Le Contrat Social - anno VI - n. 2 - mar.-apr. 1962

QUELQUES LIVRES n'est pas même mentionné. Aucune tentative pour évaluer la croissance économique ou présenter, à tout le moins, des estimations faites par d'autres. Un phénomène aussi frappant que la diminution du salaire réel pendant une industrialisation rapide n'incite l'auteur qu'à faire remarquer en passant qu'en 1937, 1940 et surtout 1947 la valeur réelle des salaires fut inférieure à son niveau de 1928. En ce qui concerne la planification, on trouvera quantité d'observations techniques, tantôt intéressantes, tantôt dépourvues de sens (on nous apprend, par exemple, que les médicaments se vendent dans des magasins dépendant du ministère de la Santé et les livres dans ceux qui dépendent du ministère de la Culture), mais la question de savoir si l'économie est régie par les plans quinquennaux n'est jamais abordée. D'autres questions sont traitées d'une manière si superficielle, pour ne pas dire frivole, qu'on préférerait qu'elles soient passées sous silence.. L'auteur ne déclare-t-il pas que l'évolution des structures des salaires, en Union soviétique et dans les pays occidentaux, présente de « nombreuses similarités» et que cela donne à penser qu'elle subit ici et là les mêmes influences? Cette étonnante découverte s'appuie sur le simple fait qu'en matière de rémunération l'employé de bureau a perdu du terrain par rapport à l'ouvrier. Cela pèse d'évidence plus lourd, dans le jugement de M. Nove, que les caractéristiques majeures, et à peu près uniques en leur genre, de la courbe des salures en U.R.S.S. : diminution du salaire réel et déploiement de plus en plus marqué de l'éventail en pleine expansion industrielle. Autre exemple : après un exposé plutôt confus de la distinction faite par Marx entre l'industrie des moyens de production et celle des biens de consommation - exposé qui, par parenthèse, fera croire au lecteur non averti que l'auteur du Capùal s'est servi à ce sujet du motpodrazdéliénia, traduction russe de son terme Abteilungen, - M. Nove prétend que la part assignée à l'un et l'autre secteur dans le développement de l'industrie soviétique « est parfois l'objet d'attaques relevant de la propagande de la part de critiques occidentaux mal informés». Tous les économistes sérieux considèrent qu'en U.R.S.S. l'expansion rapide de la production des biens d'investissement s'est opérée aux dépens d'autres industries, parmi lesquelles celle des articles de consommation. M. Nove n'a rien trouvé à leur opposer, sinon quelques généralités doctes en apparence seulement, en fait purement gratuites, qu'il n'essaie pas d'étayer de la moindre donnée précise. L'ouvrage fourmille en outre d'erreurs matérielles difficilement excusables. Bornons-nous à citer sept exemples relevés en quelques pages. P. 115 : le commissariat au Travail aurait été aboli en 1934; en fait, ce fut en 1933 (Sobranié zakonov, 1933, n° 40). P. 116 : le comité d'Etat Biblioteca Gino Bianco 123 pour les questions du travail et des salaires aurait été établi en 1956; ce fut en 1955 (Viédomosti Verkhovnovo Soviéta, 1955, n° 8). P. 118 : en énumérant les cas où l'Etat peut « allouer » la main-d'œuvre, l'auteur a oublié une des catégories les plus importantes, celle des jeunes ouvriers sortant des écoles professionnelles et d'apprentissage, requis pendant quatre ans pour les entreprises désignées par les autorités (Viédomosti Verkhovnovo Soviéta, 1940, n° 37). Ibid. : le cc recrutement organisé » ( orgnabor) des travailleurs pour l'industrie et le bâtiment serait effectué dans les villages ; en fait, parmi les personnes ainsi enrôlées, les citadins représentaient 40 % en 1952, 67 % en 1956, 64 % en 1957, 66 % en 1958 (Kommounist, 1959, n° 11). Ibid. : le cc recrutement organisé» se pratiquerait à présent sans recours à la contrainte ; or aucun élément nouveau n'est venu modifier ce procédé. P. 119: les décrets interdisant aux salariés de quitter leur emploi auraient été promulgués en octobre 1940; ils portent les dates des 26 juin et 17 juillet de cette année-là. Ibid. : avant d'être abrogés en 1956, cette interdiction serait tombée en désuétude vers 1953; en fait, les salariés ayant quitté leur emploi de leur propre chef étaient traduits jusqu'en 1956 devant les tribunaux (les dernières années, ceux-ci leur infligeaient, semble-t-il, des peines moins sévères qu'auparavant). La bibliographie se situe à peu près au même niveau. Dans la série des recueils statistiques récents manque le premier, publié en 1956, le plus systématiquement analysé par les économistes occidentaux (dont M. Nove lui-même); le recueil concernant l'agriculture est cité, non celui concernant l'industrie. A propos de l'histoire de l'économie soiiétique, M. Nove a oublié les ouvrages de I rokopovicz ; il donne le titre de celui de Harry Schwartz, mais en indiquant la première édition (1950), depuis longtemps épuisée, alors que la seconde (1954) est beaucoup plus complète. Outre le livre de Schwartz, cette section de la bibliographie n'en indique que quatre autres, dont deux ne portent que sur une période très limitée ; le troisième a été écrit par un communiste, Maurice Dobb; le quatrième par A. Baykov, dont le manque d'esprit critique dans l'étude des statistiques officielles a été maintes fois relevé par des économistes qualifiés. Dans la section relative au travail et aux salaires, nulle trace des importants ouvrages d' A. Bergson, de L. Bjork, de M. Dewar, de L. E. Hubbard, de S. Zagorsky, et ce n'est pas par manque de place: l'auteur n'a pas hésité à mentionner deux articles d'E. C. Brown dont l'importance n'est pas comparable à celle des livres omis. Parmi les travaux sur la croissance, manquent les œuvres de Colin Clark; parmi ceux sur la valeur, les prix et la rationalité économique, l'auteur a inclus The Soviet Price System, de Naoum Iasny, mais non Soviet Pri'cesof Producers' Goods, du même auteur. On pourrait multiplier les exemples.

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