262 formes de comportement révèlenL la nature de l'homme comme auto-aliénée. Mais quels besoins, quels défauts seront réputés essentiels ? Et, même objectivement définis, ceux-ci ne varierontils pas d'un lieu à l'autre, d'un moment à l'autre ? En dernière analyse, la conception d'un homme se faisant soi-même ou créant sa propre nature, fût-ce partiellement, rend insoutenable la plu- - part des notions sur l'aliénation. * 'Jf 'Jf POUR ces raisons et bien d'autres, prétendre que le socialisme signifie l'abolition de l'auto-aliénation de l'homme peut être une prophétie hasardeuse si on la prend pour une prédiction empirique selon laquelle s'établirait une nouvelle relation entre le travailleur et l'objet de son travail ; ou encore une fantaisie métaphysique si on la prend, tel cet exégète, pour « le retour à l'homme en tant qu'être humain réel » - comme si l'homme avait une nature originelle à quoi il reviendrait sous le socialisme. Pour Marx, sociologue empirique et historique, l'aliénation sous le capitalisme signifie que les hommes ne sont pas libres de créer ou de redéterminer leur propre nature; que l'obligation au travail assure leur subsistance et non leur autoréalisation; que là où le marché est roi et où l'argent est Dieu, les êtres humains sont avilis, réduits à l'état de sujets passifs, progressivement privés du pouvoir de décider librement. Même sous le capitalisme, pareil tableau était exagéré . en tant que description littérale du travail au cours de périodes historiques successives. Dans les interstices de l'économie capitaliste, il existait des hommes inaliénés. L'homme inaliéné est l'homme créateur, engagé dans un travail dont il saisit la raison d'être ou le sens, un travail assumé volontairement comme moyen de se réaliser soi-même. Il est cependant indéniable que, même dans les économies de bien-être les plus hautement développées de l'Occident, là où le capitalisme a profondément évolué en raison Bibl.ioteca Gino Bianco. LE CONTRAT SOCIAL des monopoles, des prix imposés, des règlements d'admip.istration et du divorce entre la propriété et la libre disposition des moyens de production, ,il existe fort peu d'êtres humains inaliénés; fort peu pour qui, selon la formule de John Dewey, • A • « _gagnersa vie » est en meme temps « vivre sa vie ». L'abolition d'une économie marchande garantit-elle du même coup l'abolition de l'auto-aliénation ? A considérer le tableau des pays communistes, on pourra penser que l'homme, spécialement le travailleur, risque une aliénation pire dans une économie socialisée, hautement planifiée, où la démocratie politique est absente, que dans une économie mixte, relativement peu planifiée, assortie de démocratie politique. Suivant les propres catégories de Marx, toute économie sans syndicats libres, sans droit d' opposition ni droit de grève, est une économie de travail forcé, l'essence même de l'auto-aliénation humaine. De ce point de vue empirique, et en se gardant des incertitudes de la métaphysique existentielle ou de la psychanalyse, il est évident que les pays communistes, où seuls ont des droits ceux qui acceptent la dictature d'un parti politique minoritaire, sont bien plus éloignés de l'idéal marxien d'une société d'individus inaliénés que ne le sont les économies de bien-être de l'Occident, si imparfaites soient-elles. Si cette analyse est fondée, dans l'intérêt de la société socialiste projetée par Marx et, ce qui est plus important encore, dans l'intérêt de la vérité, il faut conclure qu'au stade présent de l'histoire du monde, ce n'est point le mode de production économique, mais bien le mode de décision politique qui revêt une importance primordiale. Tant qu'existent la liberté politique et la démocratie, l'économie peut être humanisée et harmonisée aux aspirations morales de l'homme. Sans liberté politique et sans démocratie, toute économie plonge l'homme dans la « nuit noire de l'âme». SIDNEYHooK. (Traduit de l'anglais) '
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