Le Contrat Social - anno VII - n. 1 - gen.-feb. 1963

LA PEINE DE MORT EN U.R.S.S. un camp d'annihilation. Les camps soviétiques n'étaient pas conçus dans ce but. La norme moyenne de résistance humaine y était de quatre ans. On a souvent avancé des chiffres fantastiques de la population des camps soviétiques, jusqu'à des dizaines de millions. Arrêtons-nous à un chiffre beaucoup plus modeste - de 2 à 3 millions d'hommes - et en acceptant la norme de résistance proposée plus haut, cela nous donnera, en 25 ans d'existence de ces camps, 10 à 12 millions d'hommes morts prématurément. Or, il ne s'agit là ni d'enfants ni de vieillards, mais d'hommes possédant leurs facultés productives à l'optimum. De plus, à part quelques rares exceptions concernant la construction de canaux, les camps soviétiques constituaient un rare exemple de gaspillage du travail. Une pareille économie démographique n'était possible qu'à condition de recourir au travail des femmes à un degré inconnu auparavant. En U.R.S.S. 47 % des femmes travaillent. Mais même ainsi, les conséquences néfastes de cette politique ne tardèrent pas à se faire sentir. Si l'on y ajoute que la croissance démographique est considérablement tombée en U.R.S.S., on arrive à une perte globale de 100 millions d'hommes (en prenant comme terme de comparaison la croissance démographique des dernières années de l'Empire). Encore l'auteur marxiste en question limite-t-il sa supput~tion en ne comptant que 2 à 3 millions de bagnards cc concentrés » à la fois, alors que ce LA PEINE DE MORT en matière criminelle n'existait plus en Russie depuis longtemps, en 1914. Elle a été abolie en matière politique et militaire le 25 mars 1917, sous le Gouvernement provisoire, peu après la chute du tsarisme. Elle fut rétablie « sur le front» par Kérenski le 25 juil- -let 1917, à l'extrême indignation des bolchéviks qui ont inscrit sa suppression à leur programme. Elle a été abolie à nouveau par le IIe Congrès panrusse des Soviets qui a pris la résolution suivante : La peine de mort rétablie par Kérenski sur le front est supprimée. Une pleine liberté d'agitation est rétablie sur le front. Tous les soldats et les officiers révolutionnaires arrêtés pour prétendus « crimes politiques » sont à libérer sans délai. (Pravda, n° 170, 9 novembre 1917; Recueil de décrets, 1917-1918, page 4, Moscou 1920.) Elle fut rétablie quelques semaines plus tard par les bolchéviks, sans formes juridico-légales, par voie d'avis, de manifestes et de circulaires, à titre de mesure passagère de guerre civile. Elle a été SUP,priméedans la suite sur l'initiative de F. DzerJinski, puis bientôt rétablie à nouveau et introduite dans le Code pénal soviétique en 1922. Depuis, toute une série de décrets, arrêtés, ordonnances, décisions, etc., ayant force de loi, stipulent la peine de mort pour divers crimes ou délits. En 1926 a été proposé, et en 1927 adopté, un • Règlement sur les crimes d'Etat contre-révoluBiblioteca Gino Bianco 31 nombre a atteint 10 millions indubitablement, sans qu'on puisse préciser les dates et les fluctuations (la place manque ici pour en renouveler la preuve avec références à l'appui). Personne ne peut préciser non plus le nombre des condamnés au supplice par application directe ou indirecte des décrets sur la peine de mort, mais on verra plus loin, notamment, qu'en vertu de la loi du 25 février 1927, n'importe qui en U.R.S.S., sous Staline, pouvait « subir la peine de mort pour n'importe quoi, dans l'impossibilité totale de se disculper, de se défendre ou de se justifier, de citer des témoins, de faire appel à un avocat, à des juges ou à l'opinion». Cela ne ressemble guère à l'idée qu'en avaient Bertrand Russell, François Mauriac et Martin Buber. Suit la brochure de 1936, y compris les commentaires de l'époque qu'il faudrait enrichir et allonger considérablement si l'on voulait les mettre à jour jusqu'à la mort de Staline. Tels qu'ils étaient à leur date, ils gardent tout leur sens et prouvent qu'on pouvait en leur temps savoir et divulguer la vérité, pour peu qu'on s'en donnât la peine. L'ensemble permet de motiver sans parti pris l'appréciation morale et intellectuelle incluse plus loin dans le titre : La trahison des clercs. tionnaires et les crimes particulièrement dangereux pour !'U.R.S.S. contre l'ordre établi » qui tient lieu pour ainsi dire de loi récapitulative. Sur les vingt-sept paragraphes de ce très long document, dix-neuf prévoient l'application de la peine de mort, laquelle prend le nom de « mesure suprême de défense sociale ». Aux termes de cette loi ou règlement, qu'il faut résumer en raison de sa longueur, mais en citant les termes textuels : Est considérée comme contre-révolutionnaire toute action visant à renverser ou affaiblir le pouvoir soviétique et ses gouvernements constitutionnels, à affaiblir la sécurité extérieure du pays, à nuire aux conquêtes économiques, politiques et nationales de la révolution, enfin, en raison de la solidarité internationale, toute action nuisible à un Etat de travailleurs, même non incorporé à !'U.R.S.S. (§ 1) ; Sont considérés comme particulièrement dangereux pour !'U.R.S.S. les crimes accomplis sans intentions contre-révolutionnaires contre l'ordre établi et qui ébranlent les fondements de l'administration d'Etat ou la puissance économique de !'U.R.S.S. (§ 15) ; Sont passibles de la peine de mort les actes dont voici l'énumération, à défaut parfois de définitions juridiques précises : Insurrection armée, pénétration de bandes armées en territoire soviétique à des fins contre- , ,

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