Le Contrat Social - anno III - n. 4 - luglio 1959

208 Staline ne pouvait admettre un interrogatoire normal qui eût tourné nécessairement à sa confusion. (Cf. lettre du 26 mars I 946 au Chief Justice Sir Geoffrey Lawrence, International Military Tribunal,· Nuremberg, signée par plus de cent intellectuels américains et britanniques ; et lettre au même, signée de onze personnalités, H. G. Wells en tête.) · Les dessous de la machination policière où Bénès s'est laissé prendre apparaissent dans le récit d'un obscur espion allemand indigne de confiance en principe mais qui, lu avec précaution et en connaissance de la matière, laisse deviner quelque chose. Publié dans Die Neue Zeitung du 2 octobre 1948, ce récit ayant pour titre : « Verhangnisvolles Zusammenspiel : Rote Armee und Reichswehr » et signé du nom de plume Horst Falkenhagen a servi de source à toutes sortes de développements fantaisistes dans la presse tapageuse., encore qu'il ne contienne aucun document., aucune preuve ou présomption ou référence vérifiable. On dégagera ici le schéma de cette version., sans s'attarder aux considérations à côté qui l'entourent à des fins journalistiques. LA COLLABORATION mi]itaire germano-soviétique, après l'accord de Rapallo, n'a jamais été un mystère. 11 a pu en rester des traces écrites., des lettres signées d'officiers généraux, parfaitement licites, mais cependant aucune documentation de cet ordre n'est encore reproduite. Toujours est-il qu'Heydrich, un des chefs de la Gestapo., aurait demandé à. l'amiral Canaris, chef de l'Abwehr, communication de tels papiers avec spécimens d'écritures et de signatures., ainsi que des faussaires habiles en ces matières. Canaris, sachant que quatre agents du Guépéou se trouvaient au quartier général de la Gestapo à Berlin., flaira une scabreuse affaire et refusa son concours. Heydrich réussit pourtant à se procurer les papiers de la Reichswehr qu'il voulait. Après l'exécution de Toukhatchevski, rendue publique., Heydrich se vanta devant Canaris d'avoir décapité l'Armée rouge en forgeant de faux documents compromettants pour Toukhatchevski et autres., puis en les faisant tenir à Staline par l'intermédiaire du service des renseignements de l'armée tchèque. L'idée de ce mauvais ·coup serait de Hitler lui-même. Si l'histoire est plus ou moins vraie, il en ressort clairement : I, que Toukhatchevski et ses cam~rades étaient innocents ; 2, . que le service de renseignements tchèque « de réputation méritée » (Léon Blum dixit) avait à sa tête des nullités ; 3, que Bénès ne comprenait rien à rien ; 4, que Churchill s'est abaissé à calomnier -des innocents, par complaisance envers Staline, tout en corrigeant ses calomnies par une note mettant le Guépéou en cause, donc son chef Staline. LB CONTRAT SOCIAL 11va de soi que si Staline avait besoin de faux pour son dossiier vide contre Toykhatchevski, il a pu se servir de ceux de la Gestapo forgés avec l'aide d'agents du Guépéou (le nom de Toukhàtchevski étant toujours ici la personnification des milliers d'officiers exécutés). Quant à l'origine de la machination attribuée à Hitler, elle ne semble pas douteuse : seul Staline avait intérêt à tuer les n:;,iJitaires, conformément à son plan d'extermination des principaux cadres de l'État soviétique formés sous Lénine. Un autre dessein hantait le cerveau malade de Staline, celui de s'entendre à tout prix avec Hitler : il lui fallait donc supprimer tous les obstacles, et par conséquent toute la « vieille garde » communiste que Churchill n'a pas rougi de qualifier pro-allemande par antiphrase. Dans le New Leader du 25 décembre 194g, Melvin Lasky a commenté l'aberration de Churchill en termes par trop modérés, mais justes : « Ainsi Churchill accepte assez naïvement la version Bénès, ce qui est une erreur du politicien et une faute de l'historien. » La note sur le rôle du Guépéou est « particulièrement obtuse », la vraie question qui se pose étant : « Pourquoi le Guépéou a-t-il passé des renseignements à la police tchèque ? » Tout le morceau du livre de Churchill sur les crimes de Staline s'avère « extravagant et naïf au point de vue politique, dépourvu d'esprit critique et d'information historiquement parlant, et au moral une sorte de scandale». Le récit signé Falkenhagen se retrouve, plus étendu, dans un livre publié en français en 1950 : Le Front secret, par Walter Hagen. D'après The Economist du 28 avril 1956., l'auteur serait · un certain Wilhelm Hoettl qui rapporterait une histoire racontée par un certain général Behrens, exécuté comme criminel de guerre en Yougoslavie en 1946. Ni l'un ni l'autre nazi ne mérite d'être cru sur parole, mais il faut relever dans le chapitre sur Toukhatchevski les détails ajoutés à la version allemande déjà connue. Heydrich, selon ce W. Hagen, eut connaissance « d'un soi-disant plan de Toukhatchevski pour prendre' le pouvoir en Russie» transmis par le général Skobline, agent secret du Guépéou ainsi que sa femme, la chanteuse N. Plévitskaïa (il s'agirait donc en ce cas de politique intérieure russe, non de trahison, d'espionnage ni de guerre). Heydrich en fit part à Hitler et il fut décidé d'employer les services de Skobline pour faire passer Toukhatchevski comme traître au moyen de pièces compromettantes. Behrens se chargea de la partje technique, réussit à << cambrioler un poste d'archives de la Wehrmacht» afin d'avoir des modèles à copier, utilisa des agents du Guépéou pour faire les faux : « Behrens alla jusqu'à prétendre qu'en somme Heydrich n'avait même pas été le ,véritable promoteur de l'entreprise de falsification -contre Toukhatchevski, mais que c'était au contraire le service secret ~oviétique

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