Le Contrat Social - anno VII - n. 1 - gen.-feb. 1963

QUELQUES De l'anarchie à la termitière de la termitière à l'anarchie J ACQUBSPIRENNE : Histoire de la civilisation de l'Egypte ancienne. Neuchâtel et Paris, 1961, A la Baconnière et Albin Michel. T. I, 366 pp. ; t. Il, 554 pp. M. JACQUES PIRENNEf,ils du grand historien du Moyen Age, des Communes, de la Belgique et des étapes du capitalisme, a commencé sa carrière en égyptologue. Son Histoire des institutions et du droit privé de l'ancienne Egypte (3 vol., Bruxelles 1932-1935) a fondé sa réputation. Après une œuvre monumentale, Les Grands Courants de l'histoire universelle (7 vol., Albin Michel, 1944-1956), le voici revenu à ses premières amours avec cette Histoire de la civilisation de l'Egypte ancienne, somptueusement illustrée, dont les deux premiers volumes viennent de paraître en souscription. Ouvrage particulièrement intéressant pour le sociologue qui croit, non pas au sens de l'histoire, mais aux lois de l'histoire : il est en effet l'illustration, chemin faisant, de trois d'entre elles : 1. La structure et l'évolution des sociétés terriennes, fondées sur des économies fermées, s'opposent aux sociétés maritimes et à leurs ~conomies ouvertes ; 2. Lorsque le social l'emporte sur l'économique, la société dégénère en étatisme oppresseur ; 3. Etatisme, bureaucratie, planisme, régression économique vont de pair et s'accompagnent de la perte des libertés individuelles et de l'initiative créatrice. L'Egypte se limite à la vallée du Nil : l'unité géographique a déterminé l'unité nationale. Cette unité est particulièrement aisée à défendre : vers le Sud, l'Egypte ne correspond à la Nubie que par une vallée étroite ; vers l'Est, un simple passage, au milieu d'une zone désertique, la rattache à la Syrie. Le fait que la vallée du Nil n'est pas une voie d'invasion a permis au peuple égyptien de vivre, le plus souvent, à l'abri des Biblioteca Gino Bianco LIVRES grandes catastrophes qu'ont provoquées, en Asie antérieure, les migrations de peuples. D'où son libre développement. Son histoire offre le phénomène, très rare et particulièrement significatif, d'une expérience en vase clos. Un des résultats de l'enquête de M. J. Pirenne sur les grands courants de l'histoire, c'est que l'humanité semble avoir réalisé deux types essentiels de civilisation : les sociétés terriennes, seigneuriales ou féodales, dont l'économie domaniale est une économie fermée, ne produisant que pour assurer la consommation de ses membres; les sociétés ouvertes sur la mer, en relation constante avec d'autres pays, jouissant d'une économie commerciale dans laquelle on produit non seulement pour la consommation, mais pour la vente et le profit qu'on en retire. Dans les Etats terriens, l'individu, intégré dans une étroite solidarité familiale et une rigoureuse hiérarchie sociale, n'existe qu'en fonction du groupe dont il fait partie. Dans les sociétés maritimes, la nécessité de se procurer par le trafic des ressources mobilières, en partageant les patrimoines entre les membres de chaque famille, a rendu la terre aliénable et favorisé l'émancipation des individus. Le droit privé tend à l'égalité de ceux-ci et un droit maritime s'édifie pour réglementer les transactions commerciales. Ce qui confère au cas de l'Egypte un intérêt exceptionnel, c'est qu'elle juxtapose les deux types de civilisation : la Haute Egypte est de structure essentiellement terrienne, la Basse Egypte est dominée par les grandes cités marchandes du Delta, nées de l'appel de la mer, si bien que l'histoire égyptienne résulte du conflit entre ces deux types et de leur prédominance alternée. Or cette alternance semble obéir à une sorte de loi interne qui fait passer l'Egypte, d'un système féodal de seigneuries morcelées, fondées sur une économie domaniale, à une monarchie de plus en plus centralisée qui tend à réaliser une société individualiste et égalitaire. La centralisation monarchique se mue .en un absolutisme fondé sur une administration de plus en plus envahissante et onéreuse, pour se désagréger sous la pression d'une fiscalité excessive et d'une

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==