164 .souvent des articles entiers, en particulier les éditoriaux. Les principales suppressions portaient sur des études traitant des rapports de la science et de la religion, de la science et du pouvoir, de l'aide aux pays sous-développés et des retombées radioactives consécutives aux essais nucléaires soviétiques. En outre, les références au fait que Marconi a lancé les premiers signaux par radio à travers l'Atlantique et que Fleming a découvert la pénicilline ont été également supprimées. Répétons-le, certaines innovations du régime de Khrouchtchev, surtout dans le domaine social, équivalent en fait à un renforcement de la répression. L'application de la peine capitale, considérée presque partout comme un critère de libéralisme, a été sans cesse étendue depuis la mort de Staline. En mai 1961, elle couvrait déjà la trahison, l'espionnage, le sabotage, l'assassinat et l'attaque à main armée, et fut alors étendue aux délits économiques graves, aux_faux et au comportement violent en prison pour les récidivistes. En juillet 1961, on l'étendit encore aux infractions graves à la réglementation sur la monnaie (et on l'appliqua rétroactivement à deux délinquants déjà condamnés à de lourdes peines de prison). En février 1962, elle fut étendue aux attentats à la vie, à la santé ou à la dignité des policiers et des gardes volontaires, ainsi qu'à certains cas de viol et de corruption. La presse annonçait des exécutions presque quotidiennement. * )f )f UNE autre mesure de « libéralisation », qui a fait l'objet d'une large publicité, a consisté à encourager l'action extra-judiciaire des organisations « populaires )>, représentée parfois comme un pas vers le dépérissement de l'Etat. En réalité, les réunions « spontanées » des habitants d'un quartier pour juger la conduite de certains d'entre eux sont toujours patronnées par le Parti et équivalent à rendre officielle la loi de Lynch. Il en va de .même de l'action des groupes du Komsomol qu'on encourage à tracasser les gens dont la conduite est « antisociale )>. La presse soviétique elle-même rapporte des douzaines de cas grotesques où de jeunes pharisiens s'en prennent aux personnes qui portent une coiffure trop_ « occidentale)) à leur gré. Ces groupes n'en continuent pas moins à opérer à une très grande échelle ; de même que la réunion populaire a encore moins de comptes à rendre qu'un tribunal soviétique, les actions du Komsomol sont un véritable fléau comparées à celles de la milice. Le fonctionnaire de police, surmené, ferme souvent les yeux sur des délits mineurs tels que la distillation illicite d'alcool, sans parler de la surveillance qu'il est tenu d'exercer sur les dancings pour empêcher les orchestres de jouer du jazz. Il en va tout autrement pour nos jeunes zélateurs. Qui plus est, on emploie ces derniers pour prévenir les activités désapprouvées par le Parti, Bibl·iotecaGino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE mais contre lesquelles aucune action judiciaire n'est possible. Les récitations de poèmes autour de la statue de Maïakovski, vrai point de ralliement des étudiants et autres jeunes progressistes, ont été interrompues par de <<jeunesouvriers » dont l'intervention a été présentée comme une manifestation «démocratique» spontanée. L'activiste du Komsomol est, bien entendu, franchement détesté en Russie. S. P. Pavlov, alors chef de l'organisation, déplorait lui-même dans leJeune Communiste (avril 1958) que dans tous les livres, toutes les pièces de théâtre et tous les films, « les jeunes chefs, les activistes du Komsomol sont invariablement d'étroits bureaucrates, formalistes et idiots ... » Or ce sont là les cadres destinés à monter dans le Parti et à devenir la prochaine génération des dirigeants ; perspective difficilement conciliable avec l'espoir d'une libéralisation effective. Les dernières années de Staline furent mauvaises et promettaient pire encore. Mais il ne faut comparer le présent ni à cette époque ni à la période post-stalinienne immédiate, alors que ceux dénoncés aujourd'hui par Khrouchtchev comme staliniens tenaient le haut du pavé. Le climat politique de 1953-54 peut, en effet, être considéré comme ayant été du stalinisme édulcoré, et si l'on compare aujourd'hui à cela, le mieux n'est pas énorme. Ce temps n'a pas été caractérisé par l'affaire de Léningrad et le complot des médecins : une politique mettant davantage l'accent sur les biens de consommation et un « dégel )) littéraire étaient en cours en 1954, et furent sabotés plus tard avec l'aide de Khrouchtchev lui-même. Les contributions de Khrouchtchev à l'amélioration de la vie soviétique ont été plus apparentes que réelles; comment savoir en effet si les améliorations intervenues depuis 1954 sont dues à la politique positive du régime de Khrouchtchev ou si elles représentent des concessions que n'importe quel gouvernement aurait été obligé de faire ? L'image de la Russie de Khrouchtchev n'est pas seulement « libérale >>; elle est « dynamique », « confiante >),«tournée vers l'avenir >).C'est l'image d'un régime qui a, prétend-t-il, rompu avec le dogmatisme et libéré l'économie soviétique, aussi bien que la politique, des tendances conservatrices - un ensemble qui la rend attrayante tant à l'intérieur de !'U.R.S.S. qu'au dehors. Et le tableau renferme juste assez de vérité pour être acceptable. Mais entreprendre de vastes changements n'est pas, en soi, «progressiste )>.Un des projets économiques les plus ambitieux de Khrouchtchev - celui des terres vierges - est d'un avantage douteux, sâuf à très court terme. En fait, il donne une impression de mouvement et de progrès non pas tant en ce qu'il constitue un progrès réel, mais parce qu'il représente un changement, quelque chose de nouveau. (Un changement vraiment révolutionnaire et bénéfique à l'agriculture soviétique consisterait à abolir pratiquement,
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