Le Contrat Social - anno III - n. 1 - gennaio 1959

16 s'avèrent remarquablement sensibles aux coups et aux injures ressentis, en quelque point que ce soit, par le corps social. Ce n'est pas leur identification fictive avec le peuple entier mais leur sensibilité aux problèmes de chacun qui leur donne un caractère démocratique. Un haut degré de sensibilité nè veut pas dire un haut degré de vulnérabilité. Les organes gouvernementaux doivent prendre ""î en considération les émotions ressenties mais ne doivent pas être dirigés ou paralysés par èlles : quel que soit le régime, le langage de la passion sied aussi mal .aux gouvernants que celui de l'impuissance. Je n'ai pas l'intention de parler ici de la prudence, vertu cardinale de la vie politique. Je dois seulement décrire la démocratie. J'insisterai d'abord sur l'idée de «participation » qui joue un rôle important dans la nature de la démocratie ; incidemment, je montrerai qu'elle implique un élément de «discrimination » que nous rejetons ; ensuite je mettrai en lumière l'importance des aspirations vers la «liberté individuelle», aspirations qui ont été associées au recul de la « dis- • • • cnmmatton ». La participation La participation est le concept fondamental de la fameuse formule de Lincoln : Gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple. Notons d'abord que toute autorité de facto que reconnaît le peuple et à laquelle il obéit en règle générale constitue son gouvernement. «Gouvernement du peuple », cela signifie simplement qu'un gouvernement doit se faire reconnaître et obéir ; dans le cas contraire il n'y a pas de gouvernement du peuple - mais c'est qu'alors il n'y a pas de gouvernement du tout. «Gouvernement pour le peuple », cela nous rappelle qu~un gouvernement a le devoir moral de rechercher le bien du peuple quels que soient son régime ou sa forme. Ainsi, la première partie de la formule souligne un trait «nécessaire » sans lequel il n'y a pas de gouvernement digne de ce nom ; la dernière affirme le devoir moral de tout gouvernement. C'est l'expression centrale, << gouvernement par le peuple », qui· retiendra notre attention. « Gouvernement par le peuple », cela implique deux conditions : toutes les décisions sont prises par tous les membres de la communauté assemblés à cette fin ; toutes les décisions sont exécutées par les citoyens qui, }i titre individuel ou collectif, accomplissent le~œux cte 1a communauté. Il n'existe pas de «conseil» qui prennè les décisions auxquelles doit se soumettre la· communauté, en d'autres termes de gouvernement tel que nous le connaissons. Il n'y a pas non plus de corps spécialisés dâns la mise à exécution des décisions, c'est-à-dire d'« organes d'exécution ». La forme d'organisation ·politique où les décisions sont prises et exécutées par les membres de la communauté, c'est le gouvernement par Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL le peuple au sens propre, la démocratie proprement dite. Ce n'est pas une simple chimère. Considérons plutôt comment les choses se passaient à Athènes. La démocratie athénienne A L'APOGÉE · de la démocratie athénienne, il y avait un lieu de réunion, le Pnyx, où pouvaient se tenir 25 à 30.000 personnes, c'est-à-dire l'ensemble des citoyens. Périodiquement (d'abord dix fois par an et jusqu'à quarante fois dans les derniers temps), on hissait le drapeau dès l'aurore pour appeler à l'Assemblée tous les citoyens. Ceux-ci écoutaient les rapports de la Boulè ou Conseil des Cinq Cents, simple comité consultatif. Ensuite chacun pouvait intervenir et la décision était prise par l'Assemblée. Chacun pouvait également émettre une proposition qui n'était cependant pas discutée immédiatement, mais que la Boulè reportait à la prochaine session. S'il le jugeait bon le Conseil émettait un avis favorable ; sinon la proposition n'en était pas moins soumise à la session suivante et le Conseil pouvait seulement exprimer son désaccord par la formule suivante : «Ce que le peuple décidera sera le meilleur. » Les membres du Conseil n'étaient· pas élus . ils étaient tirés au sort sur des listes de candidats proposés par les municipalités, et pour un an seulement. Le Conseil n'avait donc rien d'un parlement; le pouvoir de prendre des décisions législatives ou gouvernementales était réservé à l'Assemblée seule. Athènes n'avait ni ministres ni parlement, mais seulement une Assemblée. Cela implique des hommes politiques. Mais ces derniers n'étaient hi· des professionnels, ni des spécialistes et, pardessus tout, ne constituaient pas un corps. Il ne pouvait donc pas y avoir d' «esprit de corps », de hiérarchie, de cohésion, tels qu'on en voit de nos jours dans le corps gouvernemental. Il n'y avait même pas de pouvoir judiciaire spécialisé : les tribunaux étaient c.onstitués par des · jurés, au nombre de 6.000, tirés au sort chaque année, et subdivisés en sections pour l'accomplissement de leurs tâches. Aristote formule très clairement les règles de la démocratie comme on la comprenait de son temps : les magistrats doivent ·être choisis dans l'ensemble de la population pour. commander tour à tour ; ils doivent tous être tirés au sort ; le~ c~a~g~sn, e, sont c?nfiées que P?ur un temps tres limite a 1exception d'un certam nombre de postes qui requièrent des spécialistes ; personne ne peut être chargé deux fois de·la même fonction, sauf dans des cas très rares ; toutes les décisions doivent être prises par la communauté tout entière; le pouvoir suprême réside dans l'assemblée du peuple et aucun magistra~ n'a liberté d'action si l'intérêt public est en jeu. 1 1. Aristote : Politique, liv. 6, chap. 2, par. 1317 b.

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