300 éteint dans les esprits. La foi n'est plus qu'u~e routine indifférente, qu'on observe on ne sait pourquoi, et qui ne subsiste que parce qu'on n'y fait pas attention. Alors s'élève l'esprit d'examen. Étonnés de leur docile attachement à des formules qu'ils ne comprennent point, entourés a:un. l?euple qui partage leur ignorance et leur creduhte, quelques hommes se demandent si l'on doit croire sans motif et trouvant au fond de leur conscience une , , c.· 1 invincible répugnance à une 101 aveug e, commencent à regarder de près à la v~rité du_do~e qui règne sans se donner la peine de Justifier de ses droits. Ce n'est point là un acte d'hostilité, mais de bon sens. Ceux en qui s'est dév~loppé cet_espr~t de recherche, y cèdent comme a un besoin raisonnable. Ils ne songent ni à détruire le dogme, ni à changer les idées du peuple ; ils ne songent qu'à trouver dans la doctrine consacrée quelque chose de vrai, qui légitime leur foi passée, réponde à leur bonne volonté présente, et fonde pour l'avenir leur attachement à ses maximes sur une conviction éclairée. Mais le dogme ne leur offre point ce qu'ils cherchent, car il s'est corrompu en traversant tant de siècles. Établi par la vérité qui était en lui, cette vérité est restée pure tan~ que la Iut,te engagée pour lui donner le pouvoir a ~ubs1ste; mais après, la faveur est tombée, et le triomphe a produit l'apathie; la paress~ h~ma~e l'a en':eloppé de formules dont la memo1re s est chargee, et qui ont dispensé l'intelligence de comprendre; l'oubli du sens a permis la corruption des formes ; l'ignorance et l'intérêt, après les avoir dénaturées, les ont interprétées : en sorte qu'aujourd'hui cette doctrine, jadis pleine de vérité et de vie, ne présente plus à la bonne _foi du sceptici_sme naissant qu'un assemblage informe de v1e~x symboles mutilés à travers lesquels le sens primitif ne perce plus et de maximes despotiques ou superstitieuses ajoutées par l'ambition du pouvoir ou l'abrutissement du peuple. Mille erreurs, mille absurdités palpables, des mensonges intéressés et d'odieuses pratiques, frappent donc les yeux des premiers qui examinen~; et comme ils sont d'une nature morale et raisonnable, ils cessent de croire ce qui est faux, ils cessent de respecter ce qui est méprisable. Dès lors une foi nouvelle s'élève dans leur esprit sur les débris de l'ancienne. Cette foi n'a rien de positif, elle n'est que la ~é~ation de la _foi reçue, la croyance que cette f01n est pas fondee ; mais cette conviction est vive, parce qu'elle est inattendue ; elle est vive parce qu'elle est le réveil de l'intelligence humaine après des siècles d'engourdissement, et que la vérité toujours belle par elle-même, passioru:ieceux qui la sentent pour la première fois ; elle est vive enfin parce qu'on sent qu'elle renferme une révolution. Aussi, dans l'émotion d'une découverte si Biblioteca Gino Bianco PAGES OUBLIÉES imprévue, les premiers sceptiques ne peuvent retenir le cri qui la signale au monde. Il ne leur appartient pas d'avoir cette prudence ou cette hypocrisie qui enfouit la vérité ; elle s'apprend dans l'orage des révolutions, quand on a connu la puissance d'une idée, et que les é~hafauds ont enseigné les dangers de la franchise _; elle n'est point de leur époque, p~rce qu'avat?-tl'expérience la nature va son chemin. Sans prevoyance, sans intention, sans calcul, ce qu'ils ont trouvé ils l'annoncent; ils osent dire que le dogme régnant est faux, et, remettant en circulation des mots qui n'avaient pas été employés d~puis des siècles, ils attestent le bon sens et la raison. Dès lors toute la société est ébranlée, et une lutte terrible s'engage. Éveillé par la voix de ses prophètes nouveaux, le peuple endor~i da~s l'indiff~rence prête l'oreille et s'aperçoit qu'il ne croyait pas ou du moins qu'il croyait sans savoir pourquoi ; le doute s'élève en lui, car il ne peut se refuser au bon sens ; 1nais ce doute ne se précise pas d'abord dans son esprit, et n'y pénètre que lentement et à son insu. Tandis que sa raison le détache du dogme e~ que l'amour de la nouveauté l'attire au scepticisme, quelque chose de plus fort le retient, l'habitude et la vénération pour le passé. Loin d'incliner au changement il y résiste, et c'est malgré lui qu'il est saisi par le scepticisme ; et, l?endant 9ue ce!te lutte inté~ rieure se passe, il reste immobile, comme s1 des idées ne suffisaient pas pour rompre son indifférence au mouvement et au repos, et semble attendre que les intérêts viennent passionner les doctrines, pour comprendre ce dont il s'agit et se déclarer pour un parti. Il n'en est J?asde même des hommes qui gouvernent au nom de la foi ancienne et qui en vivent. Ces hommes qui, dans la paix d'une longue domination, ont oublié les t~Y~U:' ~ui la fondèrent et perdu de vue la poss1b1lite d un changement, sortent à leur tour de l'assoupissement commun, menacés, mais surpris et désarmés, car la sécurité les a amollis. Ils ont aussi perdu le sens de leurs dogmes, ils ne savent pourquoi ni comment ils sont vrais. Ces formules si commodes à leur paresse, si dociles et si souples à leur ambition, à présent que la raison les interroge, mutilées par eux, privées de sens, réduites à de vains mots, les trahissent au jour du danger, et restent muettes entre_leurs mains. A la vérité qui les presse, ils ne savent opposer ·que l'usage, l'autorité, la foi; ou plutôt ils ne songent plus à répondre, et dédaignent toute raison. Maîtres de la puissance matérielle qu'ils. regardent comme leur propriété, fiers de leur vieille suprématie qu'ils pensent inébranlable, ils méprisent leurs adversaires, et sont plus irrités de leur audace qu'effrayés de leur pouvoir. Ils n'admettent point la discussion avec eux ; ils les tuent. Ils n'éclairent pas le peuple sur la vérité de leurs dogmes, ils menacent de mort quiconque les abandonnera. Telle est
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