Le Contrat Social - anno II - n. 6 - novembre 1958

350 sur les dispositifs de protection dont doivent être munies les machines et les machines-outils, celui du 29 janvier 1926 sur l'entretien des établissements industriels, celui du 21 juillet 1926 sur l'installation, la protection et la conduite des machines et moteurs, celui du 27 février I 926 sur les règles de sécurité des travaux de forge, etc. Pour comprendre ce que valent des textes de ce genre au bout de plus de trente ans, il suffit de se rappeler le prodigieux essor et les multiples bouleversements des procédés techniques que l'industrie a connus - en Russie plus qu'ailleurs - au cours de cette période. Ensuite, la distinction entre les règlements applicables à l'ensemble de l'industrie et ceux qui concernent un domaine particulier s'est estompée. Le Conseil central des syndicats, chargé d'enregistrer ces derniers (pour autant qu'ils sont décidés par les comités fédéraux avec les ministères correspondants), ne les compare pas aux règlements d'ordre plus général, et il n'existe pas de texte délimitant le champ d'action des uns et des autres. La procédure d'élaboration des règles universelles étant beaucoup plus lo11rde, celles-ci tendent davantage à se maintenir même après être tombées en désuétude; aussi u11règlement mis au point pour une seule industrie supplée souvent à leur carence en s'appliquant aussi à des cas tout autres. En fin de compte, degrandesdifférences existent à cet égard entre les industries, l'importance attachée aux questions de sécurité et d'hygiène variant considérablement d'un ministère à l'autre. Dans la pratique, cet état chaotique de la réglementation impose aux entreprises des solutions plus ou moins fantaisistes : faute de prescriptions répondant aux problèmes posés par la technique de production présente, on « interprète largement» des règlements périmés, mais non abrogés, ou l'on applique « par analogie » ceux . qui furent édictés à l'intention d'autres secteurs économiques. 12 La dynamique du chaos CEPENDANlTa désorganisation due à l'incompatibilité de la législation avec les données objectives va encore plus loin. Le chaos peut atteindre un degré où il se transforme en réalité autonome, douée de sa propre logique et de sa propre dynamique intrinsèques, en une force génératrice de cercles vicieux. Ce mécanisme se manifeste en premier lieu par un renversement du rapport de cause à effet : le chaos causé par les prescriptions provoque d'autres prescriptions encore plus étrangères à la nature du travail salarié. Ce qui apparaît notamment quand on examine la législation relative à la « discipline de travail·». 12. Cf. I. Kissélev : « Quelques problèmes de l'aménagement de la législation protectrice du travail», dans Sotsialistitcheski troud, 19s7, n° 3. . Biblioteca Gino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE Cette singulière notion, particulière au droit soviétique, est ainsi définie : L'observation de la discipline de travail et la lutte pour le renforcement de celle-ci ne signifient pas seulement qu'il ne faut pas tolérer de faits scandaleux, tels que l'absence sans motif valable ou le retard dans l'arrivée au travail. Ce qui compte le plus à ce propos est la lutte pour une utilisation hautement productive de la journée de travail tout entière, ainsi que pour la liquidation des arrêts de travail et de toutes sortes de temps perdu, imputables soit aux ouvriers, soit aux cadres dirigeants à tous les échelons : chefs d'équipe, chefs d'atelier, directeurs· d'entreprise. Etre un travailleur discipliné signifie, comme dit le nouveau Règlement intérieur type, remplir consciencieusement ses obligations concernant le travail, observer strictement le règlement de -travail fixé par la loi soviétique, s'efforcer de parvenir à la précision et la bonne exécution du travail, accomplir et dépasser au jour le jour le plan de production, donner l'exemple d'un travail hautement productif. 18 Dans un manuel de droit ouvrier, on trouve une définition encore plus éloquente : · L'obligation d'observer la discipline du travail .n'est , pas juxtaposée aux autres obligations découlant de la · relation de travail, c'est-à-dire de travailler. honnêtement et consciencieusement, de respecter la . durée du travail, de se présenter en temps voulu sur le lieu de travail, de répondre sans délai et avec exactitud·e aux ordres de la direction, etc. L'obligation d'observer la discipline du travail imprègne tous les autres devoirs créés par le rapport juridique relevant .du · droit du travail. lj Il importe de préciser que toutes les obligations mentionnées dans ce dernier texte, et qui doivent être cc imprégnées » par celle d'observer la « dis~ cipline du travail», sont visées par des prescriptions assorties de dispositions pénales sévères. La question se pose donc de savoir quelle peut bien être la fonction de la législation relative à la « discipline du travail». La réponse n'est pas difficile à trouver : il s'agit de permettre à la direction de l'entreprise, ou aux autorités, de poursuivre l'ouvrier lors même qu'il ne néglige aucune de ses obligations précises, mais que son attitude apparaît suspecte à ses supérieurs parce qu'il s'en tient au strict nécessaire et à l'exécution pure et simple des ordres reçus. Or une telle attitude, qui peut parfois confiner au sabotage, est forcément très répandue dans un système où les moindres détails du travail sont réglementés et où l'ouvrier se trouve à chaque instant menacé de peines draconiennes. Cette cc hétérogénéité des règles » est grosse de conséquences. Non seulement les prescriptions deviennent de moins en moins compatibles avec les réalités auxquelles elles s'appliquent, mais en même temps leur nombre ne cesse de croître.-Oïren arrive depuis longtemps à une situa- . 13. G. Podorov : « Le raffermissement de la discipline de travail, impo~tant facteur de la croissance de la production », dans Sotsialistitcheski troud, 1957, n° 5. 14. Lehrbuch des sowjetischen Arbeitsrechts, rédaction de N. G. Alexandrov, trad. allemande, Berlin, 1952, p. 246. •

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