Le Contrat Social - anno IV - n. 5 - settembre 1960

P. BARTON rapports sociaux les plus élémentaires qu'aucune catégorie sociologique ne s'y applique plus sans modification. De même, le tableau se simplifierait considérablement si, pour expliquer les succès de l' appareil, on pouvait « prendre en considération la tradition de servilité envers l'autorité centrale héritée du passé russe» (p. 451). Rien ne dément plus catégoriquement pareille interprétation que les archives de Smolensk. Contentons-nous d' évoquer l'observation d'un ouvrier de Roslavl, citée dans le rapport de police du 27 mars 1931 : « ••• Les gens ont été amenés à une passivité presque complète; quoi qu'on leur fasse, ils ne· réagissent plus ; naguère, un homme arrêté était encadré par deux miliciens ; à présent, un seul milicien peut emmener des groupes entiers de gens et ceux-ci marchent calmement, personne ne prend la fuite» (p. 248). En fait, le comportement des diverses forces sociales, leur résistance aussi bien que leur passivité, est déterminé davantage par l'expérience soviétique que par un passé plus ou moins lointain. Et rien ne peut s'expliquer sans la terrible saignée que le peuple russe n'a cessé de subir depuis 1914. A notre avis, l'absence même de toute forme organisée de résistance à l'entreprise bolchévique (pp. 448-451) provient, dans une large mesure, de la débilité du corps social qui résulte de cette hémorragie permanente. Or - complication supplémentaire - l'expansion économique rapide, qui constitue un des principaux éléments dans la lutte livrée par le pouvoir à la communauté, tend à la longue à reconstituer certaines forces sociales que le pouvoir s'efforce de broyer. Mais, ici encore, l'évolution suit une voie extrêmement sinueuse. L'appareil n'échappe pas davantage à la transformation. De nombreux documents illustrent l'aggravation constante des pressions exercées à Bibroeca Gino Bianco 311 partir du centre et la refonte subie aux échelons inférieurs, tantôt insensiblement, tantôt comme sous l'effet d'un cataclysme soudain. Il ne s'agit pas là d'un simple perfectionnement, mais bien d'une véritable métamorphose. En effet, l'auteur fait très pertinemment remarquer que, durant les années 20, les imperfections mêmes de l'appareil, en particulier les nombreuses « déviations » dans les directives, servirent le régime en le rendant moins intolérable (p. 450). On peut constater un autre processus : à travers purges et remaniements successifs, l'appareil acquiert de plus en plus un caractère impersonnel : quiconque y trouve sa place risque. aussitôt de la perdre. Les satrapies quasi indépendantes qui tendent toujours à se constituer ne peuvent prospérer qu'aussi longtemps que le centre les tolère; dès que celui-ci décide que leur heure a sonné, la force qu'elles représentent, parfois impressionnante de prime abord, se révèle absolument dérisoire (pp. 83-89). Enfin, un troisième processus se déroule simultanément : l'appareil proprement dit s'entoure d'un nombre grandissant d'éléments de toutes provenances qui se sont suffisamment compromis à ses côtés pour se trouver séparés de la société réelle. Nous n'irons pas jusqu'à considérer avec l'auteur qu'ils ont des vested interests dans le maintien du régime établi (pp. 452-454). Le soutien qu'ils lui apportent, aussi profitables que soient leurs positions, n'est pas sans réserve, tant s'en faut. Mais, à moins de convulsions sociales majeures, ces réserves ont d'autant moins de poids que l'appareil devient davantage impersonnel. Et l'on ne saurait trop souligner l'effet négatif de ce processus : les nombreuses promotions individuelles qu'il implique constituent un facteur important de désintégration pour la société réelle. PAUL BARTON.

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