Le Contrat Social - anno VI - n. 6 - nov.-dic. 1962

334 muer en petit bourgeois aisé à mesure que se développerait l'agriculture. Les idées exposées, dès 1924, par Smimov étaient en avance sur bien des points, repris ensuite par Boukharine , et Rykov. L'apport de Smirnov à la doctrine de droite est donc indéniable 8 • Parmi les tenants de cette doctrine, mais ayant pris une part bien moindre à son élaboration, on rangera Tomski, membre du Politburo, Tsourioupa, adjoint de Lénine pour l'application de la nep, Kalinine, qui fut, surtout dans la première moitié de 1925, sous l'influence de Rykov, Boukharine et Smirnov, un défenseur zélé des idées de la droite. N'omettons pas de signaler que, tout au long de 1925, à la remorque de la droite se mirent Staline, secrétaire général du Parti, et, comme une ombre, son adjoint Molotov (membre du Politburo depuis 1925). La doctrine de droite adoptée par le Parti à la 14 e Conférence prévalut alors effectivement. Ni Staline ni Molotov n'émirent jamais d'idées propres ou de propositions constructives, se bornant à répéter, avec des variantes le plus souvent maladroites, ce· que disaient Boukharine et Rykov. Kaménev n'était pas loin de la vérité quand il déclarait que « le camarade Staline est corps et âme prisonnier de cette ligne politique erronée dont Boukharine est le créateur et l'authentique représentant 9 ». LES DROITIERS ont tenté de donner et ont parfois donné une réponse à d'importantes questions. La somme de ces réponses, nous l'avons dit, n'a pas été systématisée, mais elle montre néanmoins clairement l'orientation de la droite. Pour définir sa doctrine, il faut la dépouiller de l'épaisse gangue de formules en usage dans le Parti. Le problème de « la construction du socialisme dans _un seul pays » n'impliquait pas seulement la restauration de l'économie désorganisée, mais aussi son développement à une vaste échelle, car sa base d'avant guerre, étroite et fragile, « ne permettait pas de bâtir l'édifice du socialisme». Mais si la restauration de l'économie exigeait de gros moyens, des investissements à long terme, son expansion en réclamait bien davantage. Où prendre ces moyens qu'on ne pouvait obtenir de l'étranger ? La droite répondait : les moyens nécessaires devront et pourront être fournis par le processus d'accumulation, par la formation de la plus-value dans l'économie de l'U .R.S.S. Le terme . accumulation revient 8. Très curieuse est la façon dont Kalinine défendit Smirnov contre les attaques de Larine dans un article de la Pravda du 8 avril 1925. Kalinine prit cette défense au Congrès régional des soviets de Moscou (cf. / zvestia du 15 avril). 9. Compte rendu sténographique du XIVe Congrès, p. 254. Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL constamment dans les articles et discours des droitiers. Le Parti tout entier l'adopte, mais - l'évolution est facile à suivre - le caractère de l'accumulation recherchée se modifiera en fonction du changement de la conjoncture politique et du déclin de l'influence de la droite. Du processus de l'accumulation, Lénine et ses épigones ne connaissaient, par le premier volume du Capital, que ceci : le capital accumulé est créé par l'exploitation du travailleur sous diverses formes. Chaque fois que -le problème de l'accumulation se posait à un marxiste, celui-ci se remémorait aussitôt le fameux exposé de Marx sur l'accumulation primitive au chapitre XXIV du premier volume du Capital. Cet exposé obsédait à tel point certains communistes, prenant à leurs yeux le caractère d'une loi universelle et valable à toutes les époques, que Préobrajenski, dans le Courrier de l' Académie communiste (n° 8, 1923), entreprit de démontrer que l'accumulation, nécessaire à l'édification des bases économiques du socialisme, ne pourra et ne devra être obtenue qu'au moyen de l'accumulatt"onprimitive. Préobrajenski distinguait deux sortes d'accumulation possibles en U.R.S.S. L'une, « l'accumulation socialiste, associait aux moyens déjà en fonction le surproduit créé dans l'économie socialiste». L'autre, à laquelle il donnait le nom d' « accumulation socialiste primitive »,· puisait ses ressources « en dehors du complexe de l'économie nationale », les prélevant de différentes manières sur la campagne, l'entreprise du petit producteur, partout et toujours en marge de l'économie socialiste. C'est ce genre d'accumulation, impliquant manifestement l'exploitation des petits producteurs, que Préobrajenski estimait nécessaire pour établir le socialisme 10 • Telle était bien son idée. Voici ce qu'il écrivait: Des pays comme !'U.R.S.S. doivent franchir la période d'accumulation primitive en puisant très largement dans les ressources fournies par les formes présocialistes de l'économie. Les objectifs de l'Etat socialiste ne consistent pas à prélever sur les producteurs petits-bourgeois moins que ne prélevait le capitalisme, mais davantage encore ... Plus un pays qui passe à l'organisation socialiste de la production est économiquement arriéré, petitbourgeois, agraire, plus maigre sera l'héritage que recevra dans le fonds de son accumulation socialiste le prolétariat de ce pays au moment de la révolution sociale, et aussi plus l'accumulation socialiste devra être basée sur une partie du surproduit des formes présocialistes de l'économie. L'idée que l'économie socialiste peut se développer d'elle-même sans toucher aux ressources de l'économie petite-bourgeoise, y compris l'économie paysanne, est indubitablement une utopie réactionnaire ou petite-b9urgeoise. 10. L'article de Préobrajenski, écrit en 1923, fut complété ultérieurement par un autre, intitulé : « La loi de la valeur dans l'économie soviétique», qui forma la matière d'un livre, L' Economique nouvelle, publié en 1926 par l'Académie communiste. Le tollé soulevé par cette théorie contraignit l'auteur à adoucir quelque peu le terme « exploitation •·

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