Le Contrat Social - anno II - n. 5 - settembre 1958

LE << PROGRESSISME >> CHRÉTIEN EN FRANCE 1.,ar Léon Etnery NUL N'IGNORE que le marxisme arbore à son grand mât le pavillon de l'athéisme ; il appelle l'homme à se dé-mystifier, à nier tout mystère, à se délivrer d'abord de l'aliénation due aux croyances religieuses. En foi de quoi il fut à cent reprises solennellement condamné par les plus hautes autorités de l'Église. Selon le plus élémentaire bon sens le problème des rapports entre christianisme et communisme devrait donc être tranché une fois pour toutes ; mais c'est l'occasion ou jamais de constater que l'histoire et la psychologie se inoquent de la logique. Que le communisme bénéficie auprès des chrétiens d'étranges complaisances et parfois même de complicités ostensibles, surtout en France, c'est vérité banale. 11 faut tenter d' expliquer une contamination à la fois paradoxale et naturelle ; si nous en parlons exclusivement à propos des catholiques, ce n'est pas que les protestants soient immunisés contre elle, c'est parce que l'exemple de l'Église la plus disciplinée, la plus solidement hiérarchisée vaut a fortiori pour les autres. On ne compte plus les études, souvent remarquables, que des religieux ont consacrées à la philosophie marxiste et à son action sociale ; est-ce besoin de bien connaître pour le mieux combattre un redoutable adversaire ? Sans doute ; mais on craint aussi de deviner en certaines de ces analyses les effets d'une curieuse fascination. A force de se vouloir équitable et compréhensif, il arrive qu'on donne à l'ennemi la partie belle. On rappelle brièvement les sentences portées contre lui, comme s'il était superflu d'insister ; puis on expose largement des thèses placées sous un jour favorable, la grande tentation étant d'en réprouver les principes pour annexer délibérément une partie de leur contenu. Ainsi paraît une zone d'ambiguïté et d'incertitude ; ce qui semblait d'abord nettement incompatible Biblioteca Gino Bianco aspire à de conf uses rencontres que favorisent les subtilités du langage et les trompeuses expansions du sentiment. Deux raisons très générales nourrisent l' équivoque. En premier lieu, il va de soi que le christianisme n'est pas concevable s'il n'est amour et charité ; il est venu, dit-il, apporter la parole de vie surtout aux misérables et aux déshérités ; or le marxisme et le communisme qui prétend l'incarner ont réussi à créer chez beaucoup d'hommes l'impression qu'ils ont assumé la tâche de défendre les pauvres, de les sauver et de les glorifier. Les remèdes appliqués au mal social par les religions n'ayant pas donné ce qu'on en attendait, l'heure est venue de passer à d'autres méthodes et d'instaurer par des moyens humains le paradis terrestre. La réponse est facile : il faudrait d'abord savoir si le communisme propose les traitements qu'exige la condition populaire et s'il peut se targuer de .succès plus notables que ceux des autres doctrines politiques ; il faudrait faire le compte de ce qu'il réalise et de ce qu'il détruit. Alors les illusions seraient dissipées, l'imposture nettement établie. Mais nombre de croyants sincères et généreux ne peuvent entreprendre pareille critique sans éprouver un sentiment de malaise ; ils entendent le message marxiste comme un reproche, comme la dénonciation de leur échec ou de leur insuffisance, ils ne supportent pas l'idée de passer pour des pharisiens et de fournir caution à l'égoïsme des riches. Ils admettent implicitement le vieil adage très réaliste en vertu duquel ventre affamé n'a pas d'oreilles ; puisque les prolétaires se détournent de la vérité chrétienne pour épouser une foi marxiste bien plus sommaire, n'en faut-il pas accuser ceux qui n'ont pas su intervenir à temps et panser les plaies les plus cruelles ? Le communisme n'est-il pas légitimé par l'injustice des uns et la carence des autres ? Au

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