L. FMERY grandes exhibitions astronautiques ; on prendrait aisément son parti de tout cela, qui est confo~e à la règle du jeu, si notre presse, notre badauderie mal conseillée, notre crédulité puérile, ne multipliaient les chances de l'offensive psychologique. Essayons de le bien voir d'après un seul exemple. Les citoyens du monde libre, à COllJ-menc~r par les ouvriers et les paysans, sont desormais à peu près immunis~s contre ~es sédu~tio!}S mensongères du paradis communiste; mais ils demeurent ou deviennent très sensibles à la crainte de la guerre et s'accoutument à pens~r que leur sort dépend des froncements de sourcils de Khrouchtchev. On les y encourage d'ailleurs, et rien n'est plus horripilant que l'importance accordée à la moindre parole du nouveau Jupiter, que l'intention gravement déc!arée d'aller sonder ses intentions comme on allait consulter l'oracle delphique. Nous serons sauvés ou perdus selon que Khrouchtchev sef.a d~ _bonne ou de méchante humeur, selon qu il debitera des proverbes ou se déchaussera pour frapper sur la table. Pourquoi d'ailleurs se dérangerait-il ? Les journalistes les mieux accrédités vienne~t recueillir ses paroles et leur assur~nt une P?~~- cité mondiale; il n'a qu'à se servir des facilites qu'on lui offre. Or les nerfs, puis9ue ~ue~re des nerfs il y a constamment, ne sont Jamais si rudement traités que par la méthode de la douche écossaise, par le continuel passage d'une peur imbécile à des apaisements et des espérances qui ne valent pas mieux. Hitler utilisa pendant quelques années cette tactique du martela~e et il en tira d'importants avantages ; à cet egard comme à beaucoup d'autres, les dirigeants soviétiques sont ses disciples et bénéficient d' ailleur~ de préjugés plus tenaces ~u, cô!é de tous ceux qui se décernent brevet de bberahsme et de modernisme gauchiste, donc avant tout des intellectuels. Certes, nous n'en sommes pas à l'heure où l'U .R.S.S., brandissant tout à c~up une. arm_e secrète capable de semer la panique, exigera~t du monde libre qu'il capitule sans comb~t ; il est même présumable que cette heu~e ne viend~a jamais. Mais tout se passe comme si l'on voulait par des chocs harcelants, dont nou~ nous, }1âto~s de multiplier les contrecoups, ruiner 1energie morale des Occidentaux, les secouer par des décharges électriques, les plonger dans le tintamarre des mots creux, les pousser enfin vers l'abattement et l'asthénie. Ira-t-on bien plus loin ? Fabrique-t-on, en des laboratoires ~ilitarisés, une toxicologie nerveuse et psychologique apte à provoquer par des ondes invisibles. !~hébétude ou la démence des foules ? Le conditionnement des cerveaux sera-t-il porté à un degré de puissance et de précision dont nous n'avons encore aucune idée ? Tout cela peut naturellement jouer en des sens très divers.. Mais n<;>us entrons ici dans le territoire de la science-fiction et si l'on aurait tort de la dédaigner, on aurait pÎus tort encore de lui demander des assurances sérieuses et solides. Biblioteca Gino Bianco 325 LA PROTECTION du monde libre n'est pas affaire réservée ~ux militaires et. :aux ingénieurs; elle s'etend au domaine moral, implique une sorte d'impénétrabilité aux influ~nces dissolvantes ou paralysantes. Les proble~e~ ainsi posés ne sont pas seulement d'une extr~~e complexité ; ils mettent en cause de la maniere la plus pressante nos mœurs démocratiques abusives ou dégénérées. Depuis qu'est née la fun_es~e coutume des conférences de presse, on dirait que toute politique doit aboutir à_la télévision ~t aux débats publics tapageurs et vides. Il faudrait belle dose de naïveté pour croire que les peuples sont ainsi habilités à juger sainement, pour ne pas voir qu'on a seule~ent ac7ru la ~ogor~hé~ qui sévit partout et qui a maintes fois pris a l'O.N.U. des proportions monstrueuses. Os<;>ns le dire : l'heure est venue de restaurer la notion même du secret d'Etat; on en a dénoncé les méfaits, pour des raisons d'ailleurs très valables, mais on constate aujourd'hui que l'intempérante publicité est encore plus nocive, les choses importantes ne pouvant manquer d'ailleurs d'être dissimulées, autant qu'on peut, sous le voile du verbiage. L_a démocratie proscrit l'arbitraire, mais elle ne saurait exiger que tout contrôle ou pseudo-contrôle prenne des allures foraines et ~lserait temps q.u:on se demande ce qu'est au Juste cette opinion publique, cette opinion des mass.es à laquelle on feint de soumettre les questions les plus graves. Il y a plus : le statut juridique des moyens d'information est à réviser de fond en comble. Qu'on le veuille ou non, nous ne sommes plus au temps où l'on mourait sur les barricades pour la liberté de la presse, nou~ s~mmes payés pour savoir comment ce beau principe est adultéré non seulement par les interventions de la politique et de l'argent, mais plus décisivement encore par les transformations techniq~es. ç:' e~t tellement vrai que le passage de la presse impnmee à la presse radiophonique entraîne immédiatement un changement du régime légal. Dans un pays tel que la France, on peut adme~re que la tradition républicaine consacre le droit pour les communistes d'avoir leurs propres journaux, mais il serait inconcevable qu'on leur reconnût celui de disposer d'une s_tation.é~ettrice ..De par sa puissance et son un1versahte, la radio rend inévitable qu'on la surveille de très près ; qu'en sera-t-il si d'imprévisibles perfectionne~ents livrent J?lus complètement encore la conscience des individus et des collectivités à l'agression psychologique ? Nous ne prétendons pas q?e la solution défensive suppose l'intégrale nattonalisation de la presse sous toutes ses ~ormes ; ce serait aller de Charybde en Scylla... Il importe du moins de comprendre qu'en ce domaine comme en tous les autres la sauvegarde de la liberté - ou de ce qui en reste - suppose ~es disciplines sociales dont on ne saurait étudier les modalités avec trop de soin et de hâte. LÉON EMBRY.
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==