Le Contrat Social - anno II - n. 4 - luglio 1958

P.BARTON à conserver la qualité de chef d'entreprise au directeur, nommé par l'autorité supérieure ; les conseils ouvriers furent appelés à partager les responsabilités des chefs d'entreprises beaucoup plus que leurs pouvoirs. Finalement, dès que le principe d'« autogestion » eut été acquis, on se mit à orienter les conseils ouvriers unilatéralement vers les problèmes du rendement et des « stimulants matériels », ce qui les amenait, pour la plupart, à s'assimiler bien vite une optique purement patronale. 11 serait, certes, injuste d'affirmer que tous les conseils adoptèrent pareille attitude envers les salariés qui les avaient élus. Certains firent, au contraire, des efforts sincères pour améliorer la situation matérielle des travailleurs ou pour leur assurer une position sociale plus digne. Mais ce furent là des cas assez exceptionnels. Un exemple caractéristique de la situation générale est offert par l'expérience de l'usine-pilote, la FSO de Varsovie-Zeran. A peine deux mois après son élection, Stanislas Piotrowski, président du conseil ouvrier de la FSO, se vit poser par un rédacteur du quotidien syndical la question suivante : « Le personnel de l'usine a-t-il une attitude positive à l'égard du conseil ? » Sa réponse fut édifiante : Plutôt oui, bien qu'il ne nous comprenne pas toujours. Revenons à la question de la rémunération. Voici ce qu'il en était auparavant dans notre usine : ceux qui criaient le plus fort, aussi bien individuellement que par ateliers entiers, obtenaient les salaires les plus élevés. Les autres ateliers, qui travaillaient bien et accusaient un bon rendement, ne demandaient pas d'augmentation avec autant d'insistance. Nous devons maintenant liquider les disproportions qui existent entre les différents secteurs. Cela ne se fera pas sans heurts. Certains, ceux-là mêmes qui criaient le plus fort, convoquent des réunions dans les ateliers et défendent de toutes leurs forces les salaires de privilégiés qu'ils touchent. A leur avis, la démocratie signifie la possibilité de brailler et de protester, elle est là pour leur permettre de défendre leurs intérêts personnels sans une perspective plus large. A cela aussi nous devons nous attaquer. 43 L'homme qui prétendait diriger une entreprise au nom de ses ouvriers trouva normal d'utiliser le vocabulaire classique des patrons de combat qui consiste à dire « crier » ou « brailler » au lieu de «revendiquer». Mieux encore, il sembla croire qu'un ouvrier qui travaille bien ne revendique pas. En constatant qu'une action revendicative peut se solder par une augmentation de salaire, il fut indigné. C'est déjà assez révélateur. Mais Piotrowski tint à mettre les points sur les i en tirant de sa fraîche expérience la conclusion que • • VOICI : C'est pourquoi l'éducation de l'homme constitue la plus importante parmi les tâches qui se posent devant nous comme devant tous les autres conseils ouvriers. Il faut transformer l'ouvrier salarié, qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez, en un ouvrier conscient, en un maître d'entreprise qui voit son avenir surtout 43. G/01 Pracy, 11 janvier 1957. Biblioteca Gino Bianco 231 dans le développement de l'usine et de la production Une telle transformation de la psychologie humaine n'est ni facile ni rapide. Elle est pourtant la condition de l'existence de l'autogestion ouvrière. La conception purement paternaliste, selon laquelle une éducation appropriée suffit à faire disparaître les oppositions entre les intérêts de l'entreprise et ceux de son personnel, n'a évidemment rien d'original : née dans les conditions de la propriété privée, elle fut érigée en doctrine d'État déjà sous le régime instauré du vivant de Staline. Les propos de Piotrowski sont illustrés par le fait que, vingt jours plus tard, cette usine modèle connut une grève dirigée contre une décision antiouvrière du conseil ouvrier. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que les o_rgaJ?-e~d'« autogestion » aient vite fini par se discrediter. En mars 1957, une conférence des conseils ouvriers du bâtiment constata que ceux-ci, à peine formés, traversaient déjà une crise sérieuse : dans de nombreuses entreprises, les salariés se montraient indifférents à leur égard; il y eut aussi des démissions. 44 La principale « conquête » ouvrière de !'Octobre polonais sombrant ainsi au milieu de l'indifférence croissante des prétendus bénéficiaires, l'abolition des réformes ne pouvait se faire trop attendre. Déjà, le président des syndicats commençait par contester. la concession la plus importante que son équipe eût faite à l'automne précédent : l'autorisation accordée aux conseils d'entreprise de défendre les intérêts du personnel de l'établissement vis-à-vis de la direction et même, au besoin, vis-à-vis du conseil ouvrier. ' 5 L'heure de la contre-réforme devait en fait sonner moins d'une année plus tard, pour marquer le quatrième congrès syndical. La contre-réforme FAIT significatif, ce ne fut pas le président des syndicats, mais bien le premier secrétaire du Parti, qui se chargea de porter à la connaissance des délégués au congrès syndical les décisions les plus importantes qu'ils allaient approuver. Et, fidèle à sa méthode, Wladyslaw Gomulka s'y prit sans détours excessifs : La classe ouvrière possède, en plus des conseils ouvriers, ses organisations sous la forme du Parti et des syndicats. [...] Il n'est pas possible d'écarter ces organisations de l'autogestion ouvrière. [...] L'exclusion des conseils d'entreprise de l'autogestion ouvrière a donné naissance à la fausse conception suivante : la tâche des conseils d'entreprise consiste uniquement à se préoccuper des problèmes du bien-être du personnel, de la prétendue défense des intérêts de la classe ouvrière, tandis que les questions de la production et de la gestion de l'usine ne doivent ressortir qu'aux conseils ouvriers. 44. S•tandar Mlodych, 22 mars 1957. • 45. Pr•11lad Zwia•kowy, 1957, n 5. •

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==