204 ni de contre-révolutionnaires, ni de fascisme, d'espionnage ou de terrorisme. Il s'agit seulement de divergences politiques. Khrouchtchev se tient prudemment dans des généralités, il évite de tr?p préciser (du moins dans la version dont on dispose), mais la signification du discours est très clairement un désaveu des tueries de-l'avant-guerre, donc des calomnies qui ont servi à les motiver. Il disculpe les milliers d'innocents torturés et fusillés après le XVIIe congrès. du Parti (1934) qui« ne furent jamais ni des ennemis du peuple, ni des espions, ni des saboteurs, mais toujours d'honnêtes communistes», notamment 98 membres du Comité central et 1. 108 délégués au dit congrès, fusillés en tant que contre-révolutionnaires, « accusations folles et contraires au bon sens». Or Toukhatchevski et les principaux chefs de l'armée figuraient parmi ces congressistes et ces membres du Comité central que Khrouchtchev « réhabilite » en bloc. Déjà, il ne reste rien des «accusations folles » portées contre eux. Mais Khrouchtchev revient sur les trotskistes et sur « l'opposition trotskistezinoviéviste » pour demander s'ils constituaient un danger à partir de 1927. Sa réponse est négative, «le trotskisme avait été complètement désarmé », «il n'existait aucune base pour la terreur de masse». Cela veut dire que les trotskistes et les zinoviévistes ont été fusillés à tort, et par conséquent aussi les militaires que Staline avait amalgamés aux pseudo-trotskistes-zinoviévistes. A plus forte raison sont inexcusables les tortures à mort infligées à des stalinistes de toujours, dit-il en citant d'horrifiants exemples. «De 1954 à nos jours, le collège militaire de la Cour suprême a réhabilité 7.679 personnes» dont Khrouchtchev ne donne que quelques noms, avant ses premières allusions à l'armée où des «arrestations en masse (...) ont fait un mal énorme à notre pays ». 11 se décide enfin, après un terrible réquisitoire contre Staline en tant que chef de guerre, à aborder comme suit le sujet des répressions dans l'armée : Des conséquences très graves, surtout dans les premiers jours de la guerre, résultèrent de l'élimination par Staline de nombreux chefs militaires et de fonctionnaires politiques entre 1937 et 1941. Pendant ces années, la répression fut instituée contre certaines parties des cadres militaires, commençant à l'échelon des commandants de compagnies et de bataillons et allant jusqu'aux plus hautes sphères militaires. Durant cette époque les chefs qui avaient acquis une expérience militaire en Espagne et en Extrême-Orient furent presque tous liquidés. Cette politique de vaste répression contre les cadres militaires eut également pour résultat de saper la discipline, parce que durant de nombreuses années on avait appris aux officiers de tous grades et même aux soldats, dans le Parti et les cellules des jeunesses communistes, à « démasquer » leurs supérieurs en tant qu'ennemis cachés-. -(-Mouvements dans la salle.) Il est naturel que ceci ait eu une influence négative sur l'état de la discipline militaire dans la première période de la guerre. Biblioteca Gino Bianco LB CONTRAT SOCIAL Et comme vous le savez, nous avions avant la guerre d'excellents cadres militaires qui, sans le moindre doute, étaient loyaux au Parti et à la patrie. Qu'il suffise de dire que ceux d'entre eux qui survécurent aux sévères tortures auxquelles ils furent soumis dans les prisons se sont comportés dès les premiers jours de la guerre comme de véritable~ patriotes et combattirent héroïquement pour la gloire de la patrie. Je pense ici aux éamarades Rokossovski, qui, ainsi que vous le savez, a été emprisonné ; Marostkov, délégué au présent congrès ; Podlas, excellent commandant qui tomba sur le front, et à -tous les autres. Cependant de nombreux commandants périrent dans les camps et les prisons, et l'armée ne les revit jamais plus. Bien que ce texte ne désigne pas nommément Toukhatchevski, Poutna, Primakov, Iakir, Gamarnik, Eideman et leurs compagnons d'armes, il est impossible de le comprendre autrement que comme une disculpation, encore impersonnelle ,, pour des raisons politiques, mais préparant des réhabilitations explicites. On ignore d'ailleurs si les militaires en question ne sont pas au nombre des 7.679 personnes déjà «réhabilitées » au moment où parlait Khrouchtchev, chiffre qui a dû s'accroître entre temps. Mais on n'ignore pas qu'aussitôt après le xxe Congrès, plusieurs des plus éminents parmi les chefs militaires disparus ont été réintégrés dans· l'honorabilité soviéto-communiste · par le moyen oblique en usage sous le régime sta11nien : la mention inopinée, dans une publication officielle (il n'y en a pas d'autres), d'un nom interdit jusqu'à la veille de cette mention faite sous un prétexte quelconque. La solidarité qui unissait dans l'opprobre et dans la mort les victimes innocentes doit logiquement les 11nirdans la dignité posthume. Après Antonov-Ovséienko, ancien chef de la Direction politique de l'armée,« réhabilité» au xxe Congrès, c'est son successeur Ian Gamarnik, commissaire adjoint à la Guerre, que la revue Questionsd'Histoire (n° 2, Moscou, février 1956) réhabilite, ce même Gamarnik « traître et lâche, qui redoutait de se présenter devant le tribunal du peuple soviétique », selon Vorochilov (voir plus p.aut). Il serait inconcevable qu'un des principaux accusés d'une soi-disant conspiration . . . . , terronste soit reconnu tnJustement soupçonne sans que ses co-inculpés ni plus ni moins coupables bénéficient du même traitement. Mais le fascicule suivant des Questionsd'Histoire (n° 3, mars 1956) accorde à Gamarnik plusieurs compagnons de réhabilitation dans la personne des maréchaux Egorov et Blücher, exécutés après avoir fait partie du tribunal ayant condamné Toukhatchevski, et les autres (en réalité, cela n'a existé que sur le papier), de Boubnov, ancien chef de la Direction politique de l'armée, tout comme Antonov-Ovséienko et Gamarnik, et d'Ounchlikht, ex-vice-président du Conseil rév~lutionnaire de· guerre. Peu après, Dybenko, autre spectre du tribunal fantôme, sera réhabilité de la même manière.
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