Le Contrat Social - anno VII - n. 1 - gen.-feb. 1963

18 et vampirès ». Pour donner une idée de ce comportement nouveau envers les koulaks, nous citerons trois discours de personnalités faisant alors autorité dans le Parti. Commençons par Rykov, président du Conseil des commissaires du peuple : Bien que tout le monde, depuis l'assemblée de village jusqu'aux comités de province du Parti et au Comité central, discute aujourd'hui du koulak, la question pour beaucoup d'esprits manque encore de clarté. Ainsi, il me semble parfaitement erroné de vouloir opposer le paysan aisé au koulak. Mener la discussion sur ce plan, c'est faire de la scolastique. Tracer une ligne de partage entre l'un et l'autre est impossible. Nous devons adopter envers le koulak la même conduite qu'à l'égard du capital privé urbain dans le domaine industriel et commercial. Le capital privé ne doit pas être combattu par des mesures administratives. L'action réciproque de l'Etat et du capital privé se situe sur le plan de l'émulation économique, de la concurrence. Ce genre de rapports doit également définir notre attitude envers la bourgeoisie des campagnes. Il faut cesser d'exercer une pression sur elle. Les mesures restrictives fermant la porte à toute coopération avec cette couche sociale doivent être abolies, mais le Parti prendra les décisions nécessaires pour que les postes de commande de cette coopération ne passent pas aux mains de la couche bourgeoise des campagnes. En accordant des conditions permettant la libre accumulation dans les exploitations koulaks, le rythme de l'accumulation s'accroîtra dans l'ensemble de l'économie, le revenu national augmentera rapidement, les possibilités matérielles de venir en aide aux exploitations pauvres deviendront plus grandes et la main-d'œuvre des campagnes qui ne trouve pas à s'employer pourra être réduite. Dans un second discours à la 14e Conférence-' Rykov déclara derechef que« les rapports adoptés dans la pratique à l'égard de la bourgeoisie rurale en voie d'accroissement entravent le développement économique des campagnes». Il faut << supprimer les entraves administratives à l'accumulation ». « Le développement des rapports bourgeois dans les campagnes n'est pas un danger pour nous ; nous saurons utiliser les ressources qui s'accumulent dans la couche de plus en plus importante de la nouvelle bourgeoisie»; on devra notamment « les employer pour soutenir les paysans pauvres, car nous parlons beaucoup plus de ces paysans que nous ne leur venons en aide ». Soulignant que les campagnes doivent s'intégrer au moyen de l'action coopérative dans l'ensemble de l'économie, Rykov rappela une fois de plus que les koulaks eux-mêmes ne sauraient être rejetés de ce mouvement, mais qu'à la tête des coopératives artisanales on ne pourrait tolérer « le paysan-accapareur qui fait commerce des mêmes produits, pas plus que le paysan- ·boutiquier dans les coopératives de· consommation ou le paysan-prêteur sur gages dans les coopératives de crédit » 4 • 4. Les discours de Rykov furent publiés dans la Praoda du 30 avril et du 3 mai 1925. Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL Le second discours fut prononcé par Molotov, principal adjoint de Staline au secrétariat du Parti : · Il est moins urgent de donner une définition du , koulak » que de dire exactement quels sont les paysans qui en aucun cas ne devront être classés dans cette catégorie. On évitera tout particulièrement de ranger parmi les koulaks le paysan moyen ou le paysan consciencieux. (...) Dans les conditions actuelles, notre politique admettant les rapports de marché, nous tolérerons jusqu'à un certain point le développement de grosses exploitations agricoles, nous permettrons, au moins pour un temps, l'affermissement des éléments capitalistes, c'est-à-dire des koulaks. La lutte contre l'économie «koulak» sera menée non en « dékoulakisant », en procédant à des arrestations et en infligeant des amendes, mais par des mesures coordonnées en matière de fiscalité, par le remembrement et le mouvement coopératif, lequel est appelé à un rôle considérable. Deux ans plus tard, le <c stalinien» Molotov effacera de sa mémoire ce qu'il avait écrit sur l'affermissement des éléments capitalistes. En 1925, à l'instar de Staline, il emboîtait le pas aux droitiers, subissait l'emprise de leur doctrine qui tendait, non par les méthodes du communisme de guerre, mais par un ensemble de mesures réformistes, à créer l' « accumulation » dans l'agriculture, contribuant ainsi à accroître l'accumulation générale et à augmenter le revenu national. Il est, dans le discours de Molotov, d'autres propos que plus tard il regrettera d'avoir tenus. Molotov s'en prit notamment avec vigueur à la « position des paysans pauvres » : Certains communistes ont une manière de voir qui s'écarte de la juste ligne du Parti. Ils adoptent la position des paysans pauvres et la substituent à celle du Parti. Il en résulte une définition erronée des problèmes que pose la collectivisation agraire, capable, assure-t-on, dans les conditions présentes, de rétablir complètement la situation de la masse des paysans pauvres. Cette optique reflète les illusions de ces derniers et en fait ne concorde pas avec le mouvement qui entraîne les grandes masses de paysans moyens et pauvres dans le mouvement coopératif. On ne doit pas se laisser gagner par les illusions des grandes masses paysannes sur la collectivisation. Ce qu'il faut, c'est que l'exploitation · paysanne· coopère et que les communistes surtout se débarrassent des illusions qui nous écartent de la bonne voie5 • Certes, aucun communiste n'a .jamais contesté l'importance du développement des formes collectives de travail dans l'agriculture. Cependant, les paroles de Molotov, qualifiant la collectivisation agraire d' « illusion des paysans pauvres n, prouvent qu'en 1925 la fraction dirigeante du Parti ne oonsidérait pas la politique de collectivisation comme le problème essentiel. Mais deux années ne ·s'écouleront pas que le XV0 Q>ngrès 5. Discours prononcé au Comité central du 23 avril 192s, in Praoda, 9 mai 1935.

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