Le Contrat Social - anno III - n. 1 - gennaio 1959

42 elle n'est qu~ l'activité de l'homme qui poursuit ses objectifs» 10 • Or dans les textes de 1859 comme dans le Capital, l'histoire est réintégrée comme démiurge de la société par l'intermédiaire de l'évolution des forces productives qui en deviennent le symbole matériel autant que l'instrument. Après quoi nombreux ont été les . ' . . . . mal'Xlstes a marner ces mvocattons mystiques à la déesse, redevenue un « personnage particulier », telles que la dialectique de l'Histoire, le sens de 1' Histoire, la condamnation par l'Histoire, le combat de l'Histoire, etc., par quoi revivent en un siècle rationaliste les voies mystérieuses de la Providence, et en définitive ce que Marx avait rejeté dans ses textes antérieurs à 1848. Après cette date, la notion de praxis disparaît en général des écrits économico-philosophiques ; elle subsiste dans la vie militante de Marx, où se manifeste cette éthique révolutionnaire dont M. Rubel a souligné l'importance pour la compréhension de toute l' œuvre. 11 Il suffit de lire la brochure destinée aux syndicats britanniques : Salaires, prix et profits pour saisir la différence entre un prolétariat décrit dans le Capital comme instrument de l'accumulation capitaliste et une classe ouvrière douée d'initiative, existant comme force sociale autonome. Cependant Marx n'y abandonne pas ses thèses déterministes du Capital ; il reste sceptique devant - l'efficacité de l'action syndicale, tout en la jugeant indispensable pour préparer la classe ouvrière à sa mission révolutionnaire. La praxis ne peut se développer que selon les lois abstraites du capitalisme et n'a d'autre fonction que freiner leurs manifestations inéluctables. L'homme fait-il alors sa propre histoire, comme Marx l'écrivait vingt ans auparavant ? On peut en douter puisque l'homme joue, le plus souvent sans le savoir, le rôle d'agent dans une eschatologie où se conjuguent mystérieusement le mouvement spontané des classes sociales et la dialectique interne d~s catégories abstraites de l'économie marxienne. L'inévitable révolution LE SECONDthème de la Préface s'exprime dans une théorie encore plus abstraite de la révolution politique et sociale. La dialectique hégélienne transférée dans la réalité humaine - et même avec Engels dans l'univers physique - est considérée par Marx comme une propriété immanente aux structures et aux forces dont se co·mpose la société. Les rapports de production « déterminés, nécessaires, ind~'pe ,dants de la volonté » (des hommes ), selon la réface, (< de formes de développement des fi es productives qu'ils étaient( ...) en deviennent des entraves. Alors · s'ouvre une époque de révolution sociale ».·.Celle--ci prend" un ·aspect politique et idéologique du fait que l'infrastructure économique déte~e tout l'édifice . . ., . - • · ·10~ La Sainte Famille, éd. Cos.test,ome 2, p. 165. 11. Pages choisies pour une éthique socialiste (1948) et Karl Marx. Essai de biog·raphieintellectuelle (1957). .. ' Biblioteca Gino Bianco ANNIVERSAIRE social ; · et Marx ajoute : « Le changement dans la base économique bouleverse plus ou moins lentement ou rapidement toute l'énorme superstructure. » Ce déterminisme de la révolution, qui écarte' qélibérément tout facteur politique y c.ompris le plus bouleversant de tous, la guerre, n'avait pas été seul à hanter l'esprit de Marx autour des a~ées 48. Après· les commentaires de Charles Andler au Manifeste communiste, on décèle alors au moins deux conceptions de la révolution. 12 · La première, dite de la « révolution en permanence » est politique. Inspirée d'une stratégie blanquiste, elle suppose que la révolution est un processus éducatif et permanent qui aboutit à faire passer le pouvoir des mains de la bourgeoisie dans celles du prolétariat, sans égard à des con4itions économiques préalables. On trouve cette idée esquissée dans le Manifeste, puis longuement traitée dans l' Adresse du conseil central de la Ligue des communistes (mars 1850). Répondant surtout à l'esprit putschiste des communistes allemands et des blanquistes français,• elle est désavouée dès septembre 1850 par Marx qui renie son texte écrit six mois auparavant. En 1905 Trotski devait exhumer cette thèse et Lénine finit par l'appliquer en 1917 quand, par son coup d'État, il affirme transformer la révolution démocratique en « révolution prolétarienne». La seconde conception, appelée parfois thèse « ca~astrophique », situe la révolution au terme de l'évolution capitaliste, quand les forces productives démesurément accrues ne peuvent plus être contenues dans les anciens rapports de production, particulièrement les cadres de la propriété privée. Elle est développée dans le Mani- / este et condensée dans les aphorismes de la Pré/ace. Il est évident que cette vue ne peut expliquer la Révolution française de 1789. Les fo~ces produc~ves industrielles n'existaient qu'à l'état d'embryon dans- la France qu'Arthur Young décrit comme un pays rural surpeuplé mais techniquement arriéré. La propriété demandait à s'épanouir et réclainait la suppression de~ redevan~es féodales, du gaspillage de l'État et · des douanes intérieures. Le moteur économique de la ~évolution n'était pas dans l'excès des forces productives, mais dans leur impuissance à satisfaire les besoins d'une bourgeoisie et d'une classe paysanne en plein essor démographique. Les progrès des sciences de la nature ne s'étaient pas encore traduits dans la réalité industrielle ~omme en Grande-Bretagne, mais ils étaient un stimulant puissant au besoin d'une société plus ouverte et matériellement plus heureuse. La crise économique ·d~ 1789, provoquée par les mauvaises récoltes et la hausse des prix agricoles, ne· ressem.:. bla pas. aux crises cycüque·s du capit~sme indùs~ trie!, bien qu'elle · entraînât sous:..consommation industrielle et chômage dans les manufactures . 12. Cf. M. Collinet : La Tragédie du marxisme, pp. 93 sqq .

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