Le Contrat Social - anno II - n. 2 - marzo 1958

• Quelques Livres Le communisme en Amérique latine ROBERT J. ALEXANDER : Communism in Latin America. New Brunswick, Rutgers University Pre~sJ 1957. USQU' A 1~deuxième guerre mondiale, l'Amérique latine a été relativement peu connue et négligée, du poiht de vue politique comme des autres. Le pouvoir soviétique lui-même, ab3orbé par l'Europe et l'Asie, n'accorda guère d'attention à cette région. L'après-guerre cependant amena manifestement les communistes à s'intéresser de plus près aux pays d'Amérique latine, où, à la faveur du mécontentement populaire et de l'acuité des antagonismes sociaux, ils trouvent trop souvent un terrain propice à leur infiltration. L'étude que consacre à cette question Robert J. Alexander, professeur d'économie politique à Rutgers University, présente un intérêt considérable, non seulement par la documentation qu'il fournit sur l'action communiste dans un secteur géographique déterminé, mais par tout ce qu'il nous apprend sur l'histoire récente de l'Amérique latine, domaine complexe qui n'avait guère fait l'objet jusqu'ici de travaux d'ensemble approfondis. L'analyse pénétrante de l'auteur contribue à dissiper certaines id~es reçues, aussi fausses que répandues, sur l'Amérique latine. L'une d'entre elles est que le mécontentement populaire serait principalement dû, en Amérique latine comme ailleurs, à une économie retardataire, à la misère, et à la mauvaise répartition des terres. Certes, les facteurs économiques comptent pour beaucoup, mais ils ne constituent qu'un aspect du problème. Pour R. Alexander, il faut tenir compte également, entre autres, de la nécessité fondamentale de changements dans la structure sociale qui permettraient une vie démocratique normale et stable, et de la méfiance traditionnelle des LatinoAméricains envers l'étranger, toujours soupçonné -d'arrière-pensées colonialistes dès qu'il est question de faire appel à son concours pour la réalisation d'un programme de coopération économique. Une seconde méprise, étroitement liée à la première.,est que la pauvreté serait la raisonprincipale de la perméabilité de l'Amériquelatine à l'influence conm,11niste.A juste raison M. Alexander souligne que l'attrait (!u communisme s'est manifesté beaucoup moins dans les couches les moins favoBiblioteca Gino Bianco risées de la population que dans certains milieux de la classe moyenne citadine, notamment les intellectuels et les étudiants. Dans ces milieux, ce ne sont pas les conditions économiques, mais l'échec répété des tentatives de réforme sociale ou politique qui a conduit un certain nombre de gens à opter pour le communisme. D'autre part, le progrès matériel qui a accompagné l'industrialisation naissante a permis d'améliorer dans une certaine mesure le sort des travailleurs agricoles . et des ouvriers d'industrie dans la plupart des pays d'Amérique latine. De ce fait le communisme a connu relativement peu de succès parmi les travailleurs. * ,,. ,,. A CAUSE DE leurs préoccupations sociales, du fait aussi de leur intérêt pour les idées, les intellectuels et les étudiants tendent à préférer aux mesures partielles des solutions d'ensemble aux grands problèmes nationaux. Leur souci principal est de débarrasser leurs pays des vestiges du féodalisme, d'y faire régner plus de liberté et plus de justice sociale. Chaque fois que les tentatives dans cette voie ont échoué, les communistes ont trouvé un terrain propice à leur agitation ; inversement, chaque fois qu'était franchie une nouvelle étape vers la réforme de la vie nationale, les communistes se sont vus privés de possibilités de rayonnement. M. Alexander cite le cas du Guatemala et celui du Chili à l'appui de sa conviction qu'une révolution sociale nationale est le meilleur moyen d'empêcher le développement du communisme. Ni l'un ni l'autre de ces pays n'ont connu une telle révolution ; aussi le communisme a-t-il pu y exercer une influence considérable. Il convient de rappeler à cet égard que dans le contexte latino-américain, le terme de « révolution sociale» implique d'une part une amélioration graduelle des conditions de vie plutôt qu'un bouleversement de l'ordre établi, d'autre part l'instauration d'un régime de propriété foncière adapté aux conceptions modernes de distribution équitable. Il s'agit en substance d'extirper les pratiques féodales héritées de l'ère coloniale et renforcées au XIX siècle, lorsque l'indépendance nouvellement conquise donna aux propriétaires fonciers des pouvoirs jadis réservés à l'atat. Parmi ces vestiges de féodalisme, on doit citer le système de propriété foncière, qui laisse à quelques privilégiés l'exploitation d'immenses

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