Le Contrat Social - anno VI - n. 4 - lug.-ago. 1962

202 l'élevage, l'agriculture et les affaires politiques. Au xvn1e siècle, un voyageur exceptionnellement entreprenant, Vassili Grigoriévitch Barski-PlakaAlbov, parcourut l'Europe et le Proche-Orient pendant ·près de vingt-cinq ans, faisant entre autres plusieurs longs séjours en Egypte. A son retour, il rédigea un gros volume de commentaires sur la géographie, l'économie et l' ethnographie des régions qu'il avait connues. L'ouvrage parut à Saint-Pétersbourg en 1778 sous le titre : Voyage à pied aux lieux saints d'Europe, d'Asie et d'Afrique, entrepris en 1723 et achevé en 1747. Une génération plus tard, un officier de marine du nom de Kokovtsev explora les montagnes de l'Atlas et publia deux livres précieux sur l'Algérie et la Tunisie de son temps. Aux x1xe et xxe siècles, le nombre des Russes visitant l'Afrique augmenta rapidement. En 1820, l'orientaliste O. 1. Senkovski remonta le cours du Nil jusqu'en Nubie. Il fut suivi en 1834-35 par A. S. Norov, plus tard ministre de l'instruction publique. Dans les années I 840, des médecins furent envoyés en Egypte pour y observer les épidémies de typhus. En I 84 7, une équipe d'ingénieurs, invités par le vice-roi Méhémet-Ali, se rendit en Haute-Egypte afin d'étudier les possibilités d'extraction de l'or ; un groupe, conduit par l'ingénieur E. P. Kovalevski, poussa jusqu'à la frontière éthiopienne et reconnut le cours de la rivière Toumat sur la rive gauche du Nil bleu. Dans les ouvrages qu'il publia plus tard, Kovalevski soutint l'égalité des races blanche et noire et formula d'intéressantes propositions concernant le commerce avec l'Egypte et l'Ethiopie. Au milieu du siècle, les visiteurs affluaient de plus belle. Encouragés par la Société de géographie, savants et explorateurs étudièrent les formations géologiques du Moyen-Atlas, l'ethnographie, la faune et la flore de l'Algérie. N. V. Mikloukho-Maclay, que ses descriptions ethnologiques de la Mélanésie devaient rendre célèbre et dont l'Institut d'ethnographie de l'Académie des Sciences de !'U.R.S.S. porte le nom, visita le Maroc et les îles Canaries. Mais les contacts établis très tôt avec l'Ethiopie comptent parmi les succès les plus marquants des Russes et permettent de mieux comprendre l'activité déployée de nos jours en Afrique par les Soviétiques. L'intérêt pour ce pays fut stimulé par des considérations de deux ordres: 1. prévenir l'implantation italienne, française et britannique dans une région · considérée à Saint-Pétersbourg comme partie intégrante du Proche-Orient ; 2. nouer des relations entre le clergé éthiopien et l'Eglise orthodoxe russe. (Dans les années 1850, l'archimandrite Porphyre Ouspienski et l'évêque Cyrille proposèrent l'envoi d'une mission religieuse en Ethiopie, mais l'affaire n'eut pas de suite. Néanmoins, dans les années 1880, des relations s'établirent entre les deux Eglises.) La première tentative russe sérieuse d'exercer une WJµeqce ~\U" l'Ethiopie fut le fait du cosaque Bibiioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL Achinov, qui agissait, semble-t-il, pour le compte de certains milieux d'affaires de Nijni-Novgorod. Il se rendit plusieurs fois en Ethiopie entre 1886 et 1889, et son dernier voyage finit en désastre. Achinov avait installé ses gens, 174 personnes en tout, parmi lesquelles des délégués du clergé russe, dans le fort Sagallo, abandonné par les Italiens, qu'il avait rebaptisé le « NouveauMoscou ». Peu après, Paris, craignant qu'une colonie russe ne s'installât de façon permanente dans une région d'intérêt majeur pour la France, donna aux autorités navales françaises l'ordre d'exiger l'évacuation du fort. Achinov refusa, et le 18 février 1889 la place fut bombardée par un croiseur français : des femmes et des enfants furent tués et il y eut de nombreux blessés. Achinov et les survivants furent emmenés par les Français au Caire, d'où ils regagnèrent leur pays 3 • Il se trouva qu'un certain Machkov échappa à la capture et s'enfonça dans l'intérieur du pays. A Entotto, l'ancienne capitale, située près d'AddisAbéba, il rencontra le négus Ménélik. En 1891, lors d'un second voyage Machkov fut de nouveau reçu par l'empereur, qui cette fois lui remit une lettre adressée au tsar à qui il demandait l'envoi d'un officier d'artillerie afin de « former ses sujets au maniement des armes ». Le tsar envoya son homme : ce fut le précédent historique de l'aide militaire et technique de la Russie à l'Afrique. A quelques années de là, une expédition géographique fut organisée. Un officier en retraite, Nicolas Léontiev, en faisait partie, et elle était dirigée par l'explorateur Alexandre Elisiéev ; elle arriva en Ethiopie en 1895. L'un des résultats importants de cette mission fut l'établissement, la même année, de relations diplomatiques. Lorsque la guerre italo-éthiopienne éclata, un an plus tard, Léontiev devint conseiller militaire ·auprès du négus; par la suite, il servit un temps comme gouvern~ur d'une province éthiopienne. Les contacts qui se multipliaient entre les deux pays suscitèrent en Russie une connaissance véritable des problèmes éthiopiens et de la sympathie pour la lutte menée contre les Italiens, spécialement après la victoire d'Adoua en mars · 1896. Ce sentiment se traduisit en 1898 par l'envoi à Addis-Abéba d'une ambulance divisionnaire, laquelle, toujours avec l'aide des Russes, fut par la suite transformée en une institution . permanente. L'hôpital fut abandonné en 1918, mais en 194 7, à la demande de l'empereur Hailé Sélassié, les Soviétiques le reconstruisirent et en firent un centre médical moderne comptant deux cents lits. A ceJjour, le service est assuré par du personnel appartenant à la Croix-Rouge soviétique' et à la Société du Croissant-Rouge. 3. M. V. Rait : « Expéditions russes en Ethiopie du milieu du x1xe siècle au commencement du xxe et leurs matériaux ethnographiques »., in Recueil ethnographique de l'Afrique., éditions de l'Académie des Sciences., Moscou 1956., pp. 220-281.

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