Le Contrat Social - anno II - n. 3 - maggio 1958

170 Son discours respire d'un bout à l'autre l'amour le plus pur de l'égalité et du peuple. Loin de demander, comme on· l'a prétendu, la cessation du gouvernement révolutionnaire, il en conseilla le maintien, tout en faisant sentir la nécessité de le purger des fripons et des traîtres qui s'y étaient glissés. Quant à la terreur, il voulait qu'en cessant de l'appesantir sur le peuple, on la rendît plus juste et plus sévère envers les aristocrates et les immoraux. Il fut accablé sous le nombre et la fureur de ses ennemis, dont les vociférations tumultueuses rendirent toute défense impossible. On passa avec une précipitation scandaleuse du bâillon à l'arrestation et de celle-ci à la mise hors la loi. Le peuple qui accourait à son secours fut divisé et dispersé par d'incroyables accusations de tyrannie, de royalisme et d'intelligence avec les Bourbons. Ces accusations sont constatées par les rapports des comités, et la perfidie qui les dicta a été mise hors de doute par l'aveu de PAGES OUBLIÉES leurs auteurs. Robespierre mourut pauvre et chéri de tous ceux qui avaient été à portée de connaître et d'apprécier sa vertu. Il fut la victime de l'immoralité. Le peuple n'eut ja1nais d'ami plus sincère et plus dévoué. On a fait de grands efforts pour flétrir sa mémoire : tantôt on lui a reproché de vouloir s'emparer de la dictature; tantôt on lui impute à crime les rigueurs nécessaires exercées par le gouvernement révolutionnaire. Heureuse, disonsnous, la France, heureuse l'humanité, si Robespierre avait été le dictateur et le réformateur ! Il n'exerça jamais le droit de proscrire et de juger; il n'eut d'autre autorité que celle de la parole; il s'était éloigné du Comité de salut public pendant que le Tribunal révolutionnaire prononçait un grand nombre de peines dont, en de certaines crises, la vertu la plus pure reconnaît l'urgence et approuve la sévérité. PHILIPPE BUONARROTI NOTES SUR ROBESPIERRE par Auguste Blanqui ROBESPIERREétait un Napoléon prématuré. lvlêmes projets par des moyens différents, mais avec des passions communes, la haine de l'esprit révolutionnaire et de l'incrédulité, l'antipathie pour les ge11sde lettres, surtout la soif du pouvoir. Je ne parle pas de l'insensibilité du cœur : ni l'un ni l'autre n'appartenaient à l'espèce humaine. Tous deux voulaient édifier la société sur la vieille métaphysique. Le triomphe de Robespierre en Thermidor eût précipité la France dans la contre-révolution par quelques mois de guillotine, au lieu de l'y conduire à travers quinze ans de victoires. Débarrassé d'Hébert et de Danton par un double coup de bascule, il avait proclamé la restauration des idées religieuses, et comme cette tentative froissait le sentiment le plus vivace du parti révolutionnaire, il n'hésitait plus à exterminer le parti lui-même. Il aurait poussé la Montagne à l'échafaud par hécatombes successives. Amis d'Hébert et partisans de Danton allaient tomber pêle-mêle sous la hache du dictateur contrerévolutionnaire. Il ne cachait pas ses projets d'immolation. << Je n'attends plus rien de la Montagne, disait-il à ses affiliés, le 8 thermidor. Ils voient en moi un tyran dont ils veulent se délivrer. Mais la masse de la Convention est • pour moi.» « La masse de la Convention», c'est-à-dire le côté droit et la Plaine, l'ancienne majorité girondine. Il en était donc arrivé à prendre son appui sur les Girondins et les Royalistes pour abattre les BibliotecaGinoBianco Républicains-Montagnards. Déjà la faction du passé relevait la tête sous cette protection inattendue et se tenait prête à suivre son nouveau guide. ROBESPIERRE[...] voulait retourner la guillotine contre les révolutionnaires et rallier à lui le parti du passé par l'immolation de la Montagne. La loi du 22 prairial était l'instrument préparé pour · cette boucherie. Son triomphe en Thermidor eût été celui de la contre-révolution. Son règne n'aurait pas duré deux ans. Lui aussi eût servi de planche, et sa courte dictature de préface à la rentrée des Bourbons, non pas qu'il préméditât le rôle de Monk, il travaillait pour lui-même, comme Napoléon ; mais entre l'homme de Marengo et d'Austerlitz et l'homme de la place Louis XV, il y avait la différence de la réalité à l'illusion. Sans doctrines économiques, sans idées pratiques sur l' organisaiion sociale, déclamateur éternel et monotone, psalmodiant sans fin les mots justice, vertu, raison, morale, entremêlés de soupirs sur Brutus, Cicéron, Catilina, César, etc., Robespierre n'aurait fait que déblayer le terrain et aplanir les voies à la Royauté. La Montagne exterminée, l'esprit révolutionnaire détruit, les prêtres rétablis, le catholic1sme relevé, son œuvre était accomplie ; la contre-révolution faite, le pouvoir, échappant de ,

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