Le Contrat Social - anno II - n. 3 - maggio 1958

178 genre qu'envoyèrent les officiers en campagne arrivèrent trop tard pour être suivies d'effet et donner dè bons résultats, même si elles avaient pu triompher de la position dogmatique inflexible adoptée sur ce sujet par les chefs nazis. M. Dallin souligne ainsi l'énormité de la faute commise par les Allemands : L'Allemagne aurait pu avoir à sa disposition le nombre le plus considérable de citoyens soviétiques en âge de porter les armes qui aient jamais été délivrés de la tutelle de leur gouvernement ; pourtant, sur des · millions de prisonniers, une petite proportion seulement put survivre. Quelle qu'ait pu être leur attitude envers le régime soviétique, il n'apparut qu'à un nombre relativement minime d'entre eux, après l'expérience des camps allemands de prisonniers, qu'ils devaient continuer la lutte aux côtés de ceux qui les avaient , captures. Ainsi, en fin de compte, ce seront le dogme et la brutalité du totalitarisme nazi qui perdront l' Alle1nagne. La gravité de l'erreur commise est mise en lumière par le fait que, partout où le commandement militaire allemand tenta sur place des expériences éphémères laissant à la population une certaine autonomie administrative, culturelle, et économique, les résultats furent, de son point de vue, excellents. Non seulement il n'en résulta aucun désastre, mais au contraire la population locale mit moins de réticence à coopérer avec les forces d'occupation. Ce qui empêcha principalement les Allemands de recourir efficacement à la guerre psychologique fut l'élément de racisme fanatique propre à la variété nazie du totalitarisme. Ils traitèrent les peuples qu'ils considéraient racialement inférieurs con1me un rebut humain, comme autant d' Untermenschen tout juste bons à servir leurs « maîtres naturels », les Allemands. Quand, militairement, la marée reflua vers l'Ouest, les chefs nazis continuèrent à se cramponner à leur racisme doctrinal, cherchant même à l'utiliser dans la propagande destinée aux alliés occidentaux de l'URSS. « L' Untermensch s'est levé pour conquérir le monde, déclarait un message de propagande allemande, Europe, défends-toi ! » Une telle philosophie empêchait de traiter en égaux les peuples cc sujets », et de former chez eux une classe de dirigeants et d'intellectuels. cc Apprendre à lire et à écrire aux Russes, Ukrainiens et Khirghizes, avait déclaré Hitler, tournerait finalement à notre désavantage. L'instruction donnerait aux plus intelligents d'entre eux l'occasion d'étudier l'histoire, d'acquérir un sens historique, et finalement de concevoir des idées politiques qui ne pourraient manquer d'aller contre nos intérêts. » Bref, les peuples conquis devaient être traités comme des « colonisés » et délibérément maintenus dans un état d'ignorance qui leur interdît tout espoir d'indépendance politique. Les plus perspicaces parmi les observateurs allemands notèrent que c'était précisément l'humiliation d'être traités en inférieurs qui, plutôt que les privations, inspira le plus de colère aux habitants des territoires . , . , . .sov1et1ques occupes. BibliotecaGinoBianco LE CONTRAT SOCIAL Finalement, ce fut le Kremlin qui profita de la politique des Allemands, lorsqu'il réussit à rallier ses sujets, bien qu'opprimés depuis des années et mécontents, pour une lutte héroïque contre l'envahisseur. C'est là un des 17oints principaux du livre de M. Dallin, et l'attention qu'il lui prête contribue à en faire l'un des ouvr.ages récents les plus importants sur l'histoire contemporaine et la politique totalitaire. HANS KOHN Aux sources vives PIERREBARBIERet FRANCEVERNILLAT: Histoire de France par les chansons. - IV. La Révolution. Paris, Gallimard, 1957. • C'EST une charmante idée que de· raconter l'histoire d'un pays par ses chansons. On remonte ainsi aux sources vives de l'imagination et de l'émotion populaires qui, si elles ne permettent pas de porter sur les événe1nents un jugement critique, leur donnent une coloration affective dont il faut s'imprégner pour les bien comprendre. Cela est vrai de tous les temps, mais plus encore des temps troublés quand le peuple, longtemps tenu à l'écart, devient le principal acteur. Les chansons de la Révolution ne ressemblent à celles d'aucune autre époque. Elles sont agressives, provocantes, et destinées à créer le climat d'exaltation dans lequel se mouvaient les foules. Pour nous elles recréent une imagerie familière. Épinal un peu naïf, où nous retrouvons sous une forme stylisée les personnages et les décors de cette fin d'un monde. L'initiative prise par Pierre Barbier et France Vernillat de les rassembler dans un recueil, ce qui n'allait pas sans quelque difficulté, est déjà une idée heureuse. Nos auteurs l'ont menée à bonne fin en réalisant un ouvrage très attachant aussi bien pour le musicologue que pour le poète et l'historien. Le texte de présentation, simple relation des événements historiques à propos desquels furent créées les chansons, ne manque ni de verve, ni d'esprit ; on a su trouver entre l'anecdote et l'exposé abstrait le point d'application qui convenait, et le seul reproche à adresser aux auteurs est d'avoir fait la place un peu trop large à la période thermidorienne, où le plat génie des faiseurs de chansons n'emprunte plus grandchose à la veine populaire. La lectvre de ce :florilège permet quelques découvertes : les chansons ont eu la vie courte ; ce furent des œuvres de circonstance; elles n'ont pas, pour la plupart, été transmises aux générations suivantes par une riche tradition orale ; elles ne furent ni remaniées, ni schématisées par une lente élaboration populaire. Il leur manque la patine du temps. D'où la pauvreté des refrains et l'absence de leitmotive qui les caractérisent trop souvent . La Carmagnole est une heureuse exception .

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