Le Contrat Social - anno II - n. 4 - luglio 1958

L. LAURAT ce qui arrivait régulièrement quand ils subissaient l'épreuve du pouvoir. D'où ce paradoxe signalé par Henri de Man, que cite Émile Vandervelde en lui reconnaissant « une large part de , . , ver1te » : Précisément, dans le stade actuel de l'influence fortement accrue de la classe ouvrière, on peut attendre plus de réformes socialistes des gouvernements bourgeois que des gouvernements socialistes, ce qui n'exclut naturellement pas que l'impulsion vers ces réformes sera toujours directement proportionnelle à la puissance des partis ouvriers. 11 Appelés en 1918-19 aux responsabilités du pouvoir, les socialistes avaient imposé, en Allemagne et en Autriche, la création de commissions de socialisation. Pour la première fois, ils se trouvèrent devant les problèmes concrets posés par la réorganisation de l'économie sur des bases collectives. Ils ne tardèrent pas à comprendre que ces questions étaient bien plus complexes que même les plus prudents d'entre eux ne l'avaient imaginé dix ans plus tôt. A la suite des connaissances pratiques acquises dans ces commissions, les théoriciens socialistes, notamment Kautsky, Renner et Hilferding, préciseront leurs vues sur la socialisation en s'élevant avec force contre les utopies toujours vivaces et ravivées par le schéma issu d'Octobre 1917. Ils condamnent la socialisation embrassant de trop vastes secteurs 1:i et mettent en garde contre l'expropriation sans indemnité. Entre les deux guerres, la pénétration de ces vues réalistes dans la masse des militants est contrariée par le dogme bolchéviste, et l'éducation des adhérents, qu'il faut préparer aux tâches de gestion et de contrôle qui les attendent, s'en trouve freinée. Les socialistes qui ont pris une part active au mouvement « planiste » des années 1934-1938 (action contre la crise) ont perdu beaucoup de temps à expliquer que la socialisation partielle, graduelle, avec indemnisation des propriétaires, loin d'être une « trahison », n'était que l'application de principes énoncés depuis toujours, notamment par Engels dès 1847. C'est encore l'influence du dogme bolchéviste qui explique les faux pas du socialisme français au lendemain de la libération de 1945 en matière de socialisation. 13 En retardant, voire en arrêtant l'évolution normale du socialisme amorcée dès la fin du siècle passé, le schéma d'Octobre 1917 a donc désarmé les partis socialistes devant les problèmes les plus graves. Cela est vrai non seulement pour la 11. Cité par Emile Vandervelde dans l'Alternativ,, 1933, p. 226. 12. Renner ~rit en 1929 : " La socialisation générale est du non-sens général. » 13. Il faudrait une étude à part pour montrer l'influence de tous les dogmes du stalinisme : collectivisation forcée de l'agriculture, de l'artisanat et du petit commerce, centralisation absolue, mensonge érigé en syst~me, corruption sémantique, etc. Ces dogmes ont été codifiés dans le Manuel d'~œn0111i1politique publié à Moscou en 1954. Biblioteca Gino Bianco 241 participation au pouvoir et pour les questions économiques, mais aussi pour la défense nationale, le maintien de la paix et l'émancipation àes colonies. Là encore, il faut se borner à quelques indications sommaires. A partir du moment où un parti socialiste est assez fort pour assumer ou partager les responsabilités du pouvoir, il lui incombe d'assumer la défense de la collectivité nationale. Le refus des crédits militaires peut se concevoir sous un régime autoritaire où la nation est privée du droit de contrôler les dépenses. Il devient absurde dans une démocratie en général, et plus particulièrement quand des socialistes exercent le pouvoir ou y participent. Au nom de leur dogme défaitiste toujours répudié par le socialisme, les bolchéviks ont accusé, non sans succès, les partis socialistes de « trahir » le socialisme, 14 invoquant aussi l'internationalisme prolétarien et la « lutte pour la paix ». L'adaptation du socialisme à la situation nouvelle découlant des responsabilités du pouvoir eût été bien plus prompte et plus facile si ladite propagande communiste n'avait obsédé de nombreux socialistes en leur rappelant sans cesse de vieilles formules périmées. Alors que les partis participant au pouvoir ne trahissaient nullement l'internationalisme prolétarien ni la paix, mais défendaient l'un et l'autre dans leurs fonctions nouvelles, et plus efficacement qu'à l'époque où ils se livraient à une opposition souvent impuissante. Ce n'est pas le dogme bolchéviste qu'il convient d'incriminer ici, mais l'existence de l'URSS comme telle. Et l'existence de l'URSS comme telle compliqt1e aussi le problème colonial en voie de solution autant sinon plus que le dogme bolchéviste, vieux de quarante ans, de l'abandon inconditionnel des colonies. Aujourd'hui, il est généralement reconnu que l'ancien système colonial est inviable. Le parti travai11iste anglais a été le premier à en tirer des conclusions pratiques quant à l'Inde, ce qui n'empêche que l'Inde aurait sans doute pu éviter une guerre civile si le départ des Anglais s'était accompli moins rapidement. Kautsky écrivait en 1937 : La démocratie de l'État colonisateur n'a pas le droit d'abandonner purement et simplement la population coloniale à elle-même. Les colonies ont été dotées de nombreuses institutions économiques et politiques dont le fonctionnement présuppose un État moderne. Mais pour que, dans un tel État, la démocratie puisse s'épanouir et être rationnellement appliquée par le peuple, il faut d'abord une population assez cultivée, avec une instruction élémentaire assez générale, une presse développée, de vastes organisations libres, tant économiques que politiques. Tout cela est, pour commencer, bien plus important pour la population coloniale que son indépendance intégrale. Mêm l Ind 14. Ce qui n'empêchait null m nt Boukharin d nv1 ager (dès 1922, IV congrès de l'IC) d s ca où mêm le mmunistcs d'un pay capitali t allié d 1UR bien nt ndu, pourraient ou d vrai nt soutenir la politiqu d~ gu rr d leur boura oisic.

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