QUBLQUES LIVRES injustices de la chance. Ainsi les quatre catégories paraissent deux à deux complémentaires et l'on pourrait dire, en établissant une sorte de proportion, que dans une société primitive le simulacre est au vertige ce que dans une société civilisée la compétition est à la chance. Une analyse statique mettra en évidence la parenté du vertige et de la chance, du simulacre et de la compétition, une analyse dynamique l'association par voie de complémentarité du simulacre et du vertige d'une part, de la compétition et de la chance d'autre part. Il va de soi que ni le goût du simulacre ni celui du vertige ne sont disparus dans les mœurs contemporaines : Caillois note que l'11niforme a remplacé le masque comme instrument du prestige et sans doute faut-il considérer que certaines techniques d'excitation collective adroitement utilisées à des fins politiques offrent une satisfaction à l'appétit de vertige ou de perdition. La fonction vicariante des anciennes saturnales et des manifestations d'hystérie politique _pseudo-révolutionnaire fait certainement · regretter l'honnête carnaval dont on observe en général le déclin. L'entreprise de tirer d'une étude des jeux des éléments de sociologie générale soulève cependant une importante question que l'on ne peut considérer comme entièrement résolue après la lecture du livre de Caillois. Si les jeux~ par leur nature, peuvent être considérés comme caractéristiques ou révélateurs des états ou niveaux de civilisation, où peut-on tracer la frontière entre les activités de jeu et les autres activités, dites sérieuses, de · la vie ? Quelle est la limite qui sépare les travaux et les jeux ? Le premier chapitre de Caillois qui, de loin, n'est pas le plus important, précédant la classification que nous avons retenue, est consacré à l'examen des caractères formels qui autoriseraient une définition du jeu en général : le jeu est une activité libre, circonscrite dans d'étroites limites de temps et de lieu, incertaine dans son résultat, improductive, soumise à certaines règles ou conventions, accompagnée d'une conscience d'irréalité ou de fiction (p. 23). Il convient de remarquer que seules la liberté de l'entreprise et l'improductivité du résultat permettraient vraiment de séparer les travaux et les jeux puisque l'on peut convenir de considérer comme « fiction » darrs un sens voisin de celui de Mallarmé tout ce que l'activité humaine ajoute à la nature, tandis •que la circonscription dans des limites de temps et de lieu et la soumission à des règles peuvent être regardées comme des propriétés communes aux travaux et aux jeux aussi bien que l'incertitude du résultat qui n'est jamais assuré dans les travaux les plus délicats. Encore est-il que les deux caractères retenus peuvent faire l'obJet de contestations : seuls les travaux traditionnellement rq,utés comme « serviles » ont le caractère d'activité obligatoire ou entièrement imposé du dehors. Caillois lui-même, discutant une suggestion Biblioteca Gino Bia co 55 de Huizinga, fait valoir justement que l'espérance d'un gain matériel n'est pas absente d'une catégorie importante de jeux : les jeux de hasard. A cela il faudrait encore ajouter que lorsque l'espérance d'un gain matériel fait défaut, le souci d'un gain moral ou l'espérance de la gloire intervient largement pour le compenser comme on le voit dans la plupart des compétitions. A moins de définir en termes très étroits la productivité, le caractère d'improductivité que l'on attribue généralement aux jeux peut donc luimême être considéré comme douteux. Il semble donc que, sauf dans les cas extrêmes, les limites du travail et du jeu se laissent beaucoup plus malaisément tracer qu'on ne le supposerait au premier abord. Peut-être faudrait-il considérer une activité comme ludique à partir du moment où elle cesse d'être régie par le principe de l'économie de l'effort en vue d'obtenir un résultat. Bien des activités considérées extérieurement comme travaux deviendraient alors dans leur source des jeux. D'autre part, on constate que de la définition formelle du jeu, il est impossible de tirer la classification des jeux qui lui donne un contenu et qui fait le principal intérêt du livre de Caillois. La question peut encore se poser de savoir si c'est l'évolution générale de la civilisation qui entraîne celle des jeux ou si c'est l'inverse. Mais dans la mesure où les activités de jeu ne se laisseraient que malaisément séparer des autres activités humaines, cette question elle-même ne pourrait avoir qu'un sens très relatif. L~ peu de sens de cette question ou l'absence de nette frontière entre travaux et jeux rendrait compte de la possibilité de tirer des considérations de sociologie générale d'une étude des jeux. Il est remarquable que von Neumann et Morgenstern, étudiant la théorie des jeux stratégiques, aient aussitôt songé à en tirer des applications • à l'économie et à la guerre, activités considérées comme sérieuses par excellence. Le livre de Caillois, riche de suggestions et d'exemples, mérite d'être lu et médité. - AIMÉ PATRI ·Le communisme aux États-Unis IRVINGHoWE et LEWISCosER (avec le concours de JULIUSJACOBSON:) The American Communist Party-A Critical History ( 1919-1957). Boston, Beacon Press, 1958. HIRVING HoWE, critique littéraire, et Lewis Coser, so.ciologue, ont écrit une histoire générale du parti communiste américain de 1919 à 1957. Ils s'intéressent au rôle du Parti dans la vie publique, et pour l'essentiel se reportent à des sources accessibles et contrôlables. Ils n'ont pas recherché les témoignages personnels de commu- • • • • • n1stes, anciens commurustes ou ant1commun1stes et ne se sont pas occupés des activités occultes
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