Le Contrat Social - anno IV - n. 3 - maggio 1960

-136 Résistance brisée LES ÉCRIVAINeSt autres intellectuels dont le refus de s'aligner continue de hanter les dirigeants communistes semblent avoir fait les concessions que la plupart d'entre eux jugeaient sages ou inévitables. Le 25 septembre 1959, l'Association des écrivains hongrois, dissoute après la répression soviétique, fut réorganisée. Son comité élu « à l'unanimité » fut pourvu, comme on devait s'y attendre, d'une écrasante majorité d' apparatchiki littéraires. On a obtenu de la plupart des écrivains de renom qu'ils adressent un télégramme de félicitations à défaut d'assister à la réunion. Dans la littérature, trois tendances ont donné des soucis particuliers au régime qui n'a pas ménagé ses efforts pour les combattre. Il s'est efforcé de rallier par la menace ou la cajolerie les écrivains «populistes » ; d'enterrer ou de mettre la main sur l'héritage des « urbanistes » ou gauche non communiste ; enfin de discrédite: les « révisionnistes ,>, soit en les bannissant de la vie culturelle, soit en les obligeant à faire leur « autocritique » de manière assez humiliante pour ruiner leur prestige 13 • En raison de l'atmosphère générale d'apathie, ces efforts ont été . '' . . , Jusqu a un certam pomt couronnes de succès. Un acte symbolique à ce point de vue fut la ':isite à Moscou de ~a.szloNemeth, auteur« populiste . » de _talent, y1site au cours de laquelle il rendit plusieurs fois hommage à la culture soviétique._ Le ~égime monte en épingle ces manifestation~ _damende ho~orable. En même temps, le quotidien commumste Nepszava, autrefois porte-parole du parti social-démocrate a lancé un suppléme~t littérair~ intitulé Szep 'Szo (« le Monde magrufique »), titre que portait avant la guerre un périodique publié par les « urbanistes » notamment le poète Attila J ozsef, mort depuis. ' ~epen1ant nombreux sont les « révisionnistes » qui connnuent de garder le silence. Il est difficile de savoir s'ils ont été mis à l'index ou s'ils font la « ~ève des bras croisés »; dans certains cas ~u moms, c'est A leur fermeté d'âme qui les empeche de reparaitre sur la scène littéraire comme en convint Kadar au congrès du Parti : ' Il existe encore quelques écrivains - mais ils ne sont plus qu'une poignée - qui ont manqué jusqu'à présent 13. <c Hungarian Intellectuals under Fire » in Problems of Communism, Washington, mai-juin 1959. ' Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL de courage moral pour regarder en face leurs erreun p~ssées et se sont ainsi exclus de la littérature hongroise vivante et sainement progressiste (sic). L' ASPEC1: le plus triste de l'antirévisionnisme es~ l'emprisonnement prolongé d'éminents écrivams, savants .et journalistes, ainsi que de nombreux Hon~ois anonymes, surtout des étudiants et des ouvriers. Pendant la dernière moitié de 1959, des b~u.it~persist~ts c_oururent à l'étranger sur ~es exe~ut~ons q~i avaient eu lieu ou qui devaient avoir lieu ; huit au moins de ces rumeurs se sont rév~lées_~xactes. Tant que le système a~el ,de sec~ite restera en vigueur, il sera v~ d_en estu:!ler le nombre. Une journaliste bntannique, qui heurta ses lecteurs par certaines remarques favorables au régime Kadar, écrivait à ce propos : La « légalité socialiste» ne m'a pas aidée à obtenir une réponse à deux s~ples. questions que j'ai posées à tous les hauts fo~ct10nna1res communistes que j'ai rencontrés : « Combien de personnes ont été exécutées depuis 1956? Combien de détenus politiques sont encore en prison? 14 » , Ces _actes de vengean~e et la pratique de la r~pressio!-1semblent avoir motivé le rapport de Sir Leslie Munro sur la Hongrie sur la base duquel les Nations unies ont con~é une fois de _plus les gouvernements soviétique et hongrois pour leur refus de coopérer à la mise en œuvre de ~a Çh:trt~. Des remarques désobligeantes auraie11:ette f~ites à cette occasion par des citoyens ho~grois, qui « en ont assez des résolutions ». ~ais, la pl_upart d'entre eux auraient aussitôt aJoute : « Bien entendu, une résolution vaut tout de même mieux que rien.» 1 Enve~s le régime en tout cas, l'état d'esprit des Hon~oi~ restera pr~bableme~t !e même : mélange 1~ ~el?ns et de hame _temperes par l'apathie et 11ndifference - à moins que la répression ne cède !a place à u~ ~ffort .s~ncère pour pacifier - la natJ.on. Une amrustie poliuque ne suffirait pas à cet égard mais serait probablement de bon augure. (Traduit de l'anglais) PAUL !GNOTUS. 14. Nora Beloff : « Kadar's Hungary », in The Observer, 20 déc. 1959.

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