B. SOUV ARINE tov. « Depuis des dizaines d'années, ils n'étaient allés nulle part, ne connaissaient vraiment ni la théorie ni la pratique», renchérit V. F. Ilitchev; « ils », ce sont les ex-dirigeants du Parti et de l'Etat, les plus proches collaborateurs de Staline, naguère tabous. Bref, les détenteurs· patentés de la science « marxiste-léniniste »n'étaient plus d'accord sur rien, mais formaient néanmoins un monolithe tant que le Secrétariat restait hors de cause. Sur quoi portaient les différends, en particulier? Les orateurs du Congrès en ont fait une longue énumération qui réfute singulièrement les apparences monolithiques. L. 1. Brejniev accuse plus spécialement Molotov et Kaganovitch de s'être opposés au « gigantesque objectif de mise en valeur des terres vierges». E. A. Fourtseva reproche au groupe antiparti d'avoir voulu empêcher « la réhabilitation des personnes ayant souffert injustement»; à Molotov, d'être intervenu contre une initiative de Khrouchtchev relative à la concentration des organismes responsables des travaux de construction, et contre les mesures prises pour améliorer l'agriculture et sa planification, pour défricher les terres vierges, pour transformer la direction de l'industrie. Selon D. Rassoulov, « l'agriculture soviétique a été à l'abandon, son développement a été freiné artificiellement, parce que Malenkov qui dirigeait à cette ·époque cette branche de l'économie, d'importance vitale, ne connaissait pas l'agriculture et ne voulait pas la connaître». Pendant les deux années précédant le XXe Congrès, dit A. I. Mikoïan, il y eut des « désaccords sur les problèmes fondamentaux de la politique et de la pratique »; les antiparti « rejetaient tout ce qui était nouveau», ils « s'opposèrent à la liquidation des conséquences néfastes du culte de la personnalité, se prononcèrent contre les mesures commandées par la vie, telles que la transformation de la direction de l'Etat, de la direction de l'économie, de la planification, en particulier dans l'agriculture, l'utilisation des terres vierges, etc.». Molotov, continue Mikoïan, repousse la « coexistence pacifique », conteste « l'utilité des rencontres personnelles » des dirigeants soviétiques « avec ceux des Etats capitalistes ». Une kyrielle d'orateurs ayant. répété une cinquantaine de fois les mêmes griefs, on ne retiendra ci-après que les précisions nouvelles. V. V. Grichine ajoute que les coupables (qui n'ont pas la parole) se sont élevés « contre la démocratisanon de la vie sociale du pays», ce que confirme M. A. Souslov disant qu'ils ont combattu « la démocratie à l'intérieur du Parti, le rétablissement de la légalité révolutionnaire ». I. G. lgnatov se décide à donner, enfin, l'argument de Molotov contre l'exploitation des terres vierges : « l'entreprise ne serait pas rentable »; il caractérise l'ancien s~crétaire du Parti et président du Conseil des commissaires du peuple, ministre des Affaires étrangères, « héros du Travail socialiste », membre de l'Académie des sciences, quatre fois titulaire de l'ordre de Lénine, en ces termes : « Tout le Biblioteca Gino Bianco 3 monde sait (sic) que cet arrogant s'est toujours montré brouillon, dans le domaine des relations internationales comme dans celui du développement du pays. Il a commis maintes erreurs quant aux voies et possibilités d'édifier le communisme, quant à l'évaluation des forees du socialisme et de l'impérialisme, à la coexistence d'Etats à systèmes sociaux différents, aux moyens d'éviter une guerre mondiale, aux formes de transition des divers pays vers le socialisme. Ce n'est pas un effet du hasard, Molotov a toujours été un dogmatique incorrigible, dénué de toute notion de la réalité. » Portrait indulgent, mais juste, du bolchévik modèle, intégral, invétéré, qui se flatte d'être le seul survivant de l'équipe sélectionnée par Lénine. Au catalogue des méfaits du groupe antiparti, N. A. Moukhitdinov inscrit une « opposition furieuse à l'élévation du rôle et à l'élargissement des droits des Républiques de l'Union soviétique, au renforcement de leur souveraineté » ; en outre, il accuse le groupe d'incurie en matière ... de culture du coton. V. 1. Ilitchev s'élève dans les hauteurs de l'idéologie en rappelant que cc les ouvrages de Marx, Engels et Lénine ont été objectivement rabaissés » au temps du culte de Staline, dont les antiparti sont co-responsables, et qu'il n'est pas fortuit « que pendant plusieurs dizaines d'années il n'y ait pas eu dans notre pays d'œuvres marquantes sur l'économie politique, la philosophie et l'histoire»; en 1937, un groupe d'économistes avait entrepris de composer un manuel d'économie politique : « Plus de dix variantes furent élaborées, mais aucune ne parut. » Enfin, dit-il, « il est difficile d'imaginer le nombre d'obstacles auxquels se heurta la rédaction d'une biographie scientifique (sic) de Lénine ». Etc. A noter que la stérilité intellectuelle « pendant des dizaines d'années », reconnue par Ilitchev, équivaut à la durée du régime soviétique et sous la domination du Parti détenteur de la vérité absolue ainsi que du sens de l'histoire. Dans le même ordre d'idées, B. N. Ponomarev révèle que « Molotov et Kaganovitch, écumant littéralement de rage, se dressèrent contre l'idée même d'écrire un nouveau manuel d'histoire du Parti », lequel devait remplacer le Précis apologétique de Staline. (Le nouveau manuel ne vaut d'ailleurs pas mieux que l'ancien quant à la véracité; Ponomarev en est le principal rédacteur.) Les critiques se font encore plus acerbes avec P. A. Satioukov : « La poignée de fractionnistes habitués à l'atmosphère confinée du culte de la personnalité, pareils aux habitants des marais à leur aise dans la vase et la boue, accueillirent mal la nouvelle ligne du Parti. En quoi, demandaientils, sont nécessaires ces voyages à travers le pays, à quoi bon toutes ces conférences, ces rencontres dans les kolkhozes, sur les chantiers, dans les usines ?... On vivait bien sans cela et l'on continuerait bien à s'en passer. » A. 1. Adjoubeï aussi dira, comme avant lui Mikoïan : « Molotov s' oppose aux contacts de nos hommes d'Etat et •
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