QUELQUES Le « péril jaune » W. STARLINGER : Derrière la Russie, la Chine. Préface d'Ursula Starlinger. Paris 1958, Éditions Spes, 156 pp. CE LIVRE fait suite à Limites de la puissance soviétique, du même auteur, dont il a été rendu compte dans notre n° 3 de juillet 1957. 11 traite entièrement d'un thème qui n'était qu'amorcé dans l'ouvrage précédent : l'antagonisme virtuel entre l'Union soviétique et la Chine communiste supposé par le défunt Dr Starlinger pour des raisons d'ordre «biologique» et l'inéluctable conflit qui doit dresser les deux grands Etats communistes l'un contre l'autre : « Un jour, l'armée chinoise composée non plus de cent mille cavaliers, mais des réserves d'un peuple d'un milliard d'âmes, se mettra en marche ... » (p. 28). La théorie du médecin allemand improvisé géopoliticien connaît une singulière fortune, bien que ses écrits soient très peu répandus. Elle est devenue un lieu commun pour toutes sortes de _politiciens et publicistes qui n'ont pas étudié la question mais font les esprits forts à bon compte, sans indiquer leur source. Sa diffusion tient essentiellement au fait que le Dr Starlinger, retour de sa détention soviétique, avait converti le chancelier Adenauer à sa thèse inconsistante et aléatoire. Récemment encore, dans une interview avec le président de l' United Press, M. Adenauer _déclarait : « On n'a noté que trop rarement que l'URSS a un voisin on ne peut plus désagréa~le, la Chine communist~, qui exerce des pressions sur elle par le seul fait qu'elle existe» (journaux du 15 j11in 1959). En réalité, les spéculations publiques sur un antagonisme soviéto-chinois imaginaire sont de· plus en plus fréquentes, encore qu'aussi peu fondées que possible jusqu'à présent. Le }ivre ~e W: Star- ·linger reste donc le seul expose systemattque à prendre en considération. Ce n'est cependant qu'un ·fragment, car l'ouvrage entier aurait au moins mille pages et la Biblioteca Gino Bianco • LIVRES veuve de l'auteur a cru devoir le scinder en quatre volumes dont trois sont encore à paraître. Mais autant que les deux livres parus laissent en juger, l'argumentation ne s'enrichit pas avec le nombre des pages et les digressions se succèdent sans renforcer la thèse principale, que l'on peut examiner sans plus attendre. W. Starlinger se fait un point d'honneur « d'être cité aux côtés des deux représentants de la famille Haushof er, Karl et Albrecht » et se pique de « bio-géopolitique ». Cependant il fait grand cas de racontars et de commérages qui n'ont aucun rapport avec aucune science : nous l'avions noté dans un ·premier compte rendu (pp. 205-206 de notre n° de juillet 1957). Il continue en étayant sa démonstration de banalités journalistiques négligeables, étrangères à toute connaissance sérieuse. Et sa veuve, dans la préface, prétend que le « complexe chinois » de Starlinger « a trouvé dans les événements, avec une rapidité qui aurait étonné l'auteur lui-même, de telles confirmations que je n'ai pas osé prendre sur moi d'en priver plus longtemps le public ». Ces confirmations, ce sont les canards de la presse vulgaire sur les dissensions entre Moscou et Pékin, les querelles entre Mao et Khrouchtchev, inventées de toutes pièces. « En Russie, on n'a pas oublié ce qui s'est passé avant et après Liegnitz. Partout, la résurrection ·de la Chine y projette une ombre », écrit W.· Starlinger pour qui « les dirigeants· de l'Union soviétique n'ignorent nullement ces problèmes » (la menace d'un milliard de Chinois). Or il est le seul à prêter aux dirigeants soviétiques ses propres cogitations, outre les perroquets français, américains ou autres qui le répètent sans réfléchir. Et quand Khrouchtchev entend ses visiteurs occidentaux le mettre en garde contre le péril jaÛne, il a visiblement du mal à ne pas leur rire au nez, devant tant de solliëitude. . ·. « L'ascension politique et militaire de la Chine au rang de troisième puissance mondiale [ ?] ne s'est réalisée ni avec l'accord, ni grâce à une. aide capitale des Soviets », poursuit (p. 30) le savant docteur. « Elle a surpris la Russie qui
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==