E. DELIMARS émotions ne prennent une teinte religieuse qu'au cours de l'évolution de l'individu dans la société, et uniquement du fait que les conditions de sa vie entraînent dans sa conscience l'apparition des conceptions religieuses. Au cours des quatre dernières décennies, le mode de vie de la société soviétique a montré de façon éclatante que, dans certaines conditions sociales, des millions d'hommes naissent, grandissent et évoluent sans aucun sentiment religieux et sans avoir nullement besoin de communier émotionnellement avec dieu (ibid.). L'auteur ne peut po~ant pas ignorer que ce~e variété d'hommes a-religieux n'est pas un prodwt exclusif de la société socialiste, qu'elle existe depuis toujours sous toutes les latitudes et tous les régimes. Les savants soviétiques, historiens et ethnologues, s'appliquent en effet depuis les débuts du régime à rechercher les traces de l'athéisme et à mettre en lumière· ses manifestations à travers les âges et dans toutes les civilisations. La « pratique de la vie soviétique» n'a. fait qu~ libérer cette catégorie de gens de~ contramtes. 9~1 les mettaient aupa~avant en conflit avec la soc~e~e; Quant à ces « millions » d'hommes et à la solidite de leur athéisme inné, notre auteur est en contradiction flagrante avec Mouraviev et Dmitriev, lesquels, dans le numéro précédent de la même revue, avouaient que l'on surestime l'ampleur de l'athéisme en U.R.S.S. et reconnaissaient que de très nombreux Soviétiques étaient revenus à la religion pendant et après la dernière guerre 10 • Son optimisme de commande est d'ailleurs assez fragile, car il conclut en affirmant qu'il faut lutter non seulement contre l'idéologie religieuse, comme on le faisait jusqu'ici, mais aussi contre la psychologie religieuse : Il est erroné de se limiter à la critique théorique des dogmes et mythes religieux. Cette critique d~it ~tre complétée et renforcée par d'autres moyens d actJ.on, d'autres formes et méthodes de l'éducation scientifique athée (ibid.). MftME SON de cloche dans beaucoup d'autres écrits soviétiques concernant ce problème. Le Parti semble prendre de plus en plus conscience de la nécessité d'agir sur le côté émotionnel de la psychologie humaine et de toucher par là les éléments sociaux qui jouent le rôle d'agents de transmission .de la re~giosité à la génération suivante, à savoir la fanulle et les femmes en général, qui sont deme~ées presque imperméables à la propagande athé1ste. Mais dans les conditions soviétiques, cette nouvell~ orientation de la propagande antir~ligieuse est particulièrement difficile. Elle exige beaucoup de chaleur humaine, de doigté, de compréhension et de sympathie. de la par! ~e l'exécutant et elle est incompatible avec 1 attt10. Cf. note 2. Biblioteca Gino Bianco 179 tude bureaucratique et formaliste dans les contacts humains. C'est un faisceau de qualités très rarement réunies chez le communiste soviétique d'aujourd'hui, lequel est, dans l'immense majorité des cas, doté d'une mentalité de fonctionnaire. De surcroît, les agents de propagande sont constamment handicapés par la discordance permanente entre les affirmations et les promesses du Parti et la réalité quotidienne. Ils ont aussi bien des choses à apprendre de leurs adversaires directs, les prêtres, et surtout des prédicateurs des diverses sectes, souvent passés maîtres dans l'art de manier les émotions humaines. Voyons ce que dit à ce propos un pope défroqué et rallié à l'athéisme scientifique : Les « mesures générales » ne suffisent pas pour combattre l'influence des ecclésiastiques et des sectaires sur les Soviétiques. Il faut connaître le monde intime de chaque homme, -s'intéresser à ses conditions de vie, notamment familiales, faire preuve de beaucoup de délicatesse et d'attention. Il est encore malheureusement fréquent de constater que les ecclésiastiques et les sectaires attirent des Soviétiques dans leurs rets en profitant de l'attitude formaliste et indifférente de no~ organisations envers les gens 11 • . Les publications antireligieuses insistent beaucoup sur cette tactique insidieuse des ecclésiastiques et des sectes qui savent adapter leur propagande à la réalité soviétique et réduire à néant les arguments de leurs adversaires. Bien plus encore que les églises établies, les sectes tie~ent co~p~e de l'immense pres?ge dont « la science.» J<?Ult parmi une population souvent encore _pr11rut1ve. Ce prestige est dû non seulement à l'mcessante propagande officielle, qui présente toujours sous l'étiquette « scien~que » .ce qu'elle veut démot?-- trer et affirmer, mais aussi, et surtout, aux succes des savants soviétiques en matière de fusées et d'astronautique. Pour les communistes, l'a!gument décisif contre la religion est que celle-et est « antiscientifique ». Or les sectes « réconcilient » la science et la religion : Cette apparence scientifique du baptisme avait ébranlé l'attitude critique envers la religion : « Si les prédicateurs baptistes sont eux aussi pour la science, pourquoi ne pas les écouter? Il se peut qu'ils sachent quelque chose qui échappe encore à la science officielle. » Les propagandistes de la religion exploitent très largement de telles hésitations (cf. note 6). De plus, ces propagandistes cherchent à satisfaire les besoins d'émotions esthétiques, trop souvent négligés en U.R.S.S. La grisaille de sa v~e quotidienne exacerbe chez le Soviétique le besom de s'évader, ne serait-ce que pour quelques heures, d'où sa soif intense de spectacles, de musique, de chants. L'effort 9ue les autorités déploient dans ce domaine est immense, mais il 11. A. A. Osaipov : La Voit vtrs la libtrr, spirituelle, Moscou 1960, pp. 53-54. Cit~ par Ougrinovitch.
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