Le Contrat Social - anno IV - n. 3 - maggio 1960

P. IGNOTUS Parti le 1er décembre par un discours d'homme d'État, modéré et « coexistentialiste », dans lequel il trouva un mot aimable pour tous les dirigeants occidentaux, à l'exception du chancelier Adenauer. Mais le lendemain, parlant de façon moins officielle aux ouvriers de l'usine M.A.V.A.G., il se laissa aller à son penchant pour les déclarations inattendues et révéla qu'à l'époque du soulèvement hongrois l'opinion au Kremlin avait été divisée quant à l'opportunité de l'intervention. On s'en était toujours douté, mais l'aveu fut une surprise et l'on se demande ce qui a pu pousser Khroutchtchev à le faire. L'apologie de l'intervention soviétique qu'il avança fut en tout cas malavisée si elle prétendait gagner l'opi:.. nion hongroise : Camarades, à l'époque de la révolution de 1848, quand le peuple hongrois luttait pour sa libération nationale contre l'armée de l'empereur d'Autriche François-Joseph, le tsar russe Nicolas Jer n'hésita pas un instant à intervenir dans les affaires intérieures du peuple hongrois. Voyant que le trône de FrançoisJoseph était ébranlé, il envoya son armée pour écraser la révolution ... Comment nous, travailleurs de l'Union soviétique, dont les troupes étaient stationnées sur votre sol en vertu du pacte de Varsovie, aurions-nous pu tolérer l'anéantissement du pouvoir populaire 9 ? Tout ce qu'il ajouta au sujet du caractère fasciste et impérialiste de la « contre-révolution » hongroise ne fut qu'une répétition de slogans; mais par son parallèle impromptu entre 1956 et l'intervention de 1848-49, il apportait de l'eau au moulin de la « propagande de bouche à oreille » qui avait toujours laissé entendre que les impérialismes tsariste et bolchévique ne différaient pas de manière substantielle. La ligne de demain LE CONGRÈcSausa une grande déception à ceux qui avaient espéré l'annonce du retrait des troupes soviétiques. Kadar déclara qu'il n'en était pas question pour le moment et que les << troupes soviétiques resteraient en Hongrie tant que la situation internationale l'exigera » : la pilule fut amère. On apprenait en même temps que, même après l'évacuation, le système actuel d'administration, avec ses forces de sécurité renforcées et réorganisées, demeurerait inchangé 10 • Plus révélateur encore de la future ligne politique fut le discours du vice-premier ministre Kallai, « premier idéologue » de Hongrie. Tout en s'abstenant soigneusement d'attaquer les grandes puissances non communistes, il se montra dur à l'égard de l'Association des écrivains hongrois et du Cercle Petœfi à qui il reprocha leur responsabilité dans le déclenchement de la 9. Nepszabadsag, 3 déc. 1959. 10. Discours de Kadar du 30 nov., ibid., 1er déc. 1959. Biblioteca Gino Bianco 13S « contre-révolution » de 1956. Il se félicita de la coexistence pacifique, mais ajouta : · Pendant la période de coexistence pacifique, nous devons renforcer la lutte contre toute manifestation de l'idéologie bourgeoise ... Nous devons nous débarrasser de la pensée révisionniste de toutes les façons ... L'art et la littérature doivent s'imprégner de l'esprit de P ·11 aru ... L'essence de la politique adoptée au VIIe Congrès et appliquée depuis lors peut se résumer ainsi : courtoisie envers les étrangers, ménagement du vieux fonds conservateur traditionnel, mais intolérance implacable envers toute tendance à libéraliser le communisme dans le pays et lutte contre les intellectuels « révisionnistes » tenus pour responsables de ces tendances dans le passé. Nouveaux palliatifs LA RÉACTIONde la population aux récents développements est faite de mépris et de haine pour le régime; mais aussi d'apathie mêlée, autant que possible, d'un esprit d'insouciance. Beaucoup essaient de mettre de l'argent de côté pour faire l'acquisition d'une automobile ou d'un poste de télévision, articles de luxe encore mais moins inacessibles qu'auparavant. Posséder sa voiture était récemment un privilège qui nécessitait une autorisation ; l'extension de ce droit a représenté une concession de la part du gouvernement - ou, dans le jargon officiel, une bataille gagnée dans la « lutte contre le dogmatisme ». Autre concession (ou bataille gagnée) de cet ordre : on a cessé de persécuter ceux qui fréquentent l'église. Cependant, aucun accord de fond n'a jusqu'à présent été conclu entre l'État et l'Église catholique et le fait que le cardinal Mindszenty, ennemi juré du communisme, continue à jouir de l'hospitalité de la légation des États-Unis à Budapest ne peut manquer de rappeler aux dirigeants du Parti comme aux fidèles l'existence du fossé qui sépare toujours le Kremlin du Vatican. Néanmoins la propagande antireligieuse a été nettement mise en sourdine. L'archevêque Grosz et plusieurs autres prélats ont été décorés pour « services rendus à la paix ». Et les « prêtres de ~apaix» proprement dits, malgré leur position dans le clergé, paraissent assez disposés à faire du prosélytisme pour le compte de ce dernier ; du moins ont-ils déclaré à des journalistes occidentaux que les « églises étaient bondées » 12 • II. Blet es Irodalom, hebdomadaire de la nouvelle Association des écrivains hongrois, 4 déc. 1959. 12. Voir The Observer, 20 déc. 1959. Les « prêtres de la paix » constituent un groupe relativement peu nombreux d'ecclésiastiques qui, depuis le début des années 50, soutiennent activement le régime. Leur désobéissance au Vatican en 1957 les fit excommunier l'année suivante; ils continuent néanmoins à exercer leur ministère avec le soutien du régime, bien que le reste du clergé ne les reconnaisse pas.

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