Le Contrat Social - anno V - n. 4 - lug.-ago. 1961

LE SYSTÈME CONCENTRATIONNAIRE SOVIÉTIQUE par Paul Barron APRÈS la mort de Staline, les camps de concentration soviétiques livrèrent leur secret au monde non communiste pendant quelque trois ans. De nombreux étrangers retrouvèrent la liberté et la plupart d'entre eux furent même rapatriés. On apprit ainsi que le système du travail forcé était profondément ébranlé par les effets d'une situation démographique alarmante qui rendait désormais impossibles les déportations massives, par la crise d'autorité due à la disparition de Staline et par les grèves et mouvements insurrectionnels qui déferlaient sur les camps depuis la fin de 1952. Les rescapés apportaient, d'autre part, des renseignements sur des mesures visant à limiter la mortalité parmi les bagnards, à rationaliser leur travail et à décongestionner les camps par la réduction des effectifs et la modification des régimes de détention. Mais le rapatriement des ressortissants des pays_ non communistes s'étant à peu près achevé en 1956, alors que le processus de transformation battait son plein, on savait peu de chose de son déroulement ultérieur. Les hommes au pouvoir profitent des circonstances pour tirer gloire des réformes gui leur ont été imposées et par la situation objecttve et par la révolte de leurs victimes. Dans les déclarations officielles, les changements survenus sont présentés de plus en plus tendancieusement. Cependant on assiste de temps à autre à des événements révélateurs. Bien plus, un manuel à l'usage des facultés de droit, Le Droit soviétique du travail correctif, parut à Moscou en 1960 sous la direction du professeur B. S. Outevski, qui depuis plus de trente ans fait autorité en la matière (aucun livre de ce genre n'avait été publié depuis 1936). L'ouvrage fourmille, certes, Biblioteca Gino Bianco d'euphémismes et d'affirmations gratuites; de nombreuses questions épineuses sont traitées dans un langage délibérément obscur, ou même passées sous silence. Mais c'est tout de même une source abondante de renseignements pour quiconque connaît les camps soviétiques et la langue ésotérique des habitués de cette institution. Les détenus LE NOMBRE des détenus des camps de concentration a fortement diminué depuis 1953. Les témoignages de la plupart des rapatriés ne laissent subsister à ce propos aucun doute. Il n'est pas possible d'évaluer, même approximativement, l'importance de cette diminution. Certains « complexes » concentrationnaires perdirent la majorité de leurs pensionnaires. Dans d'autres, le processus prit des proportions bien plus modestes. Il en est également où les effectifs ne cessèrent de grossir jusqu'au départ des derniers étrangers. Là même, d'ailleurs, où la décroissance fut le plus spectaculaire, elle ne fut pas due qu'à la libération des prisonniers : les transfèrements dans d'autres établissements pénitentiaires jouèrent un rôle non négligeable. De nombreux faits signalés par les rapatriés portent à croire qu'on procéda, en même temps qu'à la réduction des effectifs, à l'acheminement d'une partie de ceux-ci vers des camps situés plus à l'Est. Des Ukrainiens impliqués en 1952 dans les troubles de Karaganda furent transférés à Norilsk. Un certain nombre de ceux qui prirent part au soulèvement de Norilsk, au printemps de l'année suivante, furent envoyés à Taïchet, où l'on vit arriver également des grévistes de Vor-

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