Le Contrat Social - anno IV - n. 4 - luglio 1960

QUELQUES LIVRES Noirs contre les Blancs. Revenant plus tard sur le principe abolitionniste que la Convention avait fini par entériner sous la pression des 'événements, Bonaparte dira encore plus simplement : « Je suis pour les Blancs, parce que je suis blanc. » Au point de départ, en effet, deux catégories de problèmes qui sont à l'origine du cours des événements se trouvent intriquées : d'une part, ceux qui résultent de la soumission des intérêts économiques de la colonie à ceux de la métropole, selon la doctrine classique; d'autre part, ceux qui résultent de la hiérarchie sociale qui se confond avec la hiérarchie raciale à l'intérieur de l'ile. La première revendication tendant à l'éman-. cipation externe est portée par les colons bl~cs qui n'hésitent pas à forcer l'entrée des Etats généraux, auxquels ils n'avaient pas été invités, mais par là déchaînent imprudemment, d'abord la revendication politique des mulâtres, puis la revendication sociale des Noirs. Les deux sortes de problèmes, en principe distincts, finiront par trouver une solution commune. Césaire découvre ici l'application d'un schéma de révolution permanente, application qui, dans son esprit, autorise évidemment des parallèles. L'exemple dominicain l'amène enfin à reconnaître implicitement, malgré son açlmiration pour Lénine, que l'impérialisme colonial, au lieu de constituer la dernière étape du capitalisme pourrait en être la première : les problèmes de décolonisation, que nous croyons nouveaux, sont en réalité fort anciens. Sur le rôle attribué à Toussaint, nous ferons une réserve : il ne résulte pas avec une entière évidence, du récit des événements, que son but final ait dépassé l'abolition de l'esclavage et la consolidation de ce résultat, puisqu'il n'a jamais prononcé le mot d' «indépendance» (p. 259). Plein de vie et d'idées, le travail historique de Césaire répond certainement à l'arrière-pensée de donner à réfléchir sur les problèmes présents. Il y réussit, sans supprimer pour autant l'ambiguïté. A. P. Y a-t-il un idéalisme matérialiste ? PHILIPPE MEYNIER : moderne. Paris-Limoges Lamothe, 105 pp. Essai sur l'idéalisme 1957, Guillemot de DANS QUELLE MESURE le matérialisme marxiste pourrait-il être considéré philosophiquement, avec plusieurs autres doctrines ou attitudes contemporaines, comme une variété de l' « idéalisme »? Le bien-fondé de l'appellation dépend évidemment d'une refonte des définitions. Celle que suggère M. Meynier est particulièrement ingénieuse et beaucoup moins gratuite qu'elle ne le paraît au premier abord. On sait que Lénine, dans Matérialisme et empiriocriticisme, a défini le matérialisme et Biblioteca Gino Bianco 253 l'idéalisme philosophique en termes de théorie de la connaissance : serait « idéaliste » la doctrine qui admet la subordination de l'être au connaître, « matérialiste » celle qui admet la subordination inverse. Il nous souvient qu'à l'époque de la première publication de la .traduction française du livre de Lénine, un éminent philosophe nous avait affirmé que le matérialisme au sens léniniste ne pouvait être que la doctrine de saint Thomas d'Aquin ... En effet, la théorie de l'indépendance de l'être par rapport au connaître se nomme plus classiquement « réalisme » que «matérialisme ». Le matérialisme classique est bien entendu réaliste, mais il peut exister aussi un réalisme spiritualiste comme celui de l' Ange de !'École, et même celui de Descartes. Pour être spiritualiste, c'est-à-dire pour admettre l'indépendance, relative ou absolue, de l'esprit par rapport à la matière, on n'est pas forcément idéaliste au sens de Lénine : on ne nie pas pour autant l'existence de la matière en dehors de l'esprit. Pour Lénine, le type de l'idéalisme philosophique est constitué p~ la doctrine de Berkeley avec le fameux esse estpercipi. C'est sans doute l'appellation d' « immatérialisme», que l'évêque de Cloyne donnait aussi à sa conception, qui est à la source de la confusion, en même temps qu'une équivoque logique sur les contraires et les contradictoires. Marx, contrairement à ce que supposent aujourd'hui ceux qui se disent « marxistes-léninistes », ne s'est jamais soucié de Berkeley. Au terme des Notes sur Feuerbach, c'est en termes d'action et non de connaissance qu'il pose le problème, soutenant que les philosophes n'ont fait jusqu'ici qu'interpréter le monde, tandis qu'il s'agit maintenant de le changer. C'est effectivement en fonction du problème de l'action (ou comme le disait Marx, parlant grec, de la praxis) que M. Meynier suggère une définition de l'idéalisme qui permettrait de concevoir sans contradiction logique un « idéalisme matérialiste » aussi bien qu'un idéalisme spiritualiste. Serait idéaliste la doctrine admettant la primauté du devoir-être sur l'être ou de l'exigence sur le fait, quel que soit le contenu spirituel ou matériel de l'exigence en question. On voit alors que la source philosophique d'un idéalisme de cette sorte, se présentant d'abord sous la forme spiritualiste, se trouverait chez Kant beaucoup plus que chez Berkeley : ce serait le célèbre primat de la raison pratique sur la raison théorique dont le philosophe n'a cependant pas-tiré lui-même les ultimes conséquences, laissant ce soin à ses successeurs. Il est manifeste, en tout cas, que la doctrine de Fichte est tout entière animée par cette sorte d'idéalisme pratique : la subordination de l'être à la pensée, du non-moi au moi, est présentée dans cette philosophie comme une tâche pratique infinie, commandée par l'exigence de la loi morale, beaucoup plus que comme la solution d'un problème théorique. Et c'est sans doute en pensant

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