CHANGEMENTS DANS LES SYNDICATS SOVIÉTIQUES par Paul Barton A POSITION des syndicats en URSS se trouve forcément modifiée par les efforts que le pouvoir soviétique déploie depuis quelques années pour remettre en ordre les relations industrielles. Le professeur Alexandrov attribue même aux changements concernant les syndicats la première place dans l'évolution actuelle : Relativement au droit ouvrier, le nouveau développement de la démocratie soviétique a trouvé son expression la plus frappante dans deux tendances : 1, nouvelle extension des droits conférés aux syndicats de contrôler la protection du travail et l'observation de la législation ouvrière et de faire participer les travailleurs à la direction de la production ; 2, liquidation de certaines règles introduites en conséquence de la guerre et qui s'éloignaient du principe contractuel dans l'organisation des rapports de travail, lequel consiste dans le caractère inconditionnellement volontaire de l'embauchage, la liberté de changer d'emploi et la résiliation du contrat sur demande de l'ouvrier ou employé 1 . Mais la réalité n'est pas si simple et transparente. Le gouvernement se garde bien de renverser les tendances fondamentales de sa propre politique du travail, tout en cherchant à en contrarier les effets les plus néfastes. En conséquence, les changements concernant directement les ouvriers sont contradictoires 2 • Leurs incidences sur l' organisation professionnelle n'en sont que plus complexes. La sclérose de celle-ci, qui pouvait présenter des avantages appréciables pendant la période d'immobilisme, devient un frein lorsqu'il s'agit de légiférer, de s'attaquer à la routine, de rétablir les structures affaissées. Or cette sclérose est due précisément aux tendances que la politique officielle ne veut pas abandonner. 1. N. Alexandrov : " Le droit sovi~tique ouvrier à l'~pe actuelle 11, Sotliali1titche1ki Troud, 1958, n° S, 2. Cf. nos articles • La l~gislation du travail en URSS 11, et " Les rapports de travail en URSS », le Contrat social, 1958, not s et 6. Biblioteca Gino Bianco Il est, en effet, frappant que, lors même qu'on cherche à aménager les rapports de travail disloqués, il n'est jamais question de libérer les syndicats de leur obligation de soutenir avant tout les intérêts de la production. D'aucuns crurent assister à l'amorce de pareil revirement lorsque Khrouchtchev déclara au XXe Congrès, en février 1956 : En général, il faut dire que les syndicats ont cessé de discuter avec les dirigeants de l'économie et qu'ils font excellent ménage avec eux. Et cependant, dans l'intérêt de la cause, il ne faut pas craindre de gâter ces relations ; une bonne discussion est parfois utile 3 • Il n'en fut rien. Les quelques phrases consacrées à l'organisation professionnelle dans le rapport du premier secrétaire au XXIe Congrès ne laissent subsister aucun doute : Les syndicats, qui comptent à présent dans leurs rangs plus de 50 millions d'ouvriers et employés, auront à accomplir un grand travail de mobilisation des masses dans la lutte pour l'exécution du plan septennal (...) Les syndicats doivent développer l'activité de la classe ouvrière et de tous les travailleurs en orientant leurs efforts vers l'exécution et le dépassement des programmes d'État dans chaque entreprise et vers la lutte pour le progrès technique ; ils doivent développer plus largement encore l'émulation socialiste ; soutenir les novateurs, les inventeurs et travailleurs d'avant-garde et propager leur expérience 4 • Nous assistons dès lors à une situation paradoxale. On traite les syndicats de manière à leur faire recouvrer l'estime du salarié, on leur confère même certaines fonctions supplémentaires, mais, simultanément, d'autres leur sont enlevées et sont attribuées à des organismes plus expéditifs. 3. X X Congr s du Parti communiste de l'Union soviétique. Recueil de documents, édité par les Cahiers dl4 Communis,ne, Paris 1956, p. 111. 4. Pravda, 28 janvier 1959.
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