332 autres partis les effets de la représentation proportionnelle. Il redonnerait un poids parlementaire au poujadisme et au communisme, il en donnerait un à l'O.A.S., et réduirait celui de l'opposition proprement parlementaire. Peut-être l'éclatante victoire d'un parti ne ferait-elle alors que préluder à la fin du parlementarisme. SI n' AILLEURSon veut, pour améliorer notre système parlementaire, changer le mode de scrutin, il va de soi qu'on ne peut songer à la technique anglaise du scrutin uninominal à un seul tour. Si cette technique donne d'excellents résultats, c'est qu'elle s'applique dans un pays où il existe déjà le dualisme de la majorité et de l'opposition. Introduite brutalement en France, elle avantagerait les partis les plus disciplinés et ceux dont les électeurs ont les passions les plus fortes, c'est-à-dire, bien souvent, les adversaires du régime. Elle aboutirait d'ailleurs, au gré des situations locales, à faire élire des gens de tous les partis, et donnerait donc une Assemblée parfaitement anarchique. En revanche, un autre système semble pouvoir s'acclimater chez nous, et il est surprenant qu'on n'y songe point : c'est la technique américaine des. élections primaires. On sait que les EtatsUnis ont deux grands partis. On sait aussi qu'à l'intérieur de chacun de ces partis les tendances sont très diverses. Cependant, le système électora~,américain c~ntraint les électeurs à se ranger der!iere la ~anruer~ de l'un de ces deux partis, et il contraint aussi chacun de ces partis à une certaine discipline - discipline qui, semble-t-il est allée s'accroissant au cours des dernière~ années. Notre situation n'est pas fondamentalement différente. Les Français se classent volontiers en gens de droite et gens de gauche, et l'un et l'autre courant présente des nuances assez variées. Si l'on organisait des élections primaires sur la base de l'arrondissement (au sens électoral du mot),. les électeurs seraient conduits à désigner un candidat de gauche et un candidat de droite. Et aux élections définitives, ils devraient choisir entre ces deux-là. Le système, on le voit, est fort simple. Il ne surprendrait guère les électeurs, car il est très proche de notre traditionnel scrutin d'arrondis-- sement. A vrai dire, ce ne serait qu'un aménagement de notre scrutin d'arrondissement. Et l'on voit en quoi consiste la nouveauté : elle consiste à faire au niveau des élections ce que M. Debré a voulu faire un jour au niveau de l'Assemblée. . On ne veut pas ici développer toutes les implications d'une telle technique. On notera cependant que cette technique assainirait considérablement l'atmosphère électorale et l'atmosphère parlementaire. Obligés de se classer à droite ou à Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL gauche (que l'on garde ces mots ou qu'on les remplace par d'autres), les candidats seraient contraints de désigner leurs alliés et leurs adversaires, ils seraient préparés aux actes de gouvernement. La coalition la plus nombreuse tendrait à se considérer comme une majorité, l'autre comme une opposition. Quant aux oppositions extér~eures - celles qui sont hostiles au régime parlementaire - sans doute seraient-elles bientôt réduites à très peu de chose. D'abord parce que beaucoup d'électeurs ne votent pour ces oppositions que par dégoût de la confusion qui règne dans les élections et dans l'Assemblée. Et puis, nous le savons par expérience, les électeurs qui ne votent pas au premier tour pour la gauche ou la droite extérieures, reportent rarement leurs voix sur elles au second tour, et plutôt que de le faire, ils préfèrent laisser sa chance à un candidat modéré du bord opposé, voire contribuer à son élection. Ainsi nous nous acheminerions rapidement vers un parlementarisme du second genre, voire du premier (et l'on pourrait même, au bout de quelque temps, renoncer aux élections primaires et ne conserver que le second tour, c'est-à-dire pass~r du scrutin américain au scrutin anglais). AJoutons que pour une telle réforme, les circonstances sont exceptionnellement favorables. En effet les députés ennemis du régime sont très peu nombreux, et il se trouve donc que dans très peu de circonscriptions un ennemi du régime bénéficierait, à droite ou à gauche, de l'avantage moral qu'il y a à être le précédent élu de la circonscription. D'autre part, pour la première fois nous aurons vu - on peut du moins le préjuger - un gouvernement présider aux affaires pendant toute une législature. Il est donc vraisemblable que là où les modérés triompheront, ce sera le plus souvent sous le drapeau du ministère, et e1;t se. prév~lan~,de l'œuvre accomplie sous sa direction. L urute d'un des côtés de l'Assemblée s'en trouvera grandement facilitée. Quant au côté gauche, cessant d'être terrorisé par l'extrême gauche, ayant sur sa droite une frontière clairement dessinée par le système, il ne tarderait pas à trouver son centre de gravité. Ses divers groupes se!aient de plu~ en plus enclins à porter leur a~ent10~ ~ur ce qui peut les unir, et non sur ce qui les divise. La perspective, en effet, d'être amenés un jour à gouverner ensemble les con.. <luirait progressivement à penser moins en termes de théorie et plus en termes de programme de gouvernement. Ainsi serait vraiment réformée notre Assemblée, qui acquerrait enfin la structure qui lui fait défaut. A1:nsise~ait en!m. créée cette fonction parlementaire qui est 1nd1spensable au bon exercice de la fonction gouvernementale. Ainsi serait achevée la rénovation de notre système politique. YVES LÉVY.
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==