178 éléments de saniorité ? Et faut-il faire le compte des vertus de l'élu, des électeurs, ou de tous à la fois ? Pendant six siècles au moins les canonistes se sont à chaque fois employés à dénombrer les éléments constituant la saniorité d'un vote majoritaire : zèle, mérite, expérience, sagesse, piété, douceur, etc. Cet «examen». était le scrutinium (de scrutare : étudier, fouiller, procéder à une enquête) et c'est ce moment précis du processus électoral qui a donné son nom à l'ensemble. Mais que pèse l'autorité, et que «vaut le zèle» ? Et laquelle de tant de vertus l'emporte sur les autres ? On alla parfois jusqu'à recourir... au scrutin pour en décider... C'était compliquer les choses outre mesure. Cette collatio, ce «collationnement », était la source d'innombrables disputes et de gros incidents dont l'inconvénient le plus grave était d'ouvrir les portes, d'ordinaire très jalousement fermées, des couvents et des abbayes aux interventions de Rome. C'est ainsi qu'on en _vintpetit à petit à inscrire le nombre parmi les éléments ou les présomptions de saniorité. Mais au début, fût-il avéré que l'un des religieux avait emporté le plus grand nombre de voix - ubi numerus numerum in multum excedebat, et même en cas d'unanimité, - il fallait procéder à la comparaison raisonnée et systéBiblioteca Gino Bianco DÉBATS ET RECHERCHES matique des vertus des candidats. Les disputes n'en étaient que plus vives. C'est pourquoi le XIIIe siècle, de guerre lasse, finira par adopter le principe majoritaire pur et simple. En 124 7, le pape Innocent IV repousse la thèse que la seule auctoritas morale ou spirituelle puisse triompher d'une majorité considérable, numerus multo excedens. Puis, un peu plus tard, nous trouvons l'affirmation : « Maior pars semper praesumitur haberebonum zelum », le nombre est toujours une présomption, juris et de jure, de zèle, c'est-à-dire de saniorité; et c'est à la minorité opposante à faire la preuve - raisonnable, rationabiliter - du contraire. Mais en principe, per plures melius veritas inquiritur, la vérité ayant plus de chances d'être découverte dans l'avis ~ de plusieurs personnes, qu'on s'en tienne donc à la loi du nombre, semper stabitur maiori parti (1261), et à elle seule, dira le pape Boniface VIII (1294-1303) : « Solum numeri ad numerum fiat collatio. » L'adoption par le concile de Trente du scrutin secret obligé mettra d'ailleurs fin à toutes les controverses. On le voit : nous sommes loin des excès de l'esprit majoritaire du siècle dernier, source assurée de totalitarisme. LÉO MOULIN. ,
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