QUELQUES LIVRES d'entre eux manquent du nécessaire. La mon_archie égyptienne s'engage alors dans une véritable politique sociale : construction de cités ouvrières, mesures d'hygiène, distributions de vivres et de vêtements. Concurremment, pour affermir son autorité, Ramsès II (XIXe dynastie) se déifie. Ce qui profite surtout au clergé, lequel se transforme en classe privilégiée, se faisant attribuer d'énormes domaines exonérés d'impôts. Souverain conquérant, Ramsès II forme une armée de métier, dont les soldats sont dotés de petits fiefs. Ainsi, par le même processus, la société égyptienne abandonne progressivement son caractère individualiste pour se morceler et se hiérarchiser en oligarchies sacerdotales, administratives, militaires. L'invasion des peuples de la mer précipite la crise. Les charges sociales, les immunités, la désorganisation du commerce dans le bassin oriental de la Méditerranée, l'invasion des Libyens dans le Delta provoquent une insurmontable crise fiscale. Des grèves insurrectionnelles, dues à l'incapacité du trésor royal à payer le salaire des ouvriers, font que l'Etat s'effondre dans l'anarchie. Sous la :xxe dynastie, une formidable insurrection populaire oblige Ramsès IX à fuir Tanis pour se réfugier finalement à Thèbes, où il devient un simple instrument entre les mains du clergé. Toute la Haute Egypte se trouve livrée à une féodalité sacerdotale, cependant que dans le Nord et en Moyenne Egypte s'installe une féodalité militaire. Le second cycle est achevé. * ,,,. ,,,. Le troisième tome de l' Histoire de la civilisation de l'Egypte ancienne n'est pas encore paru; mais, dans son Introduction, M. Jacques Pirenne en avait esquissé le plan. Dans son troisième cycle d'évolution, l'Egypte, tour à tour conquise par les Nubiens, les Assyriens, les Perses, les Macédoniens, les Romains, cesse de se développer en vase clos et subit l'influence du monde extérieur. Néanmoins, les étapes de l'évolution juridique se reproduisent comme au cours des deux premiers Empires. Période de démembrement féodal (1090-663) : la Haute Egypte est endormie dans son régime domanial ; dans la Basse Egypte, la population de la ville maritime de Saïs se révolte contre les classes privilégiées, le clergé, la noblesse terrienne et militaire, et porte au pouvoir Bocchoris ( 720 ). Celui-ci engage Saïs dans des réformes démocratiques : abolition des dettes, suppression de la contrainte par corps, habeas corpus, libération des paysans des servitudes seigneuriales, assimilation des biens immeubles aux biens meubles, code des contrats. Cela ne dure qu'un temps. Le roi de Nubie marche sur la Basse Egypte, écrase les milices urbaines et fait pmr Bocchorissur le btlchcr. Biblioteca Gino Bianc·o 59 La féodalité réinstallée dans le Delta n"ePt qu'un anachronisme. Elle s'écroule lorsque vient à lui manquer l'appui de l'Assyrie, intervenue dans les affaires de l'Egypte. Le prince de Saïs, Psammétique, rétablit l'unité du pays (663-609). Les réformes d'Amasis (568) marquent à nouveau le triomphe de l'individualisme : tous les Egyptiens sont égaux devant la loi, l'économie libérale s'affermit et, avec elle, le travail libre. Ces réformes divisent profondément l'Egypte entre le Sud, clérical et terrien, et le Nord, démocratique et commerçant. Cette évolution est entravée par la conquête perse. Maîtres de l'Egypte, les rois achéménides s'appuyent sur le parti conservateur, dominé par les temples, contre le parti démocratique, représenté par les villes. Libérée de la domination perse par Alexandre (330), la monarchie centralisée des Ptolémées s'oriente vers l'absolutisme. Celui-ci prend une forme si étatiste et dirigiste qu'il en vient à transformer l'Egypte en une terre d'exploitation au profit de la ville hellénisée d'Alexandrie. Conquise par Rome, l'Egypte est réduite au rôle d'une province. La dernière phase du troisième cycle se confond avec la décaâence de l'Empire. On peut se demander si l'histoire des trois Empires égyptiens ne manifeste pas quelque loi inexorable de l'évolution des sociétés. Au début, pour s'organiser afin de mieux se défendre, une agglomération de familles, de tribus, de clans, de seigneuries crée un Etat centralisé. L'Etat libère les individus des contraintes familiales, locales, féodales, domaniales, en abattant les corps intermédiaires qui s'interposent entre eux et lui. Les individus, sitôt libérés, revendiquent l'intervention de l'Etat pour améliorer leur condition grâce à une politique sociale. L'Etat, créé pour le service de l'individu, s'hypertrophie à son détriment et finit par l'opprimer fiscalement et bureaucratiquement, jusqu'au jour où son joug devient intolérable et inopérant. Les individus se révoltent alors et retombent sous l'emprise des solidaritésinitiales, familiales,tribales, seigneuriales, jusqu'au jour où un nouveau pouvoir centralisé tend à les en affranchir. Ainsi le cycle se boucle et recommence. A cette histoire cyclique, les sociétés industrielles de nos jours, mettant en œuvre les effets cumulatifs des inventions et des techniques, parviendront-elles à se soustraire ? Ou bien le cycle, trois fois parcouru par l'Egypte ancienne, reprendra-t-il à une échelle plus élevée ? Allonsnous de l'anarchie à la termitière, de la termitière à l'anarchie ? Ce n'est pas un des moindres mérites du grand ouvrage de M. Jacques Pirenne que de conduire à poser le problème. Loms ROUGIBR.
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