Le Contrat Social - anno VII - n. 1 - gen.-feb. 1963

QUBLQUES LIVRES Le système de M. Spirito se tient logiquement, les conséquences sont correctement déduites des hypothèses. L'envisager sous le rapport des conditions d'adéquation conduirait à nuancer, et nuancer à objecter. La définition de la démocratie n'étant point simplement nominale, on pourrait se demander si se contenter d'évoquer une sorte de dictature de la majorité n'est pas simplifier à l'excès. Les systèmes politiques d'inspiration britannique qui se disent aujourd'hui 1 démocratiques» admettent que si la démocratie est bien la loi de la majorité, c'est aussi le respect des droits de la minorité, clause restrictive fondamentale. Si ce respect des droits de la minorité est l'usage effectif, il n'est plus permis de faire de la loi démocratique la «violence» que stigmatise M. Spirito : c'est simplement la règle du jeu. Il est vrai que nous connaissons trop certaine conception jacobine de la démocratie qui se satisfait fort bien d'être la loi de la majorité sans faire intervenir la clause de sauvegarde précitée. Sous ce rapport, jacobinisme et fascisme ne sont pas tellement opposés. Reste le vénérable argument de la compétence. Nous croyions savoir qu'Aristote, fidèle à son esprit de contradiction, l'avait rétorqué : si la grande masse des hommes n'est pas nécessairement compétente sur les moyens à employer pour parvenir à une fin donnée, elle doit l'être sur les fins elles-mêmes, à moins que les hommes compétents n' entreprennent de vouloir pour les autres, ce qui est le vice de tous les systèmes de despotisme, quelles que soient les lumières dont on les suppose bénéficier. En des temps où l'on parle, toujours avec une certaine inquiétude, de « technocratie », la question n'a pas cessé d'être actuelle. Ladite « technocratie » ne paraît pas effrayer M. Spirito, ni le mot ni la chose, mais il subsiste tout de même des motifs de la redouter, motifs déjà contenus dans l'argument que le disciple dirigeait contre le maître. Disons tout net, pour que M. Spirito ne se trompe pas sur l'esprit qui nous inspire, que ce qui nous agrée dans la « démocratie », ce n'est pas tellement la loi de la majorité où nous verrions plutôt un moindre mal : ce sont les indispensables «libertés». Il pensera sans doute que dans cette maison consacrée à la science politique plutôt qu'à ce qu'on appelle la politique, où l'humeur individuelle existe cependant, nous sommes plus libéraux que démocrates, démocrates dans la mesure où nous sommes libéraux. Page 217, M. Spirito retrouve encore, pour son propre compte, les deux concepts de la liberté évoqués par Sir Isaiah Berlin •, mais il n'en fait pas le même usage que le professeur d'Oxford. C'est sans doute du côté du « mauvais » concept de la liberté que nous porte notre humeur, qui n'est point celle d'un sage hégélien : respectant par force l'autorité, nous ne l'aimons point incon-- trôlée. Et nous restons conséquent avec nous-- • Cf. Contrat 1ocial, juillet 19S9, p. 243. Biblioteca Gino Bianco 65 même en appréciant le talent et la distinction intellectuelle de M. Spirito. Oportet haeresesesse, d'autant que rien n'est jamais complètement faux. Disons encore, pour être juste, qu'il y aurait une autre critique possible de la démocratie : celle qui concerne la latitude que ce régime aurait de se suicider au nom de son principe même. Mais ce n'est pas l'occasion d'en débattre. A. P. Correspondance L'année Rousseau Une lettre de Pierre Grosclaude, secrétaire général du Comité national pour la commémoration de J.-J. Rousseau, nous fait courtoisement grief de n'avoir p.:is tout dit sur « l'année Rousseau» dans la « longue note • de notre dernier numéro sur les trois anniversaires de l'année 1962. Il faut donc croire que cette note n'était pas assez longue, mais nous n'avons jamais eu l'intention ni la prétention de tout dire. Ce n'est pas notre rôle et, par conséquent, le reproche se trompe d'adresse. M. Grosclaude va au-devant de notre Erratum en signalant le lapsus calami que nos lecteurs attentifs auront remarqué : l'interversion des deux dénombrements (2ooe pour 25oe et vice versa) des anniversaires. Il ne s'agit là que d'un accident, peut-on en douter? Quant à n'avoir mentionné que certaines manifestations de l'année, nous n'en disconviendrons nullement : souci de brièveté n'est pas « ignorer complètement » telle ou telle cérémonie ou publication. Notre dessein n'était pas de participer au « culte de la personnalité • de Rousseau. Le titre de notre revue oblige, mais il n'appartenait pas à Rousseau en propre. Cela dit, voici les compléments d'information que la lettre de M. Grosclaude ajoute à notre « longue note , trop courte. Il y eut en octobre un colloque de trois journées au Collège de France, auquel ont participé des professeurs français et étrangers; une manifestation à Montmorency ; puis une soirée à la ComédieFrançaise; enfin l'apposition d'une plaque sur l'emplacement du dernier domicile de Jean- Jacques, au 52 de la rue qui porte son nom (ex-rue Plâtrière). Et, trois mois plus tôt, un colloque à Royaumont sur « J. - J. Rousseau et l'homme moderne ». Le Comité national sus-mentionné (M. Jean Pommier, président d'honneur; M. Jean Fabre, président) s'est dépensé de toutes façons à Paris, en province et même en Suisse. M. Grosclaude, dont nous ne méconnaissons pas les efforts, poursuit en ces termes : Je vous adresse d'ailleurs un numéro spécial de la Revue française où vous verrez le nom de tous les membres du Comité national et la liste des principales manifestations. Il y en eut beaucoup d'autres dont la plupart sont dues à des initiatives particulières, mais je tiens à noter l'effort très réussi de la ville de Chambéry et de l'Académie de Savoie, au début de juillet dernier. Enfin je signalerai que toutes les conférences prononcées au colloque du Collège de France ainsi que les allocutions de la soirée de la Sorbonne (du 19 octobre) constitueront la substance d'un gros ouvrage que mon colligue M. Fabre et moi-mêm, eomptons bient"t réaliser.

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