Le Contrat Social - anno V - n. 1 - gennaio 1961

L. EMBRY En tant que volonté de puissance et recherche du prestige, l'impérialisme paya largement, mais on est moins affirmatif aujourd'hui pour ce qui est d~ ses a~antages matériels. Si les empires coloru~ux ~vaient conditionné la prospérité des pays d Occident, la perte de l'Inde par les Anglais de l'Indonésie par les Hollandais, du Congo pa; l,es Belg_es,aurai~ dû déterminer des catastrophes economiques qui ne se sont pas produites. Il n'est donc pas impossible que l'Empire ait été dans une certaine mesure un somptueux costume d'apparat plus qu'une nécessité vitale. Resterait maintenant à se demander si les peuples entraînés dans l'orbite de la politique anglaise n'eurent qu'à se louer de cet honneur .. Il est déplorablement aisé d'inscrire au passif des maîtres d'iniques spoliations, des brutalités, des maladresses insignes et stupides à l'égard d'antiques civilisations qui méritaient le respect; tout cela devait se payer un jour et on le compre~d bien. ~'Empire britannique n'en a pas moins provoque dans le monde une sorte d'énorme ventilation. Ceux-là mêmes qui ont rejeté sa tutelle ou son joug au prix de luttes ardentes n'ont pas toujours renié leur dette envers lui, et il est significatif de constater que l'Inde nouvelle demeure associée au Commonwealth. Grande sagesse et juste conscience des étapes de l'histoire. IL EST UTILE de jeter un coup d'œil sur l'histoire récente de la colonisation française ; elle corrobore d'autant mieux certains traits généraux qu'il convient ici de tenir compte de la différence des situations et des tempéraments nationaux. Le petit livre d'Henri Brunschwig sur les Mythes et réalités de l'impérialisme colonial français n'apporte pas, à tout prendre, beaucoup de faits nouveaux, mais il a le mérite, qui n'est pas mince, de saper certains préjugés et de multiplier d'une manière suggestive les points d'interrogation. Pendant les deux premiers tiers du x1xe siècle, les entreprises coloniales de la France sont remarquablement incohérentes et ne comptent que fort peu dans sa vie nationale. L'initiative la plus lourde de conséquences, la prise d'Alger, découla comme on sait d'un calcul de politique intérieure et se proposait avant tout de redorer le blason de la monarchie. Ce but ne fut pas atteint, et Louis-Philippe s'estima plutôt embarrassé de recevoir en héritage une possession dont il ne voyait pas l'intérêt ; ce fut très lentement et par l'action de l'engrenage militaire que la conquête s'étendit. D'autres initiatives, qu'elles aient été sordides comme l'expédition du Mexique, ou très nobles comme les explorations de Savorgnan de Brazza, demeurèrent pour l'immense majorité des Français des accidents marginaux. Aller chercher outre-mer des connaissances nouvelles, des terres à défricher, des occasions de trafiquer, des grades ou des fonctions, ne relevait Bibliqteca Gino Bianco 15 à peu près que de l'humeur individuelle ou des spéculations de très petits groupes. Tout va changer à partir de 1880 et l'on rend auj0urd'hui pleine justice à ce parti colonial français dont les représentants les plus éminents furent Jules Ferry et Eugène Etienne, dont l'action sur l'opinion publique et plus encore sur les milieux parlementaires s'avéra considérable. Nous nous bornerons à distinguer en sa propagande deux étapes, ou deux arguments. Coloniser fut d'abord présenté comme un devoir ou une mission, comme un apanage des grandes puissances et un moyen de tenir son rang sur la scène du monde. Ces thèmes oratoires furent d'autant mieux entendus qu'ils s'adressaient à un peuple mal consolé de ses défaites, soulevé par la vague_nationaliste et chauvine qui déferlait sur l'Occident, heureux de s'engager sur le continent africain en une glorieuse compétition, en un match excitant, contre l'Angleterre, alors hostile et jalousée. Réservé à d'autres oreilles, l'argument économique n'entra décisivement en ligne de compte qu'après l'adoption en 1892 du tarif Méline et le ralliement de la France à fa. politique protectionniste. On enregistrait ainsi une résurgence du pacte colonial, étendu aux dimensions d'un empire encore à demi virtuel. Peut-on dénombrer et classer les fruits du système ? S'il ne s'agit que de sa teneur radioactive, de la manière dont il contribue à verser l'héroïsme au cœur des citoyens, nul doute que son efficacité ait été considérable. On a trop répété que les Français n'avaient pas le sens colonial; la vérité est qu'ils l'acquirent à partir du moment où il s'accorda au goût des aventures, aux fanfares patriotiques, aux défilés militaires et au besoin de revanche. La création sur une grande échelle des troupes coloniales à recrutement indigène fut d'ailleurs une des techniques d'encadrement et d'assimilation les plus efficaces ; on ne pense pas sans un profond malaise au rôle qu'elles vinrent jouer sur les champs de bataille de l'Europe pendant les deux guerres mondiales, mais ces holocaustes eurent peut-être l'avantage de contribuer à rompre certaines barrières ? En tout cas ces aspects très colorés de la colonisation moderne comptèrent pour. la France autant que pour l'Angleterre· des jingoes. Les différences entre les métropoles et les méthodes s'accusent davantage si l'on porte le regard sur les structures administratives imposées aux peuples vassaux. La logique française ne désarme pas et s'applique, il est vrai, à un empire relativement homogène ; partout on commence par des gouvernements militaires d'un type uniforme qui ne cèdent la place que lentement et partiellement à des gouvernements civils. Les exceptions sont plus apparentes que réelles, la distinction entre colonie et protectorat est souvent bien peu marquée en dehors de certaines formes protocolaires. Que l'Algérie soit théoriquement l'ensemble de trois départements français ne

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==