions - comme la plupart de celles qui avaient été faites auparavant à diff érentes réunions du Parti et dans la presse - ne firent qu'ajouter, à ceux déjà existants, de nouveaux indices de réalisation, parfois cependant plus adéquats; ce qui .n~ .pouvait qu:alourdir ~e système, rendre plus difficile le controle à parttr du centre et ajouter à la confusion au niveau de l'entreprise. Il fallut attendre Liberman pour disposer d'un projet qui réduise le nombre des indices et applique un critère de l'efficacité et du rendement désormais unique. le. G. Liberman, professeur à l'Institut de construction mécanique et économique de ~arkov, directeur du laboratoire économique du sovnarkhoze de ladite ville, exposa son plan en avril 1962 à un groupe d'études de l'Académie des sciences (New York. Times, 14 oct. 1962). Les détails de sa proposition, ou « système de Kharkov », ainsi qu'il la dénomme, ne furent connus que quelques mois plus tard 11 • Le plan de Liberman SELONLIBERMANd,es plans d'entreprise tels que ceux concernant le prix de revient, la productivité, le fonds de salaires, l'investissement et le profit doivent être déterminés par chaque usine pour ses propres opérations. Seuls trois objectifs seraient fixés en haut lieu, à savoir : le volume de la production, l'assortiment, les délais de livraison. (Tout. en restant vague sur les détails, Liberman 10. Ekonomitcheskaia Gazéta, 26 mars 1961, pp. 2-3 et 2 avril 1961, pp. 2-3. Le Gosekonomsoviet, organisme central de planification à long terme, fut aboli lors de la réorganisation de novembre 1962. 11. Sauf avis contraire, le résumé du programme de Liberman présenté ci-après est fondé sur l'article de Liberman : « Le plan, les profits et les primes », in Pravda, 9 sept. 1962, ainsi que sur sa « Réponse aux critiques concernant la .proposition relative au profit », in Ekonomitcheskaia Gazéta, 10 nov. 1962, n° 46, pp. 10-n.

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