Le Contrat Social - anno II - n. 4 - luglio 1958

190 • d'une Europe fondée sur l'entente francoallemande. Pendant l'occupation nazie, Maurras créa le slogan de « la France seule », transformant son nationalisme cocardier en un « neutralisme » apparent. En préconisant la non-résistance, cette forme nouvelle de nationalisme passif en venait à soutenir indirec- · tement l'Allemagne, alors maîtresse du continent. Il semble que depuis la guerre, l'idée de cc la France seule» soit devenue le thème commun aux courants nationalistes qui se trouvent comme fractions agissantes dans tous les partis non comm11nistes. Si on laisse de côté le jargon politique qui l'enrobe, on y décèle vite son double caractère antieuropéen et antiaméricain, ce qui ne veut pas dire, sauf pour la tendance dite cc neutraliste », qu'il soit systématiquement prosoviétique. Dans l'idée de cc la France seule » se découvre une évidente nostalgie du rôle joué par notre pays dans le passé. Il y a cent ans la France était encore, après la Grande-Bretagne, la plus puissante nation du monde. Sans dominer l'Europe comme au temps de Napoléon, elle pouvait jouer un rôle décisif et d'ailleurs très discutable dans la formation des jeunes nations du continent. Depuis cette époque; elle s'est trouvée dépassée par les nouvelles nations industrielles, comme l'Allemagne, et elle dut d'abord s'intégrer dans une alliance pour maintenir ce fameux équilibre européen que l'imagination des diplomates ne réussit / iblioteca Gino Bianco I LE CONTRAT SOCIAL jamais à remplacer par un système de sécurité moins précaire. On en connaît la suite et la fin. Prétendre faire de la France, comme certains , le préconisent, on ne sait quel arbitre entre l'Occident démocraticque et l'Empire soviétique totalitaire, aboutirait à rompre la solidarité atlantique_ et européenne, donc à accroître la force soviétique sans aucune contrepartie positive pour la sécurité des nations démocratiques. Peut-être obtiendrait-on de Moscou la signature d'un pacte provisoire qu'elle dénoncerait par la suite comme elle vient de dénoncer les accords de Genève (1955) ? Avec ou sans pacte, le soi-disant arbitrage préluderait au suicide de la France et à la fin de l'Europe. L'affirmation de la grandeur nationale n'est pas dans un repli ombrageux et débilitant, en face des périls - qui menacent l'ensemble du monde libre, mais dans une participation active à la construction et à la défense de ce monde libre qui est, dans la situation présente de la planète, la seule finalité d'une politique positive. La vieille Europe des rivalités nationales a sombré dans les deux guerres de notre siècle. A vouloir redonner à ce fantôme tragique une apparence de vie au nom d'un mythe périmé, on tuerait définitivement l'Europe et la France, et avec elles la culture et le mode de vie que l'on prétend préserver. MICHEL COLLINET • , . . : • •

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==