H. G. SHAFFER d'une baisse II\Omentanée_ de la production. Comme cela signifie que l'objectif de production ne sera peut-être pas atteint, ou en tout cas dépassé, l'adoption des nouveautés techniques peut rogner les primes du directeur (et, par la même occasion, celles des ouvriers). Si le rendement des années_suivantes ne peut qu'augmenter, cette augmentatton sera contrebalancée, pour ce qui est de l'intérêt personnel du directeur, par les exigences accrues du plan de production qui lui sera imposé. De plus, une dépense de temps de travail pour améliorer la qualité du produit fini peut donner satisfaction au consommateur, -mais la diminution du rendement quantitatif impliquera un sacrifice financier de l'entreprise tout entière. Dans ces conditions, et pour prendre un exemple, il est bien naturel que l'industrie des machines-outils ait, en 1958, dépassé le plan de production globale en laissant loin derrière elle les objectifs prévus pour les appareils d'un type relativement ancien, alors qu'elle ne parvenait pas à atteindre ses objectifs pour un certain nombre de machines d'un modèle récent dont le besoin se faisaiccruellement sentir 4 • Et comment s'étonner quand l'un des directeurs de l'usine d'automobiles Likhatchev de Moscou annonce que son entreprise a bien marché, sur le plan des primes d'encouragement, en montant, depuis quinze ans, des camions d'un modèle dépassé (Pravda, 3 oct. 1962) ? LESPLANIFICATEURS soviétiques n'ignorent pas la nécessité de réformer l'actuel système de stimulation, afin d'encourager l'introduction de techniques nouvelles et d'articles nouveaux. Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, le sujet a été maintes fois débattu par le Parti et le gouvernement. On a proposé d'abandonner les primes accordées pour exécution du plan de p~oduction globale et de leur substituer des primes réservées « à l'innovation hardie et au constant souci du lendemain» (lzvestia, 29 mai 1962). Une législation a été mise sur pied, qui réserve des fonds spéciaux à l'emploi des-techniques et de l'outillage nouveaux, qui accorde des récompenses particu-, lières pour les innovations, qui fait dépendre les autres primes aux directeurs de l'exécution des plans d'innovation, qui va jusqu'à prescrire l'adoption, chaque année, d'un certain nombre d'innovations 5 • Néanmoins, dans l'état actuel des choses, le directeur soviétique continue généralement de trouver avantage à réduire au strict minimum l'adoption d'un outillage, de techniques et de produits nouveaux, et à se concentrer sur 4. I. Iévenko : Planning in the USSR, Moscou 1961, p. 225.. 5. Pour plus de détails sur la législation entre 1947 et 1959, cf. Grego~y Grossman : « Soviet Growth : Routine, lnertia and Pressure », in American Economie Review, mai 1960, pp. 62-72, et Alec Nove : The Soviet Economy, New York 1961., pp. 169-170. Biblioteca Gino s·anco . . 221 l'exécution et le dépassement d'indices plus rémunérateurs. Tentation de produire des biens « inappropriés ». Pour obtenir la production d'articles «utiles», c'est-à-dire d'articles dont le modèle, la présentation et la qualité sont conformes au désir des planificateurs, il est nécessaire de donner aux directeurs d'entreprise des instructions en ce sens (puis de les inciter à les suivre). Mais il est naturellement impossible à l'organisme centr8l de planification de prescrire à chacune des myriades d'entreprises du pays l'assortiment complet des articles qu'elles sont censées fabriquer. Prévoir exactement la production présente · relativement peu de difficulté quand il s'agit d'entreprises spécialisées dans un produit unique ou un service homogène. De là vient que la production d'énergie électrique peut facilement être formulée en kilowattheures, celle d'eau potable en millions de litres, la production de sel en millions de kilogrammes d'une qualité donnée, emballés dans des récipients d'un type donné. Cependant, même dans le cas d'entreprises spécialisées dans un produit ou un service unique, un gaspillage peut résulter d'imperfections dans les desiderata du plan. Les conducteurs de camion, par exemple, dont le plan de production a été établi en tonneskilomètres de briques, ont avantage à décharger le plus vite possible ; aussi le font-ils sans soin. Résultat : les briques se cassent dans une proportion moyenne de 30 % (Izvestia, 22 nov. 1962). Les papeteries, pour citer un autre exemple, trouvent plus commode d'atteindre leur objectif de production (exprimé en tonnes) en fournissant du papier bien plus épais que nécessaire (ibid., 25 mai 1962) ; il va de soi que si l'objectif était exprimé en mètres carrés, le papier serait trop mince. · Dans certains cas, quand la conformité à des spécifications précises et rigoureuses est d'une extrême importance, lesdites spécificationspeuvent être et sont données avec un détail minutieux. Il en va généralement ainsi lorsqu'un atelier reçoit mission de fabriquer un instrument de précision scientifique spécialement usiné, de construire un bombardier intercontinental ou telle section d'un laboratoire de chimie. D'autre part, des spécifications exactes peuvent difficilement être données par un organisme central de planification à toutes les entreprises à produits multiples, chacune fabriquant une grande variété d'articles de taille, de forme, de couleur et de qualité différentes. Si le plan de production d'une fabrique de chaussures de femmes exige un certain nombre de paires de socques de caoutchouc, est-il étonnant que le directeur se limite à quelques formes, tons et pointures qui lui permettent de s'en tirer, puisqu'une plus grande variété ne peut être d'or..: dinaire réalisée qu'aux dépens de la production globale ? En outre, on tient compte au directeur des biens produits et non des biens vendus par son entreprise, si bien que rien ne l'incite à ne pas produire des biens pour lesquels il n'y a pas
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