Le Contrat Social - anno II - n. 3 - maggio 1958

160 Cependant, l'impossible demeure obstinément vrai. Des treize pays gravitant dans l'orbite sinosoviétique, tous dotés de la propriété publique des moyens de production et d'une économie planifiée, trois ou quatre seulement bénéficiaient du plein emploi en 1957, et cela principalement pour des raisons d'ordre c' é .nographique sans aucun rapport avec les lois de l'expansion économique socialiste . Dans ces pays, comme dans les autres pays du bloc communiste, la politique d'industrialisation forcée a sans doute exercé un effet déterminant sur le problème de l'emploi ; mais on peut se demander si le plein emploi aurait été effectivement atteint, même dans ces pays « privilégiés )), sans l'intervention des facteurs indépendants que nous allons étudier. * )(- )(- L'ÉNORME excédent de main-d'œuvre de la Russie d'avant 1914 se trouva réduit d'un nombre considérable de millions. par les pertes en vies humaines des deux guerres (la Grande Guerre et la guerre civile) de 1914-1921, par les épidémies de 1916-1922, par les famines dans la région de la Volga en 1921 et en Ukraine en 1932 (cette dernière à la suite de la collectivisation forcée), par la terreur des années vingt et les épurations des années trente. La guerre 1941-45 fit de nouvelles hécatombes, se chiffrant également par millions. L'institution des camps de travail a également influé de façon constante et sensible sur le niveau de l'emploi, par le retrait forcé de millions de travailleurs, dont une grande partie sont morts en captivité. 7 Bref, l'actuelle pénurie relative de main-d'œuvre en Union soviétique résulte non seulement de la grande expansion de l'industrie et de l'extension de l'instruction, mais aussi des gigantesques bouleversements démographiques survenus dans un passé récent (bouleversements dont la raison doit être cherchée, au moins pour certains d'entre eux, dans la politique totalitaire du régime soviétiq1:1e), ainsi que de l'existence en URSS d'immenses richesses naturelles qui ne sont encore que partiellement exploitées. Mais l'ensemble de ces facteurs ne se rencontre pas ailleurs dans le monde communiste, même pas en Chine, ce qui fait du cas soviétique le seul de son espèce. En l'absence de tels de ces facteurs, il serait illusoire de supposer que l'introduction pure et simple de la propriété publique des moyens de production et de l'économie planifiée produirait automatiquement sur le marché du travail les mêmes effets qu'en URSS. 7. En raison de la faible productivité de leur travail, les détenus des camps doivent -=-- tout au plus - être considérés comme sous-employés et assimilés à ce point de vue aux exploitants de fermes minuscules, qui passent une bonne partie de l'année dans un chômage involontaire. Les économistes soviétiques admettent implicitement cette analyse quand ils affirment que les détenus des camps de travail nazis d'avant-guerre, ainsi que tous les autres Allemands soumis au Service du Travail, n'étaient pas des travailleurs et ne devaient pas être recensés comme tels (Grande Encyclopédie soviétique, ze édition, Moscou, vol. 4, p. 392). BibliotecaGinoBianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE Tchécoslovaquie De même, le plein emploi auquel sont parvenus deux des pays d'Europe dépendant du bloc soviétique est dû en grande partie à des changements démographiques qui n'ont rien à voir avec le fonctionnement d'une économie communiste. En Tchécoslovaquie, le chômage élevé de l'entre-deuxguerres disparut après 1938- bien que les Tchèques n'aient pas été appelés sous les drapeaux - en raison notamment des investissements importants effectués pendant la guerre par l'industrie allemande dans un pays que l'on considérait comme rattaché· à tout jamais au Reich hitlérien. D'autre part, la République d'après-guerre a chassé 2 500 000 de· ses ressortissants, appartenant aux minorités allemande et hongroise, mais elle a gardé leurs biens ;. enfin, elle a perdu la Ruthénie, province économi- .. quement déficitaire. Calculé par tête, le montant · des investissements tchécoslovaques a augmenté entre 1938 et 1945 d'environ un cinquième, ce qui suffit à provoquer une demande de main-d' œuvre· bien supérieure. Le taux d'accroissement naturel de la population est faible : en 1956, dans les pays tchèques de la République, il n'était que de 0,7 % par an, chiffre très proche de la moyenne démographique des vieux pays d'Europe occidentale. Mais ni ce dernier fait, ni les talents et les qualités. innées, techniques et économiques, qui ont apporté· au peuple tchèque une prospérité relative, ne sont dus à l'économie marxiste. Allemagne Orientale Avec un taux d'accroissement naturel atteignant à peine 0,44 %, l'Allemagne de l'Est est le seul pays de l'Europe continentale où la population décroît. Du fait des fuites massives vers l'Ouest, elle a perdu depuis 1950 deux millions d'habitants ;: en 1957, cet exode atteignait une moyenne hebdomadaire de 4 500 à 5 000 personnes, pour la plupart jeunes travailleurs ou jeunes gens presque en âge· de travailler. Depuis quelque temps, des économistes d'Allemagne Orientale reconnaissent, dans leurs écrits, que « bientôt )) le nombre des travailleurs entrant dans l'industrie serait inférieur à celui des départs; ce« bientôt» est un euphémisme, puisqu'en fait, ce problème se pose déjà. En l'occurrence,. l'économie marxiste a indirectement produit un effet opposé à celui que les théoriciens soviétiques déclarent inhérent à la structure d'un pays socialiste : bien que l'on soit en régime d'économie planifiée, la classe ouvrière, au lieu d'augmenter,. diminue, et du point de vue de l'économie du travail, "l'Allemagne de l'Est communiste vieillit,. tout comme l'Irlande capitaliste, mais pour des raisons entièrement différentes. Hongrie La Hongrie constitue un cas-limite; la fertilité du sol, le faible taux d'augmentation de la population (0,9 % en 1956), l'expansion industrielle forcée, l'abandon depuis 1953 de la collectivisation agricole : tous ces facteurs réunis ont empêché la

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