Le Contrat Social - anno V - n. 1 - gennaio 1961

14 anglo-saxonne, nul ne s'~n,étonnera. Çepend:m~, le racisme étant assez generalement reprouve, t1 faudra bien tenir compte partout, plus ou mo~s, de l'impulsion donnée, multiplie~ l~s compromis, s'acheminer vers cet extraordinaire complexe impérial qui, au début du :xxe s~ècle, donne~a l'impression d'être une constructton à la fois vaste, solide et souple où cohabitent des centaines de millions d'hommes qui n'ont en commun que la loi d~ l'allégean~e à la C?uronne. Le livre d'Alfred Zimmern, vieux maintenant de trente ans, mais écrit précisément alors que le système connaissait son apogée, demeure une vue saisissante de cette gigantesque réussite. Certes, elle n'a pas survécu à la seconde guerre mondiale, mais la question est de savoir si l'on peut s'en féliciter sans réserves, si la formule du Commonwealth évolutif et plastique n'offrait pas .à la liberté des peuples et à la paix internationale de meilleures chances que celles de l'unification monolithique ou du retour au stade du nationalisme fanatique. Tandis que s'amorçait ainsi une politique dont nous sommes bien placés pour voir les aboutissements, la guerre de l'opium et le traité de Nankin entraient eux aussi dans l'histoire; là encore les conséquences furent incalculables. Voilà qu'était inaugurée la colonisation de la Chine, mais une colonisation sans occupation territoriale ou presque, une colonisation qui tablait sur l'ouverture de crédits, la faiblesse d'un débiteur insolvable, la possibilité de se faire accorder droit de contrôle sur ses douanes et ses principaux ports, de lui imposer une véritable suzeraineté commerciale. L'aventure débute par un prétexte assez ignoble, elle suscitera par la suite bien des rapines, elle sera souillée par l'exploitation éhontée, dans les concessions portuaires, de la main-d'œuvre chinoise; elle n'en est pas moins le prototype d'une méthode qui a pris en notre temps une extension universelle. Il est vraiment piquant d'entendre proclamer la nécessité d'une décolonisation radicale alors que partout fonctionne le système féodal de la recommandation économique traduite par des conventions financières, commerciales, techniques, dont le nombre ne cesse d'augmenter. Le moins qu'il en faille conclure, c'est que la méthode anglaise de pénétration en Chine exigeait d'être amendée, non d'être maudite. Les années 40 sont encore en Angleterre celles du libre_-échan~isme,~u ~ibéralisme classique et bourgeois ; de 1 humarutarisme protestant prêché p~ ~es~ey, puis par ~ilberforce ; de la lutte, qui s ach~ve, contre la traite des nègres. A condit1~n de n y pas regarder de trop près, les entrepnses coloniales, d'ailleurs médiocrement importantes, peuvent s'insérer dans un ensemble dont l'idéalisme .brit~q_ue ne rougit pas. De même que nos samt-stmoruens, les manchestériens sont conv~cu~ que tout progrès_,du commerce prépare 1 abaissement des frontteres et l'union des peuples, Cette quiétude va bientôt être secouée Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL par des événements pathétiques. En 1857, c'est la révolte des Cipayes, puis des Mahrates; si elle incite les libéraux à prendre conscience des lourdes fautes commises par la Compagnie, elle entraîne l'intervention dans l'Inde d'une année nombreuse et la promotion de ce pays· au rang d'une immense province directement gouvernée de Londres. Or, dès qu'on installe sur un territoire des cadres d'officiers et de fonctionnaires, la métropole se sent beaucoup plus étroitement liée à sa colonie ; le sentiment national s'échauffe et la raison approuve parce qu'elle escompte une organisation meilleure et plus juste, la colonisation cessant d'être une affaire semi-privée, une forme du mercantilisme. A peine dépassée la crise indienne, le monde entier s'émut au spectacle de la guerre de Sécession; pour la première fois peut-être, des Blancs faisaient la guerre à d'autres Blancs - et même à des compatriotes - afin d'émanciper des esclaves nègres. Quels que fussent les dessous d'un conflit très complexe, il y avait là quelque chose de grand. Il y avait aussi duel acharné entre deux conceptions de la liberté et du droit, l'une, celle des sudistes, se prétendant patriarcale, traditionnelle, et décentralisatrice, l'autre, qui finalement l'emporta, faisant un pas vers une sorte de jacobinisme unitaire et égalitaire. Dans la mesure où l'on pouvait penser que le Nord avait colonisé le Sud, on était habilité à conclure que c'était pour le bien de l'humanité, que la justice supposait l'unité légale. Ce n'étaient là que prodromes. Après I 870 s'opère très rapidement la fusion d'une doctrine coloniale devenue populaire avec le sentiment national et impérial. Les faits sont très connus, il suffit de les rappeler : prédication de Seely, de Froude, de Charles Dilke, puis, avec beaucoup plus d'éclat, de Kipling ; avènement de Disraeli, couronnement de Victoria à Delhi en tant qu'impératrice des Indes, conquête de la moitié de l'Afrique, succès de !'unionisme de Chamberlain à la fin du siècle. On était bien ~oin du laisser-faire manchestérien. L'impérialisme prenait des allures d'épopée, il ne dédaignait pas les effets grandioses de théâtre, chers à l'imagination de Disraeli. Naturellement il coûtait cher, puisqu'il impliquait la maîtrise de la mer et l'entretien d'armées lointaines, mais les statistiques électorales suffi.sent à montrer qu'il n'y avait rien là qui pût le faire désavouer par les masses, le mineur ou le docker se grisant d'orgueil' national et de jingoïsme autant ou plus que les marchands de la Cité. L'homme blanc, c'est-à-dire l'Anglo-Saxon, assumait allégrement son fardeau et se sentait le devoir de civiliser la planète. Qui pourrait apprécier clairement, objectivement, les résultats de vingt ou trente ans d'efforts prodigieux ? Il faudrait commencer par scinder le problème et par se demander quel bénéfice enr<?gistra la ..nouvelle Rome qui po~ssait ses soldats et ses marchands sur tous les continents.

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