Le Contrat Social - anno IV - n. 4 - luglio 1960

rev11e ltistorÎtJUeet critique Jes faits et Jes iJées Juillet 1960 Vol. IV, N° 4 KHROUCHTCHEV RÉVISIONNISTE par B. Souvarine LÉ RÉVISIONNISME est à l'ordre du jour dans le monde communiste. Le mot et la chose datent de la fin du dernier siècle, quand Édouard Bernstein mit en question certaines notions tenues pour intangibles par les zélateurs d'un marxisme dogmatique, soi-disant « orthodoxe ». Parmi ces derniers, le jeune Lénine définissait le révisionnisme comme « un courant hostile au marxisme à l'intérieur du marxisme », ce qui implique une c?ntr,_adiction~_s. les termes et n'a aucun sens. Lw-menie avait ecr1t en 1899, l'année même où parut l'ouvrage de Bernstein : « Nous ne considérons nullement la théorie de Marx comme quelque chose de parfait et d'inattaquable ; au contraire, nous sommes pers~adés qu'elle a donné seulement les bases de la science que les socialistes doivent nécessairement parfaire dans tous les sens s'ils ne veulent pas rester en retard sur la vie (...) Les socialistes russes ont particulièrement besoin d'interpréter de façon mdépendante la théorie de Marx, car elle ne donne que des directives générales... » Le révisionnisme n'est rien d'autre que l'interprétation indépendante pr~conisée par Lénine ~vant. que celw-ci ne versat dans l' « orthodoxie » intolérante. Bernstein se réclamait à juste titre de·Marx et d'Engels en se refusant « à regarder le marxisme comme une doctrine immuable ou définitive», selon son expression équivalente à celle de Lénin~. Son essai de révision ne prétendait pas aboutir à des conclusions achevées. Il professait avec W. Sombart « que le progrès de la science sociale n'est pas dans la réfutation, mais dans l'assimilation et le développement des conséquenc~s de l'œuvre scientifique de Marx, que cette contmuation ne saurait être menée à bien si l'on ne fait pas d'abord l'inventaire critique de la théorie ». Faute de quoi la théorie devient un « credo Biblioteca Gino Bianco sectaire» et ne s'adapte plus « aux conditions économiques et politiques modifiées ». Et B~rnstein de rappeler que Marx et Engels « ont vivement combattu l'idée d'une vérité définitive ». On ne peut pas dire, observait-il déjà en 1899, « qu'actuellement la misère, la servitude, la déchéance s'accroissent dans les pays avancés». La victoire du socialisme, selon lui, ne dépend pas « de sa nécessité économique immanente », d'une base « purement matérielle », car à côté des forces objectives, il y a des forces subjectives, il y a « l'élément conscient, volontaire, intentionné de l'action humaine ». Marx et Engels, qui avaient méconnu cela dans leurs premiers écrits, ont donné au matérialisme historique une forme plus « mûrie et élaborée » vers la fin de leur vie. Le marxisme n'est pas un système figé; il s'agit, non de le vénérer, mais de savoir si telle ou telle hypothèse est exacte ou non. Si la « réalité des choses» fait revivre Proudhon et d'autres socialistes considérés comme surannés par les marxistes orthodoxes, c'est qu'ils avaient émis des « idées viables» que la polémique ne peut anéantir 1 • Les idées viables du révisionnisme, précisément, .ont résisté à l'épreuve du demi-siècle éc.oulémieux que les principes ·rigides de l'orthodoxie. De .bonne foi, cela n'est plus contestable. Lénine en personne, incarnation du volontarisme révolutionnaire, a justifié sur .ce point essentiel les vues de Bernstein. L'évolution historique depuis les célèbres controverses du congrès de Hanovre confirme le bien-fondé des critiques taxées alors d'hérésie. De nos jours, nul ne soutiendra sérieusement la théorie de la paupérisation absolue ni celle des crises cycliques, par exemple. 1. Éd. Bernstein : Socialisme théorique et socialdémocratie pratique. Paris, 38 éd. 1 1912.

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