Le Contrat Social - anno II - n. 4 - luglio 1958

210 finit sans orage. Le malheur fut que les principaux antagonistes - Robespierre et Carnot - restèrent sur une prudente réserve, et que Billaud-Varenne, sur lequel Saint-Just comptait pour demander à tous « qu'ils deviennent plus sages », dit seulement à Robespierre : « Nous sommes tes amis, nous avons marché ensemble ... » Il déconcerta ainsi Saint-Just. La veille, il traitait Robespierre de «Pisis~ trate ». « Ce déguisement, dit Saint- Just, fit tressaillir mon cœur. » On l'imagine. Mais quoique bien jeune, Saint-Just en avait vu d'autres : sur le cas Danton, Robespierre Jui-même n'avait-il pas hésité jusqu'à la dernière minute ? Ce fut certainement la défection, plus que le déguisement de Bliaud, qui le fit tressaillir. Billaud était en effet un des membres du Comité les mieux placés pour forcer les autres à la conciliation. Ancien hébertiste, déchristianisateur, il en voulait sans doute à Robespierre. Mais, non plus que Collot, il n'avait rien de commun avec les « grands spécialistes ». Il avait été agitateur et tribun avant de devenir homme de gouvernement et il pouvait craindre que la chute de Robespierre fût un avant-coureur de la sienne. Il ne devait guère tarder, d'ailleurs, à être la victime de Thermidor. Le vent, dans le Comité, était bien à la conciliation, quatre jours avant le drame. Barère, la plus mobile des girouettes, nous en est un sûr garant. Le Comité, d'ailleurs, prouve son désir de conciliation en confiant à Saint-Just le soin de faire un rapport sur la conjoncture politique.· On lui suggère même à demi de ne pas parler del'« Être Suprême», afin de ne pas raviver les antagonismes. · Mais, comme il arrive si fréquemment ~ans cette sorte de réunions, au lieu de « vider l'abcès >> et que chacun s'explique, la crainte de la dispute incline chacun à se taire. On ne débusque de leur silence menaçant ni Robespierre, ni Carnot. Lâché par Billaud, SaintJust parle des censures qu'il veut instituer, des délégations patriotiques, des réformes constitutionnelles dont il rêve. Et, parce qu'on avait reculé devant l'explication, chacun sort, lourd de défiance. Sans être consommée, la rupture est ajournée plutôt qu' évitée. Pourtant, elle effrayait aussi bien Robespierre -q~ue ses adversaires. Si graves que· fussent leurs différends, ils répugnaient à les étaler devant la Convention. Carnot - et les spécialistes - parce qu'ils ·n'étaient pas des orateurs, et ne pouvaient considérer sans dépit la longue série des succès oratoires remportés . Biblioteca Gino Bianco BICENTENAIRE DE ROBESPIERRE par « l'incorruptible » dans des circonstances analogues. Robespierre lui-même, parce qu'à moins d'être égaré par la rancune, il ne pouvait pas ne pas voir la difficulté pour lui de rendre à la Convention l'exercice de la souveraineté gouvernementale, dont il avait contribué, plus que personne, à 'la frustrer. Renverser un gouvernement d'autorité, res.:. taurer le gouvernement d' Assemblée, puis, pour en finir avec le gouvernement d' Assemblée, créer un gouvernement plus autoritaire encore parce que plus homogène, devait séduire sa subtilité, mais inquiéter sa prudence. La situation était terriblement ambiguë. Il était à la fois l'incarnation du Comité et son adversaire. Sans doute se disait-il : « Je n'assiste plus aux séances du Comité depuis 45 jours, je ne suis plus rien dans le gouvernement ... >> Il n'était pas sûr lui-même de n'être pas évincé du Comité au prochain renouvellement. Il le déclarait aux Jacobins : « Du moins, je resterai représentant du peuple ... » Mais le public, l'Europe entière continuait à écrire : le gouvernement de Robespierre. . Il était l'homme de la clémence et voulait mettre fin aux persécutions antireligieuses. Et il était l'auteur des décrets de Prairial, qui signifiaient les vacances de la léga]ité judiciaire et le renforcement de la Terreur. Les uns voyaient en lui un réactionnaire, on l'accusait, non seulement d'aspirer à la dictature, mais de vouloir restaurer les Bourbons. Guillain a, sans aucun doute, raison contre Mathiez quand il dit que Robespierre avait cessé d'être l'homme des «massacres». On lui en voulait du blocage des salaires, de la hausse des prix, de la persécution qu'il avait déclenché contre !'Évêché, puis contre la Commune, contre Jean Roux, puis contre Chaumette. Billaud-Varenne, Collot d'Herbois l'ont détesté comme réactionnaire, de même qu'Amar, Vadier, le Comité de Sûreté Générale le détestaient comme clérical et cagot. Mais les riches aussi le détestaient, et plus encore. Les profiteurs, les corrompus, les fournisseurs de guerre, les spéculateurs sur les biens ecélésiastiques tremblaient qu'il leur fît rendre:! gorge, et ils avaient raison. 11 était à la fois le citoyen « contre les pou- • • • • A vo1rs » - touJours susp1c1eux, genant - et l'homme fort qui voulait un pouvoir efficace. Il paraissait un des grands promoteurs de la victoire, Fleurus semblait à beaucoup un fruit de sa vertu. Saint-Just y avait pris une grande part. Lui-même avait contribué au

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