Le Contrat Social - anno VI - n. 4 - lug.-ago. 1962

224 L' EtoiJerouge publia en février 1962 une série · de quatre grands articles, chacun portant en exergue ce passage du nouveau programme du P. C. de l'Union soviétique : « Le principe majeur de l'organisation militaire est la direction des forces armées par le parti communiste et le renforcement du rôle et de l'influence des organisations du Parti dans l'armée et la marine.» Dans le préambule au premier de ces articles 7 , la rédaction avertissait le lecteur : On trouvera une critique d'affirmations qui avaient cours dans notre littérature militaire, politique et historique, du temps du culte de Staline, et qui déformaient grossièrement la vérité historique. Les données de ces critiques peuvent être utilisées lors de l'étude des matériaux du XXIIe Congrès ainsi que dans les conférences et entretiens qui auront lieu à l'occasion du 44e anniversaire des forces armées de !'U.R.S.S. Il s'agissait donc de démontrer aux militaires et au grand public qu'au cours de quarantequatre années tout le mérite de la création des forces armées, de la consolidation et du renforcement de leur puissance, ainsi que tous les succès, reviennent au Parti, fidèle aux principes léninistes. Sous son titre ronflant : « La vérité inaltérable de l'histoire», l'article offre un exemple du « mensonge déconcertant » inhérent à la mentalité communiste. Il donne les nouvelles versions officiellesde la création de l'Armée rouge en 1918 et de l'histoire de la guerre civile. Versions qui, bien sûr, n'ont rien de commun avec la vérité historique. L'auteur, M. Rybakov, ne mentionne même pas le nom de Trotski, véritable créateur de l'Armée rouge et commissaire du peuple à la Guerre, ni son rôle dans la guerre civile. La nouvelle « vérité inaltérable » présentée par 1' Etoile rouge n'est donc qu'une contre-vérité de plus, et nous y retrouvons tous les vieux clichés du temps du << culte de la personnalité», mais cette fois appliqués à Lénine et au Parti : Le Parti et son Comité central, V. 1. Lénine à leur tête( ...), ont créé, cimenté et trempé l'Armée etla Flotte rouges au cours d'une guerre contre des forces supérieures, au milieu de la ruine de l'économie et de la lutte aiguë des classes... Dans les nombreux ouvrages de V. I. Lénine sont exposés les principes fondamentaux de l'édification militaire soviétique, du recrutement et de la formation des cadres des forces armées, de l'activité des services politiques et des organisations du Parti dans l'armée et la flotte ... Le rôle primordial dans la direction stratégique des armées de la République revenait au Comité central et, personnellement, à V. I. Lénine ... Le camarade Lénine s'est montré le plus génial stratège et tacticien ... Cette litanie à la gloire du Parti et de Lénine se termine en apothéose : . Chaque victoire importante remportée sur les interventionnistes et les gardes-blancs, chaque succès stra- · 7. M. Rybakov : « La vérité inaltérable de l'histoire», in Btoilerou,e, 7 fév. 1962. Biblioteca Ginp Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE tégique, chaque élan d'enthousiasme chez les travailleurs de l'arrière qui forgeaient des armes, ont immanquablement été liés au travail du Parti, de son Comité central et de notre chef et guide V. I. Lénine. C'est là la vérité inaltérable de l'histoire. Cette « vérité inaltérable » une fois établie, l'auteur dépouille Staline de tous ses oripeaux. Celui-ci est tout d'abord accusé d'avoir falsifié à son profit certains événements de la guerre civile : Bien entendu, pendant la guerre civile, Staline eut quelques mérites... Mais il n'y a aucune raisoJJ. de le tenir pour l' « inspirateur et organisateur direct des victoires les plus importantes de l' Armée rouge » ni de voir en lui l'auteur des « plans stratégiques essentiels». Une telle exagération de ses mérites est une manifestation du culte de la personnalité, culte étranger au marxisme-léninisme. La propagation de ce culte minimisait le rôle du Parti et des masses, le rôle joué dans le Parti par la direction collective. Ne pouvant parler de Trotski et de ses démêlés avec Staline, Rybakov est obligé de se rabattre sur ... ...les falsifications par la littérature militaire historique de certains événements importants et l' exagération démesurée par celle-ci de tout fait historique lié d'une façon ou d'une autre au nom de Staline. Ainsi, la participation de Staline à la défense de Tsaritsyne pendant l'été de 1918 faisait affirmer que c'est le front Sud qui était alors le plus imporj:ant et non le front oriental, pourtant reconnu comme tel par le Comité central à la fin de juillet 1918. Nos historiens militaires présentaient également Staline comme auteur du plan stratégique ayant conduit à l'anéantissement des forces contre-révolutionnaires du Sud, alors que ce plan résultait de l'énorme travail collectif accompli par le Comité central avec V. I. Lénine à sa tête, et avec la participation de plusieurs importantes personnalités militaires. Les bévues de Staline étaient également nombreuses. A l'automne de 1919, il avait déclaré, par exemple : « Koltchak ne compte plus », tandis que Lénine avait écrit, fin août 1919: « L'ennemi [Koltchak] est loin d'être détruit.» Pour .se mettre en valeur, Staline ne reculait ni devant un mensonge pur et simple ni devant l'escamotage des discours de Lénine. Ainsi, pendant la révolte de Cronstadt, dans son compte rendu de la reprise aux marins insurgés du fort de Krasnaïa Gorka, Staline avait affirmé avoir « mis en défaut la théorie des spécialistes de la marine pour qui ce fort était imprenable du côté de la mer» : « La prise rapide de Krasnaïa Gorka est due à mon intervention brutale et à celle des civils en général dans la conduite des opérations, intervention qui est allée jusqu'à l'annulation des ordres donnés par les militaires de terre et de mer, remplacés par nos propres ordres. » En .fait, Lénine avait noté en marge de ce compte rendu : « Krasnaïa Gorka fut pris du cf,té de la terre.•

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