Le Contrat Social - anno IV - n. 5 - settembre 1960

R.L. WALKER 1959 dans une collection intitulée Chansons populaires de Hungqi, on n'en dira jamais assez : Le président Mao est infiniment bon. Dix mille chants ne suffisent pas à le louer. Avec les arbres pour plume, le ciel pour papier Et un océan d'encre, Il en resterait encore beaucoup à dire. Quelques réalités IL EST certes difficile de porter un jugement sur l'image synthétique de Mao présentée aujourd'hui officiellement à la Chine et au monde. Mais ceux à . qui l'exemple de Staline est familier ne seraient pas surpris d'apprendre qu'en réalité Mao offre peu de ressemblance avec le personnage qu'a notamment mis en relief la récente campagne consacrée à la vie personnelle du chef et à sa popularité. Plusieurs sources peuvent aider à découvrir la réalité. Tout d'abord, les observations de ses anciens compagnons et des réfugiés de Chine communiste qui ont vu Mao à l'œuvre, et parmi ces observations les témoignages d'un Tchang Kouo-tao, ancien membre du Politburo que nous avons interviewé personnellement, et d'un Tchou Tching-wen, ancien secrétaire général adjoint de la Ligue démocratique de Chine, un des partis politiques mineurs représentés au gouvernement dit de coalition installé par les communistes à leur arrivée au pouvoir. Le livre de 588 pages de Tchou, Dix ans de violente temp2te, publié en 1959 à Hong-kong, fit un certain bruit dans les milieux britanniques lisant le chinois. Il relatait les contacts personnels de l'auteur avec Mao et d'autres dirigeants communistes pendant les sept premières années du régime. Une deuxième source d'informations est constituée par les visiteurs et les correspondants de presse, comme ceux qui accompagnèrent Clement Attlee en 1955. Une autre par les photographies que la propagande destine au monde extérieur. Elles montrent par exemple un Mao qui devient chauve et paraît beaucoup plus vieux que sur les portraits à usage liturgique. Il y a enfin les critiques formulées par ceux qui ont été dénoncés ou purgés. Il faut y inclure les remarques de personnes comme Hou Feng, dont les lettres privées ont été publiées par le Quotidien du peuple au cours d'une campagne nationale dirigée contre lui en 1955. Ainsi que celles qui furent formulées pendant la période des « Cent Fleurs», en 1957, par certains « droitiers » et qui valurent. des condamnations à leurs auteurs. D'autres indications sur la vraie nature de Mao sont plus indirectes et doivent être maniées avec prudence. Comme ce fut le cas pour Staline, l'intensité même de l'effort déployé sur certains points par la propagande peut indiquer que c'est le contraire qui est vrai. Cela s'appliquerait par exemple au Mao soi-disant humble et facilement accessible. Il y a aussi les propres écrits du personnage. Ils attestent des connaissances beaucoup Bibliote·ca Gino Bianco 265 plus limitées et une approche intellectuelle des problèmes plus réduite que ne le prétend le chœur des louanges. Il se pourrait même que seule une grande agilité d'esprit puisse prétendre trouver dans ces écrits plus de profondeur que l'auteur n'en a mis. Dans une dépêche du 23 juillet 1957 concernant le « droitier »Yen Wen-tchieh qui avait parlé pendant la période des « Cent Fleurs », l'agence Chine nouvelle rapportait : Au sujet de l'interprétation des articles écrits par -le chef [Mao Tsé-toung], il déclara avec malice : « On dirait qu'un article suffit à résoudre tous les problèmes et les théories du travail dans le monde. On dirait qu'il n'existe aujourd'hui d'autre science que cet article • Je ne sais vraiment pas pourquoi cela est nécessaire. Si des écrits doivent être expliqués de nombreuses façons avant de pouvoir être compris, nous pouvons fort bien nous en passer. » Enfin, il y a l'arrière-fond historique et la nature des choses propre à la Chine. C'est ainsi que le culte de Mao lui-même utilise, avec les mêmes exagérations, sensiblement le même langage qui servait autrefois, dans la Chine ·confucéenne, à faire des empereurs des parangons de vertu et les premiers érudits de leur temps. Le journaliste japonais Kinno, écrivant dans le Maïnichi de Tokyo (4 décembre 1959) après un voyage de quarante-cinq jours en Chine, notait le parallèle : « Son portrait est pour ainsi dire un "portrait impérial" en Chine communiste.» QUELLE SORTE de personnage est le vrai Mao Tsé-toung, le Mao qui se révèle à travers ces sources non officielles ? Celles-ci s'accordent à le présenter comme un chef aux capacités réelles, plein de résolution, doué de souplesse. Bien qu'il se soit montré remarquablement opportuniste dans la poursuite du pouvoir, ses anciens compagnons et ceux qui l'ont observé de près mettent en garde contre sa rigidité dans la détermination d'édifier et de consolider son pouvoir personnel et celui du Parti. Tchang Kouo-tao déclare que Mao comprend le pouvoir mieux que la théorie et qu'il s'est révélé un « machinateur chinois calculateur et pratique». Sa puissance n'a cessé de croître_depuis que ses troupes déguenillées, à bout de forces, atteignirent à la fin de 1935 la province du Chen-si, après « la Longue Marche ». La suprématie que lui vaut en Chine sa position de chef du plus grand parti communiste du monde (13.960.000 membres lors du dixième anniversaire du régime) est incontestée. Un quart de siècle d'accroissement de son pouvoir et de succès à plier les masses chinoises à sa volonté a convaincu Mao que ses vues sont pratiquement des vérités universelles. Ses anciens camarades ont noté qu'à mesure que sa puissance augmentait dans le Yenan, il devenait de plus en plus dictatorial, insistait davantage sur une

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